Guy Senaux et Chancel : Librairie Dialogues, Brest, déc 2011 |
Peu importe la rapidité de l'information. Peu importe sa vitesse de propagation. Certaines infos plus que d'autres bouleversent votre vie. Et dans le petit monde de la radio la disparition d'une voix, d'un homme, d'une femme prend une telle ampleur que tout d'un coup le monde de la radio devient immense. Ce sont des voix qui vous parviennent à la vitesse du son. Des voix, des mots, des émotions, des souvenirs, un ton, un accent, une musique et au bout du compte une très forte complicité.
Chancel vient de mourir et le cœur s'affole. Partagé à capter le silence pour se recueillir dans le souvenir tellement présent de sa voix et le désir de parler avec ceux qui vibrent comme vous au tempo de la radio.
J'ai pu interviewer ce matin Joseph Rémiot, un des quatre mousquetaires de l'"Oreille en coin" (1) qui mieux que quiconque a pu observer Chancel de l'autre côté de la vitre.
Radio Fañch : Dans quelles conditions avez-vous fait la connaissance de Jacques Chancel ?
Joseph Rémiot : J'ai fait la connaissance de Jacques Chancel à Saïgon (je suis franco-vietnamien) à Radio France Asie en mars 1954. J'étais preneur de son et Chancel réalisait des émissions artistiques de jazz et de variétés musicales. Son émission la plus importante s'appelait "Paris-Saïgon". Il réunissait déjà des artistes, musiciens, écrivains, chanteurs. c'était un peu les prémices de ce qui allait devenir à la télévision "Le grand échiquier". Cette émission était très écoutée par les Européens d'Indochine et par l'armée. Chancel faisait le lien entre la métropole et l'Indochine. Pour l'anecdote Chancel était à mon mariage à Saïgon.
R. F. : Dans quelles conditions Chancel est arrivé en Indochine ?
J.R. : Il était là dans le cadre du "Service cinéma" de l'armée française, puis travaillait pour Radio France Asie et aussi pour la presse (dont Paris Match de 54 à 56). Je suis parti en 1956 quelques mois avant que la station ne ferme. Chancel est resté jusqu'à la fermeture. Il organisait beaucoup de concerts et faisait venir des artistes de France (via l'Alliance française). J'ai intégré à Paris la Radio Télévision Française (RTF) dès mon arrivée en France en 1956. Dès sa création (oct 1968) j'ai été l'un des ingénieurs du son de "Radioscopie" jusqu'à ma retraite en 1987.
R.F. : Quel souvenir gardez-vous de Chancel ?
J.R. : De quelqu'un de charmant, diplomate, érudit. Je ne l'ai jamais vu se fâcher avec quelqu'un. En Indochine, période post-décolonisation, il était proche des techniciens sans faire de différence entre les Blancs et les Asiatiques (2).
R.F : Et de l'Oreille en coin ?
J.R. : Avec Garretto et Codou on était des copains. Plus avec Codou qui était un méridional cordial et complice. Garretto était plus sévère, c'était lui le "chef". Les deux étaient complémentaires et formaient un formidable duo.
Vers 15h, je publierai l'interview d'une autre personnalité de Radio France…
Avec Pierre Desgraupes ©Picard/Radio France |
(1) Yann Paranthoën, Edouard Camprasse, Joseph Rémiot et Guy Senaux étaient les quatre ingé-son tournant, pendant les années "Oreilles en coin". Merci à Guy Senaux de m'avoir mis en relation avec Rémiot,
(2) Senaux dit exactement la même chose : "Chancel était enthousiaste avec une générosité méridionale et une belle simplicité avec toutes les métiers de la radio. Il venait très facