lundi 30 avril 2012

NouvOson…




L'AFP nous apprend que le podcast ne serait pas rentable, en terme de monétisation, pour les radios. Bigre ! On voit mal comment d'un côté les radios publiques mettraient dans leurs émissions en podcast, des publicités, et de l'autre pour respecter leur cahier des charges renonceraient aux messages publicitaires à l'antenne, exception faite de France Inter, et ce de façon très contrôlée. Quant aux radios privées, faisons-leur confiance, elles ne manqueront pas de venir "brouiller" les émissions, avec la dernière marque de tarte à la crème ou l'élixir miracle de l'abbé Sourci.


Ce que nous révèle cet article d'Édouard de MARESCHAL (AFP) est absolument excitant, si comme annoncé, nous verrons au second semestre la création d'une plateforme "baptisée "nouvOson", [qui] permettra d'écouter des documentaires, des fictions radiophoniques, des reportages, des captations de concerts et des archives depuis 1996 en "multicanal", un format audio se rapprochant de l'écoute naturelle". C'est particulièrement le mot "archives" qui a retenu mon attention. Imaginer que sur un site dédié nous allons pouvoir découvrir ou redécouvrir quelques trésors radiophoniques est pour le moins séduisant. Quelle sera la part de ces archives sur cette plateforme ? Mystère et boule de gomme. Mais, mais, mais, cet article a le mérite de titiller notre curiosité et, je me vois bien mettre à l'épaule mon Nagra, pour courir le reportage et obtenir quelques informations de première bourre.

Ce qui dans la tradition feuilletonesque radio aurait donné à l'antenne l'annonce suivante : "Notre radio-reporter parviendra-t-il à percer le Mystère du NouvOson ? Pourra-t-il au péril de sa vie faire parler le Grand Manitou ? La face de la radio en sera-t-elle changée pour toujours ? Vous le saurez bientôt en écoutant notre grand radio-feuilleton "Ça va bouillir" !

Crédit photo : Signal d'enregistrement lors d'une émission de radio (AFP/Archives, Jacques Demarthon)

dimanche 29 avril 2012

Les bonnes ondes…

Photo: Marie-Noëlle Bertrand
Mon ami, le perroquet Radiola est extraordinaire ! La marée, il l'a "dans le cœur, qui lui remonte comme un cygne…" Et, à l'écouter craquer, la mémoire s'emballe. Saint-Malo, plage de Bon Secours, à quelques encablures de la plage du Sillon, devant le palais des Congrès (avec un accent sur le "e") où chaque année a lieu le "Festival Étonnants Voyageurs", où Jean Lebrun (1) prend l'iode, vital à sa longue marche radiophonique, où Daniel Hamelin (2) a péri en mer, où naguère, Annick Beauchamp (3) me prit par l'épaule à l'occasion de la "tournée des plages" de France Inter. Les embruns remontent le cours de ma mémoire. Les images affluent, se bousculent, roulent dans l'écume des vagues, s'étirent à l'infini en laisse de mer. Les premiers émois amoureux, les visages, les soleils et les petites pluies. Et la mer toujours recommencée. Suzy Solidor à Saint-Servan et Frehel au cap… "La marée je l'ai dans le cœur". Salut Léo, merci Jakki… (4) 

(1) producteur à France Inter, La marche de l'histoire, lundi au vendredi, 13h30,
(2) animateur à France Inter, années 60, puis créateur, avec d'autres, des locales de Radio France,
(3) dite aussi "Madame Inter"… 

(4) merci à Jacques Depierreux d'avoir été aussi patient pour m'aider à mettre du son sur ce blog. En illustrant ce billet d'une de ses captations, je voulais lui rendre un petit hommage bien mérité…

samedi 28 avril 2012

Vous avez loupé (7)…

Martin Luther King © New York World-Telegram



Allez on commence par À voix nue ! Serge July le parisien libéré nous conte en cinq épisodes du soir une certaine… Libération de la presse. Rien avoir avec le Libé d'aujourd'hui, propret et partisan. À Libé comme au Monde naissent des plumes qui s'affirment au-delà du journalisme. Eric Fottorino depuis qu'il n'est plus directeur du journal du soir (qui paraît à 13h) écrit sans relâche. Frédéric Bonnaud le recevait dans son Plan B.  De July à Fottorino, et à la politique, il n'y a qu'un pas que Guillaume Galliene franchit allègrement en nous proposant les grands discours politiques (part II).

De ces tracas quotidiens peuvent jaillir quelques douces lumières, pour, par exemple, faire un bout de route avec le vieux troubadour Dylan, dont Louis Skoreki ne cache qu'il est son idole. Bonnaud très revival cette semaine en remet une couche vendredi avec les Rolling Stone mais le site de l'émission a du buggué car pas moyen d'accéder à l'émission. Prenez patience, elle reviendra. Et maintenant, c'est le cas de le dire, Rapprochez-vous du poste, où comment Vincent Théval au prétexte qu'Atom Heart Mother (Pink Floyd) est un sujet du bac (option Musique), en profite pour contextualiser l'époque (Septembre 1970). Pour "finir" en beauté on file, grâce à RFI, au Cap Vert pour un reportage à Praia pour la quatrième édition du Kriol Jazz Festival.

Le 2 mai sur France Musique vous pourrez passer la journée avec Jean-Guihen Queyras et son violoncelle. D'ici-là j'aurai pu écouter L'entre-vu de Kaye Mortley sur France Culture. Bonne fin de semaine radio et rendez-vous demain à 18h sur ce blog pour la petite madeleine du dimanche (à moins que ce ne soit une brioche)…

vendredi 27 avril 2012

Orson Welles à la radio…






Hier soir je croise Orson Welles sur les docks ! «Hey man… !» Il me file une poignée de main à ébranler la Tour de Pise. On marche. Placides. Je me lance :
- ”Quand vous dites : «L'avantage de la radio sur le cinéma, c'est qu'à la radio l'écran est plus large." Vous pouvez m’en dire un peu plus ? “
  

Le géant plisse les yeux, sourit et m’entraîne à le suivre d’un pas alerte. Arrivé devant un immense bâtiment gris et sordide, il pousse la porte gigantesque de ce qui s’avèrera être un studio. Derrière un décor qui figure un immense poste de radio fourmillent une petite armada de femmes et d’hommes. Encasqués, ensonorisés, Nagrapés. Tensions et excitation sont à l’extrême dans les studios-box ou les open space. Les oreilles sont démesurées. Les voix en retour semblent familières et complices de leurs auditeurs.

Orson se déplace avec une démarche aérienne. Il flotte et savoure sans se lasser de l’effet qu’il produit. Personne ne le salue ou ne lui adresse la parole mais chacun semble lui faire un clin d’œil complice. Je le suis fébrilement. Je dois ressembler au petit poucet. Il entre en studio. ON AIR. Il ajuste son micro, pose son havane dans le cendrier, indicatif ! Sans note, sans casque, Orson commence à raconter une histoire qui ressemble à un feuilleton. Je ne me trompe pas ! Depuis le 10 octobre 1985, Orson vient, chaque soir, dans son studio de radio raconter une longue histoire qui n’en finit pas ! Ce soir c’est le neuf mille quatre cent trente-septième épisode.

Rosebud est un conte philosophique à destination d’un autre système solaire. Un monde sans écran, sans parabole. Juste des mots, des paroles qui en même temps qu’elles se diffusent s’inscrivent “là-bas” sur un écran de cinéma, circulaire et absolument démesuré. Au pied de cette tour gigantesque une foule semble lire ce qui s’inscrit, portée par la voix de stentor d’Orson. Je me réveille en comptant. Si j’avais la prétention de rivaliser il me resterait neuf mille cent un épisodes à vous écrire. Encore faudrait-il qu’Orson Welles mette fin à son feuilleton ce soir même ! Alors que j'en suis sûr il ne s’arrêtera jamais. Définitivement immortel ! (1)

Mes chers auditeurs, je republie ici mon billet du 29 juillet 2011, dans l'éventualité où il vous aurait échappé !

(1) 28 novembre 2011, Denis Florent a publié une contribution sur la mythique émission d'Orson Welles à partir du texte "La guerre des mondes". À lire absolument.
http://www.denisflorent.fr/responsabilite-vs-buzz/

jeudi 26 avril 2012

Numérix… chez les gaulois

Jeudi 19 avril, dans le cadre de l'exposition "Radio, Ouvrez grandes vos oreilles", Daniel Fiévet, journaliste scientifique et producteur à France Inter, animait la conférence "La radio fait sa révolution numérique" (1). Il faut déjà s'intéresser au sujet pour pouvoir suivre et comprendre les arcanes d'une révolution numérique à la radio, dont Hervé Glevarec dit qu'elle "est une longue révolution en cours comme disait un sociologue à propos de la culture populaire".

Car, en un peu plus d'une heure trente, faire se croiser les points de vue et expériences des quatre spécialistes invités à cette conférence tient un peu de la gageure. Entre les besoins technologiques - élargir l'offre de la radio, saturée sur la bande FM (2) -, les réalités de l'offre audio, les pratiques des auditeurs et autres internautes, et le "cahier des charges" de Radio France sur la Radio Numérique Terrestre (RNT), il y avait de quoi faire quatre conférences…

Pour l'offre audio, il est intéressant d'entendre Nicolas Becqueret juger que "des programmes dits "radio" n'en sont pas, puisque jamais diffusés en radio mais exclusivement sur internet…". Et d'affirmer : "pour être précis on va être obligé d'arrêter de parler radio pour ces choses toutes différentes, -les radios de supermarché, d'entreprise, celle de Télérama sur son site web…- et de parler d'une production sonore qui a un modèle économique viable…". Quant à "la créativité sonore, la production de contenus sonores multi-supports se fera sans doute sur des supports autres que ceux de la RNT".

Pour Hervé Glevarec : "La radio est dans un nouvel environnement. Déjà la radiothèque (stockage de podcasts) est inédite pour la radio. Il faut distinguer le numérique comme norme distincte de l'analogique, et le numérique comme signifiant internet permettant d'autres accès à la radio. Les radios vont devenir des métas radio, des radios plus autre chose (images, vidéos, texte,…). Le fait que l'écoute radio soit délinéarisée (3) bouleverse d'ores et déjà les pratiques."

Quant à Jean-Michel Kandin, il rappelle que "la réception radio passe aujourd'hui encore par l'hertzien à 95%, quand satellite, cable et podcast font à eux trois 5%."  Et sur l'évolution du média : "Un grand réseau public gratuit ne peut plus se concevoir en "pure audio". Ça n'a plus de sens. Aujourd'hui les studios que nous créons sont équipés de caméras de télévision HD 16/9ème. Il faut apporter une composante visuelle. L'hybridation on la vit déjà à Radio France."

Vous pourrez en savoir plus en écoutant cette conférence qui donne envie sur chacun des sujets de les approfondir. Ceci est l'occasion de constater que Radio France aurait pu, depuis un moment, mettre en ligne sur un site dédié les étapes de l'évolution en cours à la radio. Avec des sons, des images, des interviews, des graphiques, des apports techniques et dans un coin un raton-laveur… Voilà une suggestion que je vais m'empresser de faire aux intéressés.

Pour ici conclure, j'aime bien entendre Hervé Glevarec dire "l'auditeur a un lien d'identification avec sa radio". Cela a été mon cas pendant longtemps (Inter puis Culture) même si aujourd'hui je navigue plus large…

(1) Avec : Nicolas Becqueret, membre du GRER, Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Radio, Philippe Chapot, fondateur du salon Le RADIO et secrétaire général de l'Association pour la Radio Numérique DR France, Hervé Glevarec, directeur de recherche au CNRS, laboratoire Communication et politique, commissaire de l’exposition « Radio : ouvrez grand vos oreilles ! » et Jean-Michel Kandin, directeur général adjoint, chargé des techniques et des technologies nouvelles, Radio France. Cette conférence est podcastable sur le site de l'exposition.

(2) dans un des paysages radiophoniques les plus riches d'Europe en terme de diversité : 6000 fréquences sur la France, un peu moins de 3000 pour le Service Public et le reste pour les radios privées et associatives.
(3) écoute sélective en dehors du flux "en direct" de la radio.

mercredi 25 avril 2012

Radio-débat…

L'idée a fait florès… Quatre radios généralistes ont proposé hier matin un débat aux deux candidats en lice pour l'élection présidentielle. "Du jamais vu" ont dit les gazettes ! Pensez, l'Inter, la RTL, l'Europe 1 et la RMC ensemble pour le show. "12 millions d'auditeurs potentiels" ont surenchéri les mêmes gazettes… De quoi se frotter les mains pour les responsables de ces médias. La radio reconnue à nouveau ! Sortie de cette attribution de "média d'accompagnement" pour exercer celle de média… tout court. L'idée était excellente. 

Au petit matin, dans les embouteillages, sous la douche, ou sous la couette, on aurait pu enfin, un matin, sortir du syndrome de la chronique, des experts et autres galéjades de comiques-troupiers-à-l'humour-attendu-pas-drôle-du-tout. Les journalistes et autres chroniqueurs TV auraient dû se faire à l'idée d'être "à la remorque" de la radio, de montrer dès 13h des images avec les logos des chaînes en arrière-plan, de mettre en avant des confrères dont ils auraient dû hoqueter le nom…

Une belle opération média et un juste retour d'image (sic) pour la radio. Et surtout, l'occasion d'exploser les habitudes qui voudraient que tout se passe le soir avec des images, et que le matin soit réservé au "gavage des oies" (1). Le débat démocratique y aurait trouvé une nouvelle tribune, pour laquelle il aurait été tellement intéressant d'analyser quelle en a été l'écoute, débarrassée des images, des mimiques, et autres sourcillements pointus. Mais me voilà devenu "Perrette et [son] pot au lait" ! Last but not least… Hollande n'a pas voulu ! Adieu veaux, vaches, cochons, couvées. 

Si ce n'est pas le lieu ici d'en faire l'analyse politique, regrettons cette décision du seul point de vue de l'équilibre… médiatique. Alors pourquoi n'y avoir pas pensé plus tôt ? Facile à dire Mimille, mais bon, la grand messe exclusive du débat TV d'entre-deux tours est à la politique ce que le fromage (1) est à la France : une INS-TI-TU-TION, dont les Télés repassent en boucle les anciens épisodes jusqu'à plus soif. Suggérons aux quatre radios généralistes, fortes de cette expérience, de poser des jalons dès janvier 2017.

(1) Dans les tunnels de l'infotainment, (programmes fournissant à la fois de l'information et du divertissement),
(2) bon, dans le cas présent, ce n'est peut-être pas un bon exemple, mais vous n'allez pas m'en faire tout un fromage des fois…

mardi 24 avril 2012

Alabama Song…

© Don VanCleave






Dimanche soir, alors que les radios sont en plein trip électoral, qu'on frôle l'overdose, Michka Assayas enfourche son Subjectif 21, un beau canasson libre et sauvage qui, depuis toujours, a déserté les champs de moutons (sic). Michka est aussi fou que son cheval ! Il court après une zique qui ne tourne pas en boucle dans les succursales des maisons de disque et, ne s'affiche pas sur des playlists stéréotypées. Pour ce numéro du 22 avril on ne sera pas déçu, à condition bien sûr de goûter à ce que Michka a nommé "Lyriques, rétro et flamboyants". Le meilleur est à venir.


"Je vais être franc : pour moi, la néo-soul, aujourd'hui, ce sont presque toujours des singeries vocales et des affectations de possession qui me font horreur. Le jour où j'ai entendu ce titre d'Alabama Shakes (You ain't alone), ma mâchoire s'est décrochée, un peu comme quand j'ai entendu les White Stripes pour la première fois. Brittany Howard est noire, elle a des lunettes, elle vient du nord de l'Alabama, et elle croit en cette musique sans l'avoir vraiment désiré, parce que ça lui est tombé dessus. Elle m'a rappelé pourquoi, à dix-neuf ans, j'ai pleuré un soir sans discontinuer en voyant le film d'un concert d'Otis Redding. Oui, c'est aussi grand que ça". Après une telle déclaration on attache sa ceinture dans son fauteuil club, on baisse la lumière, on règle le son stéréophonique et on ferme les yeux. La voix de Brittany Howard bouleverse les sens, et on est content de la découvrir avant que le monde entier la porte au plus haut. (1) Je n'ai plus qu'à attendre pour aller les écouter qu'ils passent en terre bretonne. Merci Michka.

Le titre de ce billet fait référence au très beau livre de Gilles Leroy "Alabama Song" (2) qui narre l'histoire romanesque de Zelda Sayre et de Scott Fitzgerald, en se plaçant du point de vue de Zelda (ce qui est assez rare). L'écriture est magnifique (3) et les mots iraient bien dans les chansons de Brittany Howard, inversement la musique ponctuerait bien la lecture de cet ouvrage. Cette découverte va m'inciter à le relire et à proposer à Gilles Leroy, si ce n'est déjà fait, l'écoute d'"Alabama Shakes".

(1) Ce n'est pas la première fois qu'un rock-critic me permet de découvrir de la musique bien avant que celle-ci n'atteigne les émissions de variétés : Antoine de Caunes, Bruce Springteen, Les enfants du rock, 1979,
(2) Prix Goncourt 2008, Mercure de France,

(3) Voici quelques mots "extraordinaires" qui émaillent le récit de Leroy : ocellé, caveçon, phaéton, cothurne, tuxedo, marmoréenne, succube, taximédon, homasse, créosote, voix de rogomme, psychasthénie, rédimer, aporie etc, etc…  

Ajout du 26 avril 2015 (Grâce à Fip)

lundi 23 avril 2012

Résultats…

J. Kerouac listening to himself on the radio, 1959 by John Cohen

Résultat, Une vie, une œuvre dure 58 mn et pourquoi pas 90 mn ou un peu plus ? Résultat, France Culture nous propose une longue soirée de résultats d'élection présidentielle et bouleverse sa grille. Pourquoi alors ne pas bouleverser plus souvent celle du dimanche soir ou de n'importe quel autre jour de la semaine ? Pourquoi l'info a t-elle autant d'influence sur les programmes ? Pourquoi un évènement culturel, artistique, poétique ne s'imposerait-il pas par-dessus une grille bien "grillagée" ? Résultat, la tyrannie du format 58mn, "enfermé" entre deux heures "justes", est un carcan et condamne quelques producteurs à "ronronner".(1)


Résultat, un journaliste de matinale refait chaque matin, avec sa consœur du programme suivant, dans une posture qu'ils se sont imposée, le même numéro de duettistes d'où la spontanéité, la fraîcheur et l'humour sont totalement absents. Résultat, de vraies-fausses parodies occupent l'antenne à midi, coûte que coûte… Résultat, il n'y a toujours pas un vrai programme de chansons sur France Musique. Résultat, les chiffres d'audience du Mouv' ne sont pas communiqués au prétexte qu'ils n'atteindraient pas 1%. Télérama déborde de culture, mais n'en parle pas, pas plus que Le Monde qui cette semaine s'intéresse à Bourdin. Résultat, les journalistes écoutent-ils la radio et sont-ils capables de promouvoir autre chose que ce qui fait l'actualité ?

Résultat, le documentaire à France Culture occupe les cases de 17h et de 23h, mais pourquoi pas celles de 21h ou de 22h, ou pour de longues soirées thématiques. Résultat, le cadencement horaire est devenu une telle mécanique sur cette chaîne qu'une productrice donne l'heure à 16h et à 16h01. Pour quoi faire ? Résultat, un paon fait la roue à l'heure du thé… Résultat, Les Nuits de France Culture pourraient être réécoutables sur le player. Résultat, Subjectif 21, reléguée à 22 heures le dimanche pourrait sortir de sa case et, occuper une heure chaque soir de la semaine sur France Musique. Résultat, Blanc-Francard pourrait aussi l'accueillir au Mouv'. Résultat, Fip tisse sa toile avec une belle constance.

Résultat, on ne sait toujours pas si les politiques écoutent la radio (en dehors des matinales). Résultat on va continuer à parler radio, sans attendre le grand soir mais en guettant au petit matin un peu plus de légèreté, de poésie et de recul… sur les résultats. Ceux d'hier comme ceux qui chaque jour s'empilent dans les rédactions, au risque de ne plus produire aucun autre effet que celui de simple résultat !

(1) Philippe Caloni avait repéré depuis longtemps la similitude du vocabulaire carcéral avec celui de la radio…

dimanche 22 avril 2012

Les trois mousquetaires…

Ah les vieux briscards ! Oh les maringouins ! (1) En voilà trois qui ont joué à la radio comme d'autres jouent au yoyo ou à la Bourse. Ils ont eu de très belles réussites, ont marqué le paysage et, en ce qui me concerne, mes oreilles. Filipacchi (Daniel), Lescure (Pierre), Bellemare (Pierre) viennent respectivement d'évoquer leurs souvenirs de radio. Pour vous situer l'affaire je vous présente aujourd'hui trois anecdotes ou trois détails qui situent bien les personnages. Si j'ai parlé de "jouer" au début de ce billet, c'est parce qu'à l'époque où ces trois figures de radio ont commencé le métier, tout était possible et "permis". Tout s'inventait avec spontanéité, intuition et feeling. Ces trois mousquetaires ont avec légèreté, audace, passion et convictions fait la radio à leur main, et à leur voix bien sûr. Je reviendrai une autre fois sur les plus belles pages de chacun de ces trois hommes de radio.





Filipacchi, le dandy jazzy
"À mes moments perdus (il n'y en avait pas beaucoup), je me lançai dans la production d'émissions de toutes sortes et devins pratiquement le seul producteur indépendant de la station [Europe1]. En peu de temps, je fus à la tête d'une dizaine de programmes, souvent de francs succès : Les petites histoires drôles de Marie Chantal, Les bandes sonores du cinéma et La cuisine à vapeur par exemple… Dans mon émission Salut les copains, j'avais diffusé Sylvie Vartan après Ella Fitzgerald, ou l'inverse. Quelle honte !… Or mon mérite était justement de tenter de faire avaler Ella à mes auditeurs..." (2)


 

Lescure, le petit prince
"Souvent, aussi, je m'endors avec "Les nuits du bout du monde" de Stéphane Pizella (3), diffusées sur Inter Variétés (4) : des récits voyageurs, hypnotiques, où se mêlaient des sons d'une poésie et d'un exotisme inédit, et la voix enveloppante de Pizella. À mi-chemin entre Éric Ambler (pour l'aspect enquête), Joseph Kessel et Connaissances du monde, Pizella pouvait rendre palpable le monde entier, des ramblas de Barcelone au favelas de Rio. Pierre Bouteiller m'a expliqué un jour que chez Pizella, 50 % relevaient de l'improvisiation. Ça confortera l'idée d'une sorte de rêve, de déambulation magique." (5)



Bellemare, le camelot-conteur
"Les programmes d'après-guerre de Radio-Luxembourg se caractérisent par de grandes tournées à travers une France avide de distraction. La première partie du spectacle était consacrée à un tour de chant, à une représentation de cirque et de music-hall ; la seconde faisait place à un jeu animé en public par les stars de la station. L'entrée était payante et seules les émissions les plus réussies bénéficiaient d'une diffusion. La formule connut un succès phénoménal durant une quinzaine d'années. Ainsi, patronné par le shampoing Dop, le chapiteau du cirque Gruss-Jeanner, rebaptisé Radio-Circus, devint-il une attraction nationale, consacrant Zappy Max, le sosie de Max Linder, dans le rôle d'animateur vedette. Il est difficile d'imaginer aujourd'hui l'immense train de camions et de caravanes que nécessitaient ces déplacements incessants. Comme il est difficile de concevoir l'extraordinaire popularité dont jouissaient les animateurs radio à une époque où la télévision était encore confidentielle. Pour présenter "Quitte ou double" par exemple, Zappy Max se déplaçait tel un prince au volant d'une Studebaker décapotable et avait à sa disposition, à chaque étape, un gigantesque mobile-home américain carrossé d'aluminium. Il lui arrivait aussi de gagner le podium en hélicoptère, sous le regard émerveillé du public." (6)

(1) Le mot est joli et sa consonance m'allait bien là…
(2) "Ceci n'est pas une autobiographie", Bernard Fixot, 2012,
(3) LA référence de Daniel Mermet,
(4) Inter-Variétés, réseau ondes moyennes de France Inter,
(5) "In the baba", Grasset, 2012,
(6) "Le bonheur est pour demain", Flammarion, 2011.

samedi 21 avril 2012

Vous avez loupé (6)…





Un lecteur assidu me fait remarquer que mes oreilles traînent trop du côté de la radio publique ! Bigre, "je n'ai que deux oreilles" lui ai-je répondu et seulement un certain temps d'écoute par jour. Il me transmet les coordonnées de sa web radio. Je n'ai pas encore écouté. Pour se mettre en jambes, commençons ces réécoutes de la semaine par une course de côte à la Alfred Jarry. Que vous pourrez enchaîner avec le swing de Michel Legrand, les cinq épisodes d'une série que lui a consacrée Le Mouv' cette semaine. Sa musique pouvant être quelquefois à la mode (sic), vous la garderez en mémoire le temps d'écouter les quatre numéros que Sur les Docks a consacrés aux coulisses de la mode.

Et pour être dans le ton d'une fin de semaine politique vous pourrez soit approcher Hugo Chavez que Fip a "livré" en musique jeudi dernier, ou vous préparer à une bonne fin d'après-midi en écoutant quelques grands discours politiques de Victor Hugo à Mendès France. Et comme vous ne passez pas vos journées à écouter la radio vous prendrez le temps de filer chez votre disquaire (1) qui fête le vinyle. Vous en rapporterez peut-être une belle galette de Cesaria Evora, qui depuis décembre, n'a pas cessé d'habiter notre petite musique intérieure.

Je vous donne rendez-vous dimanche à 18h pour vous communiquer les résultats… (2)

(1) un disquaire qui vend des disques pas des moules à gaufres,
(2) de mes cogitations dominicales.

vendredi 20 avril 2012

Radio 3D…

 



Alors que la Radio Numérique Terrestre (RNT) patine dans la choucroute, on pourrait attendre beaucoup de la radio en 3D. Vous n’avez pas été sans remarquer que le langage radio en perte progressive d’identité se joue des mots (et des maux) de la télévision. Des producteurs qui passent sans vergogne des studios aux plateaux et, on ne dira rien d’une innovation récente appelée « l’émission/spectacle » qui suggère plutôt le pire que le meilleur de la télévision.


La radio 3D qu’est-ce que c’est ? C’est le filmage permanent des émissions en 3D et leur réception sur un écran ad hoc ! De la télévision me direz-vous ? Mais non ! On filme en plans fixes producteurs et invités assis autour de la table, régie, décor a minima, doigts dans le nez, T-shirts fanés, mimiques stupides, messes basses et tout le toutim. Et là, paf (paysage audiovisuel français) on n'écoute plus on regarde ! La radio grimpe d’un seul coup dans la hiérarchie de l’industrie culturelle de masse et ça fait vendre des récepteurs adaptés. Bon c’est sûr au bout d’un moment on ne regarderait plus les images, surtout s'il faut mettre des lunettes. On se contenterait d’écouter en faisant autre chose, comme avant. Mais de temps en temps on pourrait faire un arrêt sur image et zoomer pour vérifier si untel est rasé de près et si telle autre à le fard à paupières assorti aux murs du studio ! Le pire étant ces nouvelles interpellations au café du commerce "T'as vu hier à la radio… ?" Rideau.

jeudi 19 avril 2012

La radio en morceaux…

Comptez sur moi pour vous épargner la litanie des mesures d'audience qui rythme le commentaire radio, à défaut d'analyse (1). Non, la radio en morceaux, c'est le résultat de la "fameuse" écoute délinéarisée. La segmentation de l'écoute va jusqu'à celle d'une chronique au sein d'une émission (2) qui, même si elle n'est pas identifiée en tant que telle sur un "player" de réécoute, pourra être entendue en jouant avec le curseur de ce même player. On picore de petites miettes de radio, et ça Médiamétrie n'a pas encore dû l'intégrer dans ses mesures d'audience. L'attitude ou la posture d'écouter en continu une chaîne de radio sera peut-être bientôt au rayon des antiquités !

@ phonurgia nova

Dans le même temps, sans tambour ni trompette, la bonne maison Phonurgia Nova nous renvoie aux calendes grecques, ou un peu plus près, à notre imaginaire ! "Imaginons que nous revenions aux premiers temps de la radio quand l'inscription sur bande, les effets sonores et le traitement du son n'existaient pas encore. Imaginons un temps où tout était en mono et où tous les acteurs, les bruiteurs, les artistes et les speakers étaient réunis devant un unique microphone pour diffuser leur production en temps réel. Imaginons que nous nous replongions dans ces temps de techniques initiales mais cette fois ci en étant remplis des champs esthétiques que les nouvelles technologies numériques ont semés dans nos imaginaires.Imaginons une pièce sonore, une composition bruitiste, une pièce radiophonique, un documentaire sonore où tous les sons seraient uniquement produits par la voix humaine.(3) Du cousu main, ciselé !

Histoire de continuer à brouiller les pistes de votre écoute radio, vous pourrez toujours vous rendre ce soir au musée du CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) pour écouter la conférence "La radio fait sa révolution numérique" (4). On le sait, on le constate, les pratiques d'écoute de la radio changent, évoluent, s'adaptent et la liturgie autour des "résultats d'audience", tels qu'on les appréhende aujourd'hui, va finir, elle aussi, par être bonne à ranger au musée des souvenirs…

(1) Isabelle Hanne présente dans Libération un reportage sur le centre téléphonique Médiamétrie d'Amiens qui sonde les auditeurs ou plutôt qui traque l'écoute radio de chacun d'entre nous. Perso, je n'ai jamais été sondé, pourtant ils auraient eu un bon client… Les petits camarades de "Le Transistor"  nous signalent que Télérama avait déjà approché le sujet en janvier dernier,
(2) Eva Bester, (France Inter) entre autre, aime bien interpeller ses "fans" sur Twitter pour les rappeler régulièrement à son bon souvenir. À défaut d'écouter Inter on peut toujours écouter Eva Bester… (bon slogan pour l'érudite chroniqueuse),
(3) Si j'ai tenu à cette longue citation c'est pour vous montrer à quel point Phonurgia Nova pousse l'esthétique de la radio !
(4) 18 h 30 à 20 h, Inscription conseillée au 01 53 01 82 70 ou conferences@arts-et-metiers.net.

mercredi 18 avril 2012

Radio-amateurs… amateurs radio

Une image du film







Si tous les gars du monde… (air connu) ! Le film de Christian-Jaque, sorti en 1956, montre comment la passion des ondes des radio-amateurs sauvera, malgré la guerre froide et une situation désespérée, l'équipage d'un chalutier breton, dont les marins s'effondrent rongés par la consommation de viande avariée. 


N'y voyez aucune allégorie lourdingue, mais si les radio-amateurs doivent se compter aujourd'hui sur les "dix doigts de la main", les amateurs radio sont sûrement des centaines de mille, pour ne pas dire des millions. Parmi ceux-ci quelques fous furieux de l'art radiophonique (Syntone), du documentaire (Addor), des radios associatives, de webradio, voire même de la Radio Numérique Terrestre (RNT). Sans oublier… un perroquet Radiola "qui dit radio qui dit qui y'est". Et pourtant…

Dans ce paysage radiophonique il manque un étendard, un événement, un journal,… Un journal rien que pour la radio. Récemment un média inspiré demandait aux hommes politiques ce qu'ils regardaient à la télé. Jamais il n'aurait demandé ce qu'ils écoutaient à la radio. J'imagine mal X ou Y "confessant" que tous les lundis il ne rate pour rien au monde Aurélie Charon sur Culture (1), qu'il n'a loupé aucune "Traverses du temps" (2), que son plaisir le dimanche c'est de croiser les mots avec les Papous (3), et que, quand c'est possible, chaque après-midi, il fait un peu de Rodéo (4), sans oublier Fip le jeudi qui lui livre ses musiques (5). On croit rêver ! On rêve… Qu'est-ce que ça peut bien être la radio pour les politiques ? "Un média d'accompagnement" qui ne les accompagne jamais ? Je me marre. La radio c'est bien le matin après s'être lavé les dents pour exister dans les matinales et amplifier le buzz. Après, et vogue la galère ! Quant aux galériens…

(1) L'Atelier inérieur, France Culture, le lundi à 23h,
(2) France Musique, Marcel Quillévéré, du lundi au vendredi 19h08,
(3) France Culture, le dimanche 12h45,
(4) Le Mouv', Christophe Crenel, du lundi au vendredi, 14h
(5) le jeudi, 20h30.

mardi 17 avril 2012

Non, tout n'est pas mieux maintenant…


En six documentaires publiés du 6 décembre 2011 au 10 avril 2012, arte radio en association avec Mediapart, nous propose son tour de France des électeurs indécis, réservés, "invisibles" en plongeant au cœur du "Plus grand parti de France : l'abstention". 

Le vote en panne des Moulinex, Anarchie dans la Sarthe, Cuisine électorale, Pavillons de médisance, Le vote blanc des beurs, Luxe de classe, dressent un portrait semi-tragique et réaliste de l'état de la société française aujourd'hui. Non, tout n'est pas mieux maintenant ! Sauf peut-être la satisfaction avec cette web radio de disposer de documentaires non-formatés (ici rassemblés en dossier, mais là éparpillés en différentes thématiques), en marge des cases et des grilles de la radio de flux, écoutables et réécoutables en ligne ou à télécharger, à façon. 

L'inattendu et l'inentendu aiguisant notre curiosité, il est recommandé - à des fins d'hygiène mentale - de prendre régulièrement les ondes (1) de cette radio buissonnière… Un peu comme une antidote à la routine de nos habitudes confortables d'auditeurs, elles-mêmes sans doute, un peu trop formatées.

(1) comme d'autres autrefois "prenaient les eaux".

Non, tout n'était pas mieux avant…


La preuve Michel Legrand ! Bon, ça c'était juste un pied-de-nez amical avec le slogan du Mouv'. Le Mouv' qui sait ne pas s'enfermer dans le jeunisme en recevant cinq jours consécutifs le compositeur Michel Legrand pour ses… quatre-vingts ans. C'est ce que j'aime dans Le Mouv', cette capacité à surprendre et à inciter les jeunes et les moins jeunes à tendre l'oreille. Ici pas de formatage de grille bien calibrée ! Qui aurait cru que le "fabricant de standards" viendrait un jour en causer dans le poste avec des "gamins" ? J'ai pas la qualité pour juger de la musique de Legrand. "Les demoiselles de Cherbourg sous les parapluies de Rochefort" m'ont bien gavé quand j'étais ado. On avait un peu autre chose à faire que des ronds de l'eau… et on se branchait sur Campus (1). Michel Lancelot ne passait pas les chansons ou la musique de comédies musicales franchouilles. On écoutait plutôt de la pop ! En phase avec l'époque !

Non, tout n'était pas mieux avant ! Pas plus Legrand avant que… maintenant d'ailleurs. Ce qui ne m'empêchera pas de l'écouter sur Le Mouv' "pour voir". Christophe Crénel et Francis Viel (2), deux pointures en musique, ont rencontré Legrand et c'est leur façon de l'appréhender qui m'intéresse. C'est ça Le Mouv' et c'est pour ça que je l'écoute.

(1) Europe 1, 1968-1972,
(2) Rodéo sur Le Mouv', du lundi au vendredi, 14h/17h, chronique musique à 16h45.

lundi 16 avril 2012

Le poste à transistors… à la conquête de la France



Syntone a dû me ranger définitivement du côté des aficionados du baladeur des années 60, puisqu'hier soir, il m'alertait sur la mise en ligne (et en podcast) de la conférence au Cnam (1) sur le poste à transistor. Cette conférence entre dans le cadre de l'exposition temporaire "Radio, Ouvrez grandes vos oreilles" (2). À partir du livre de Elvina Fesneau (3), invitée de la conférence, Daniel Fiévet, journaliste scientifique et producteur à France Inter va dérouler le fil de l'histoire de cet objet magique qui va bouleverser l'écoute "statique" pour la transformer en écoute mobile.

Fesneau nous apprend très vite que "plus le poste de radio à lampe était volumineux plus c'était le signe d'appartenance à une catégorie sociale élevée". On voit bien que le transistor va pénétrer les masses et vulgariser la radio et son écoute ! Le Solistor tel était le premier nom du premier transistor fabriqué en France par la CSF (4). Je ne vais pas refaire ici la conférence. Vous irez écouter Elvina Fesneau et/ou lirez son livre… Disons qu'en ce qui me concerne je le lirai cet été… sur la plage ! Avec d'ici là, gravée au fronton de ce blog la citation de Marcel Bleunstein-Blanchet (5) " N'oubliez jamais que le rêve rentre par les oreilles !"

(1) Conservatoire national des Arts & Métiers (Paris),
(2) jusqu'au 2 septembre,
(3) Elvina Fesneau, historienne des médias, auteur de l'ouvrage « Le poste à transistors à la conquête de la France. La radio nomade (1954-1970) », Ina éditions.
(4) Compagnie générale de télégraphie sans fil, la CGT sans fil : excellent, quand à la CGT SF, ce n'est pourtant pas de la Science Fiction…
(5) Créateur en 1933 de Radio-Cité, avant de créer Publicis un peu plus tard.

dimanche 15 avril 2012

Le chien assis à la fenêtre…

Arthur



Assis à la fenêtre le chien tend l'oreille… Ferré est au piano pour interpréter "Les assis" de Rimbaud. En concert on l'écoute assis. Chez soi, debout peut-être, ou bien calé dans son fauteuil, ou sous les cerisiers en fleurs… ? N'en va-t-il pas de même pour la radio ? Pour écrire ce billet dominical j'avais envie de revenir sur l'écoute radiophonique assise. Un prétexte pour vous faire partager ma façon d'écouter la radio.

Je l'ai écrit sur ce blog, j'ai d'abord écouté la radio sur les genoux de ma grand-mère, puis dans mon lit d'adolescent, puis assis n'importe où, le soir pour ne rien perdre de mes émissions préférées, et ce jusque dans la voiture où je n'étais pas debout sur les pédales. C'est vrai il m'est arrivé de me balader en bord de grève, un dimanche, pour ne rien louper de la gouaille et de la poésie de Kriss. Ou une autre fois en juillet 1999, écoutant la dernière de "Changement de décor" (1), pour mieux savoir ce que Laurence Bloch nous préparerait à la prochaine rentrée.

Il semble qu'aujourd'hui les MP3, et autres smartphones favorisent une "écoute debout" dans les transports en commun, on the road (again), dans les chemins creux de nos campagnes, et peut-être dans une file d'attente ? Si je possédais un smartphone sûrement qu'il m'arriverait d'être debout pour écouter la radio, mais - je dois être plus souvent assis que debout -, j'ai l'impression d'être plus concentré assis ou allongé, que debout ! Je ne bouge pas avec la radio, a contrario d'un slogan publicitaire. Pour écouter il faut que je me pose. Ce qui ne va pas m'empêcher d'observer les "mutants" qui écoutent la radio en marchant, en courant, en bougeant. Et vous la radio vous l'écoutez comment ? Parlons-en !

(1) France Culture, du lundi au jeudi, 17h. Après avoir longtemps coordonné le Pays d'Ici (directeur de la chaîne : Jean-Marie Borzeix), Laurence Bloch a produit "Changement de décor" (directeur de la chaîne : Patrice Gélinet), puis "Le vif du sujet" (directrice de la chaîne : Laure Adler). Elle est aujourd'hui l'adjointe de Philippe Val, chargée des programmes de France Inter,

samedi 14 avril 2012

Vous avez loupé (5)…

L'usine Continental de Clairoix


Cette semaine Fip a mis en musique le livre de Laura Alcoba Les passagers de l'Anna.C et, comme souvent, les musiques bien choisies donnent envie de les écouter en lisant le roman proposé. C'est d'une autre partition que joue sur Radio France International, Augustin Scalbert, journaliste à Rue 89, pour analyser l'histoire de France Inter (1). De l'histoire d'une institution audiovisuelle à l'histoire des hommes "privés d'usine" il n'y a qu'une question d'"échelle" et d'intérêt médiatique. France Culture dans sa série "Des lieux et des hommes" donne à y entendre autrement. 

Comme à entendre aussi le travail d'enquête d'Hélène Mathon «Cent ans dans les champs ! Une petite histoire de l’agriculture de 1945 à 2045 ». Pour traduire ces situations-là, en paroles et musique, vous pourrez croiser le Boss dans le clip d'une de ses dernières chansons.

Changement de registre avec Musique Matin qui accueillait François Weyergans. On reste dans la musique avec la possibilité nouvelle de podcaster Subjectif 21 l' émission PRF (pop-rock-folk) de Michka Assayas. Faites un saut de puce pour découvrir sur Le Mouv'  Florence + The Machine, une voix que j'ai d'ailleurs découverte grâce à Michka Assayas. Et je terminerai par la plus belle cerise sur le gâteau radiophonique de cette semaine : Francis Viel a eu la bonne idée de mettre dans son nuage les huit émissions de son "soul summer" de l'été dernier sur Le Mouv' et en bonus les deux émissions de Noël 2011. De quoi passer une nuit ou un dimanche torride… Bon, "Tout n'était pas mieux avant" (2) mais qu'est-ce que c'était bien le "soul summer" 2011 !

Oups ! J'ai failli oublier (3) que, fin mars, les Lectures du soir nous ont offert "Plume" d'Henri Michaux. Aussitôt surpris, j'ai couru découvrir ce Michaux-là qui, grâce à la lecture d'André Dussollier reste à mon oreille, alors que quand c'est moi qui lis… ce n'est plus du tout la même musique.

À la semaine prochaine… "on air".

(1) le livre commençant en 1963 après la création d'Inter par Roland Dordhain, on regrette que tout ce qui a conduit à cette création ne soit pas évoqué car, le contexte même de la situation a encore des influences aujourd'hui sur cette radio,
(2) slogan de la campagne de communication du Mouv' ,
(3) effet de l'écoute différée en podcast.

vendredi 13 avril 2012

Transistor vs webradio…








Le 22 mars 2012, se tenait à Lyon la 1ère Journée de la radio (1). Lors de la première conférence Thomas Baumgartner (2) et Fabrice Derval (3) ont esquissé "La radio de demain". Voici ci-dessous quelques mots-clefs qui ont retenu mon attention.

Délinéarisation. Consommation fragmentée. Une antenne émet de haut en bas. Allumer ou éteindre le poste. Grille de programmes. Équilibre. Rythme. 24/24. Des rendez-vous fixes. Une cohérence globale. Heures de diffusion. Une cohérence à l'unité. Hiatus. Incompatibilité. Quadrature du cercle. Directeur de programmes en ligne. Directeur de programmes broadcast. Mobilité. Soundcloud. Ébullition dans la création sonore. Support mobile. Concentration. Écoute. Attention multiple. Écoute assise. Productions hybrides. Explosion du formatage radiophonique hertzien. Frontière amincie entre producteur/créateur et auditeur. En web radio temporalité explosée. Audioblog. Communauté des gens qui écoutent proche des communautés des gens qui créent. Et ceux qui écoutent s'approchent "de faire". Éphémère. Évolution éditoriale. Documentaire. Intime. Subjectivité. Pas de message absolu. Parler à tout le monde. Entre soi. Ne pas être dépendant de l'image comme la télévision. Générations. Monopole de la création sonore et de la recherche. Réconcilier les formes de création/diffusion. Croiser. Format émission. Rapport à l'animateur de l'émission. Temporalité différente. Flux radio apporte d'autres types de surprises. Explosion temporelle. Une parole journaliste a tendance à l'antenne à devenir la norme. Division traditionnelle rédaction/programmes. Deux mondes qui coexistent sans bien se connaître. Deux modes de recrutement. Être dans l'actualité. Subjectif/Objectif. Intime et subjectif en ligne. De l'autre côté en flux avec la règle des 5 "W" (4). Entendre du son. Une (web)radio écoutable dans vingt ans…  et plus si affinités. La radio hertzienne ne va pas disparaître. Le risque serait qu'elle délègue à des supports en ligne une certaine forme de production…
(à suivre)

Comme d'habitude c'est ce qui pourrait apparaître comme une anecdote, l'écoute assise, qui va me donner envie d'écrire bientôt sur le sujet. Mais d'autres pistes de réflexion soulevées par cette journée trouveront aussi sur ce blog quelques prolongements. Ce n'est qu'un début continuons la radio.

(1) Organisée par Trensistor, la webradio des étudiants de l'ENS Lyon,
(2) Producteur à France Culture, a rendu compte sur son blog de cette journée,
(3) Chargé de mission pour les webradios OuSoPo (Ouvroir de Sonorités Potentielles) et OuFiPo (Ouvroir de Finistérités Potentielles), www.ousopo.org.
(4) Who ? What ? When ? Where ? Why ?

jeudi 12 avril 2012

"Quand j'entends le mot culture…

… je sors mon transistor" ! Ce slogan que l'on doit à Jean Yanne illustre parfaitement la chronique du médiateur de Radio France hier sur France Inter. Mes chers auditeurs me pardonneront d'user et d'abuser ici, d'initiales qui me permettent de faire quelques pirouettes acrobatiques pour ne faire aucune promotion à telle ou tel.

Donc hier J.B. recevait P.V. pour que celui-ci s'explique sur l'émission qui surprend et passionne : "A.V.E.C.Q.C." qu'on appellera "Avec QC". P.V. rappelle qu'il n'y a que sur F.I. qu'on peut entendre aujourd'hui une telle émission, quand autrefois avaient droit de cité (Radio Cité… pour le plaisir de la rime) les Jean Yanne, Jacques Martin, Coluche, Desproges et autres fameux humoristes/bateleurs… sur les radios périphériques : Luxembourg, RTL, Europe 1, comme à France Inter.

Yanne & Martin



Si le titre de mon billet illustre parfaitement la chronique de J.B. c'est que P.V. s'est souvenu qu'à Radio-Luxembourg il écoutait Yanne et Martin parodiant, à l'heure de la messe le dimanche, les sermons des offices religieux. Mais P.V. n'en a pas dit plus. De quelle émission de sermons parlait-il donc ?  Pour le savoir je me suis plongé dans ma bible ! Ma bible radio, s'entend, que j'ai déjà eu l'occasion de citer à plusieurs reprises (1).


"… c'est sur Radio Luxembourg que Jean Yanne aura son triomphe en concurrençant Francis Blanche le dimanche matin (2) avec "Quand j'entends le mot culture, je sors mon transistor". Entre 64 et 69, il partagera la France entre les "blanchistes" fidèles de Macheprot et les "yannistes", non moins fervents auditeurs des faux sermons de Bossuet, l'aigle de Meaux (Seine et Marne) et des affreux jeux de mots proférés avec l'accent faubourien et la voix rocailleuse de l'inimitable créateur du sketch du "Permis de Conduire". (1)

Ces parodies avaient le mérite d'être claires et sans ambiguité. On ne peut pas en dire autant d' "Avec QC"… Quant à son humour ?

(1) Les années radio, Jean-François Remonté, L'arpenteur, 1989,
(2) sur Europe 1, "Les kangourous n'ont pas d'arête… C'est pour cela qu'ils ne savent pas nager", (à partir de 1965, au début des années 60 la même émission avec des titres aussi farfelus).

mercredi 11 avril 2012

Le grand direct des M…





"Média" est sûrement un titre magique pour attirer le chaland. Après Martel et son titre d'émission amphigourique (voir billet d'hier), c'est au tour de Jean-Marc Morandini de faire dans la ronflette (1). On peut sourire : faire du direct à la radio, qui plus est sur Europe 1, serait-ce une prouesse ? Quant à "médias", que met Morandini derrière ce mot ? 95% de TV, un peu de presse et une pincée de radio. À part nous prendre pour des gogos on voit mal comment E1 pourrait promouvoir d'autres radios que la sienne !


Hier Morandini recevait Patrice Duhamel pour un livre qui relate "les coulisses et les secrets de l'Élysée". Si cette anecdote fait l'objet d'un billet sur ce blog c'est parce que ce livre a été co-écrit avec Jacques Santamaria. Ex-directeur des programmes de France Inter (2) avant de devenir documentariste pour la télévision, Santamaria n'était pas sur Europe 1 hier matin. Cela a évité à Morandini de citer ses états de service radio. Renseignements pris auprès de l'éditeur (Plon) la radio est très peu évoquée dans le livre. Pour autant, si elle avait concernée Radio France j'imagine mal qu'une émission "média" (sic) lui aurait été consacrée sur l'antenne d'Europe 1. Voilà sûrement les effets collatéraux de la radio privée, "on parle de tout" mais le moins possible de la concurrence publique et encore moins de la concurrence privée. La TV est un bon "client" pour donner l'impression qu'on parle des médias quand on ne parle que des programmes, des people, du buzz et autres rumeurs plus ou moins fétides. L'émission de Morandini ressemble à un numéro de cirque, avec sa parade, ses clowns et ses dompteurs d'audimat… De radio il n'est question que lorsque ça peut faire parler autour…  "Le grand direct du buzz" aurait été un titre plus adéquat, mais ça ne devait pas faire pas assez média pour M. Loyal !

(1) Le grand direct des médias, Europe 1, du lundi au vendredi, 9h30
(2) auparavant, entre autres, responsable des programmes de FR3 Auvergne Radio (1975-1982), notez bien le "FR3 radio", puis directeur des Ateliers de Création Radiophonique décentralisés. Nous reviendrons prochainement sur l'aventure des locales de Radio France.

mardi 10 avril 2012

Comme on nous parle…

… de radio. Dimanche soir j'écoutais "le magazine global et bi-média des industries créatives et des médias". Bon, à la manière de Frédéric Martel, son producteur, qui excelle dans la satire presque permanente, j'aurais préféré ne pas commencer par faire remarquer, perfide, que le sous-titre de l'émission est à lui seul tout un programme… amphigourique. Dimanche donc, Martel recevait Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama (2).

S'agissant pour moi d'écouter la radio et d'écrire, j'écoute donc avec intérêt l'invitée de Martel, qui cette fois-ci va sûrement nous en dire un peu plus sur la radio. Après avoir cité les raisons qui ont présidé à la création d'une nouvelle formule (la stagnation des ventes en kiosque), reconnu quelques défauts récurrents ("on est chiant, doctoral, donneur de leçons,…") quelques qualités ("même si on exaspère par nos critiques elles sont un repère, même si certains les trouvent sectaires, trop élitistes, trop spécialisées, Télérama exerce sa liberté…"), Pascaud affirme que "pour le cinéma, la télévision la musique et les médias, Télérama est prescriptif et qu'il est très très complet sur la télévision…". Elle ajoute qu'"entre ces disciplines un exercice d'équilibre est à réaliser chaque semaine".

Sur le fil de cet équilibre où se situe la radio ? Elle a dû tomber (du fil) depuis bien longtemps puisque Pascaud n'en dira rien. Martel, pas plus que Christophe Bourseiller il y a une dizaine de jours sur France Musique, ne lui posera la question. N'exagérons pas, parler de radio à la radio serait un comble, non ? Si vous réécoutez cette émission vous pourrez toutefois apprécier l'auto-critique de Pascaud, lucide et sans concession, sur les journalistes, "le système critique français écrit pour les confrères et oublie le lecteur !". CQFD.

Dans le cas de la radio le système critique oublie même le sujet. Quant aux lecteurs…

(1) Soft Power, France Culture, 19h, le dimanche. "Le soft power c'est l'influence d'un pays par son cinéma, ses séries télévisées, ses jeux-vidéo, mais aussi à travers ses valeurs (le contraire du « hard power », à savoir la force militaire et les pressions économiques classiques)" source : le site de l'émission,
(2) voir mon précédent billet sur le sujet ici.

J'ai ajouté hier après-midi le témoignage de Marion Thiba au billet sur Yves Jaigu.

lundi 9 avril 2012

J'ai entendu des voix…


En créant ce blog je n'imaginais pas faire autre chose que d'écrire quelques petites fantaisies sur mon écoute radiophonique assidue et passionnée. Et puis l'événement créa d'autres circonstances d'écriture. À la mort d'Yves Jaigu que je n'ai pas connu il me semblait important de pouvoir sur ce blog rendre compte de son parcours professionnel à la radio. Comment faire autrement que d'interroger ceux qui l'avaient côtoyé ? Mais comment oser "déranger", quelques heures seulement après l'annonce du décès d'Yves Jaigu, ceux qui pourraient intimement évoquer sa mémoire.

Je connais Irène Omélianenko depuis plusieurs années. J'ai parlé quelques fois avec Jean Lebrun mais Olivier Germain-Thomas et Michel Cazenave je ne les "connaissais" qu'à travers le filtre de leurs émissions respectives. Aussi, réalisant que depuis quelques minutes je parlais avec Germain-Thomas, j'ai failli me pincer. Cette voix que je connaissais bien me parlait et répondait à ma seule question "Que pouvez-vous me dire d'Yves Jaigu ?". Étais-je alors écouteur habituel de son émission, de sa voix, de ses propres questions ? Non. Je prenais des notes, écoutais attentivement, faisais préciser une réponse et surtout veillais à ne pas prolonger un entretien "à chaud" d'une émotion légitime. Tout d'un coup je basculais dans une autre fonction ou plutôt une autre façon de faire. Et ça me fit à peu près le même effet que la première fois que je suis entré à la Maison de la radio à l'âge adulte.

Si je vous raconte ça aujourd'hui c'est pour évoquer, et vos témoignages m'intéressent en cela, la puissance et la force mémorielle de la voix. Avec cet événement j'ai "perdu" ma distance d'auditeur pour me retrouver intervieweur. Les voix que j'entendais maintenant me troublaient puisqu'elles évoquaient, hors radio, celles que précisément j'entendais à la radio. On n'imagine jamais qu'une voix familière va un jour vous adresser la parole et encore moins répondre à une de vos questions. On est ici très loin du vedettariat, de la société du spectacle, de l'idolâtrie. On touche à l'intime.

La voix écoutée au téléphone était bien la même que celle entendue à la radio. Mais sans aucune représentation physique. Aujourd'hui quand j'entends les quelques productrices et producteurs que je connais je les imagine aussi dans les situations où je les ai rencontrés hors de la radio. Mais là pour Germain-Thomas et Cazenave que je ne connaissais pas c'était encore plus impressionnant. Surprenant et assez magique. Je ne regrette pas d'avoir ouvert ce blog aussi pour ces moments inattendus.

Yves Jaigu (2)…






Yves Jaigu (1), qui a dirigé France Culture de 1974 à 1984, est décédé le 5 avril. Après les témoignages d'Irène Omélianenko, Jean Lebrun et Olivier Germain-Thomas, voici celui de Michel Cazenave (2). Après avoir été délégué général de l'Institut De Gaulle, Michel Cazenave veut intégrer le "terrain de la culture" et rejoint Yves Jaigu à France Culture à la demande de celui-ci. 


"Jaigu était vif et tellement intelligent. Il était à l'affût de tout et quand il ne connaissait pas il disait "Expliquez-moi…". On était sous le charme de sa dimension poétique. Il voulait toujours créer des choses nouvelles. Quand j'ai créé "La matinée des autres" c'est parce qu'il avait constaté qu'aucune émission présente sur la chaîne n'abordait l'ethnologie ou l'anthropologie. Il souhaitait un renouvellement régulier de l'antenne. En ce qui concerne les sciences et la spiritualité il est le premier à avoir eu l'intuition de les faire se croiser.

Pour Jaigu chaque humain comptait. Il n'a jamais considéré sa fonction de direction pour donner des ordres. Il exerçait son autorité au sens étymologique du terme "ce qui augmente soi-même et les autres". Il stimulait pour tous une "ébullition de l'esprit" et puis il tranchait "au milieu de tout ça". Jaigu était d'une fidélité exemplaire et rare. Engagé dans la résistance, évadé d'un train qui le menait aux camps, il pouvait voir l'aspect légendaire des choses. C'est la seule personne que j'ai entendu comparer De Gaulle au Roi Arthur. Avec une telle évocation nous étions faits pour nous comprendre. Jaigu cherchait toujours ce qui faisait signe au-delà de l'événement. Il a façonné la radio pour ça. Il était aussi très influencé par Malraux. "Si on intéresse les gens au plus bas on ne les fera jamais monter, il faut les prendre pour des intelligents".

Quand Jean-Noël Jeanneney a pris la direction de Radio France et a imputé une baisse du budget de France Culture de 17%, s'est créé un fossé terrible. Et Jaigu a fini par partir (3). Mais avec lui les relations nouées ne pouvaient plus se distendre. Je le considère comme mon troisième père spirituel après De Gaulle et Malraux. Je suis resté trente ans à France Culture, avec lui on travaillait dans une joie intérieure." (4)

Marion Thiba (5),
Lors de mes conversations téléphoniques avec Germain-Thomas et Cazenave, j'ai évoqué avec l'un ou l'autre, Marion Thiba, qui, pour sa façon de penser la radio, aurait pu aussi être de l'époque Jaigu. Marion Thiba a bien voulu aujourd'hui me faire parvenir le texte suivant :
 "Je n'ai pas connu Yves Jaigu. Je suis entrée à France Culture en 1984 juste après son départ. Mais j'ai beaucoup entendu parlé de Jaigu, bien entendu. Les couloirs étaient encore bruissants de sa présence. Jaigu était une figure tutélaire, toujours présente dans "l'angle mort" du studio... Certains semblaient traumatisés qu'il ne soit plus là. J'avais l'impression que les "grands" producteurs (les coordonnateurs en particulier, Claude Dupont, Michel Cazenave, Claude Mettra... pour lesquels j'ai travaillé) l'évoquaient pour nous inculquer le sens aigu de l'exigence. Jaigu était un personnage. C'était l'époque des caractères forts. Je me souviens très bien par exemple de Jean de Beer (gaulliste) avançant à pas prudents, canne à la main, pour se déchaîner comme un jeune homme au micro, aux côtés de son compagnon de studio Francis Crémieu (communiste)... Mais j'étais trop jeune à l'époque pour m'attarder vraiment sur ces questions. Il fallait que j'apprenne ce métier, c'était difficile, personne ne nous aidait si ce n'est ceux qui transmettaient à leur manière l'esprit de Jaigu, les réalisateurs et les chargés de réalisation (à qui je dois beaucoup)."

Je remercie Michel Cazenave et Marion Thiba d'avoir bien voulu évoquer ici la mémoire d'Yves Jaigu.

(1) 1924-2012, directeur de France Culture 1975-1984
(2) producteur à France Culture, "Une vie, une œuvre", "Les vivants et les Dieux". Le site de Michel Cazenave,
(3) 1982-1986,
(4) entretien téléphonique du 6 avril 2012,
(5) Productrice à France Culture, 1984-2000, son témoignage reçu par courriel.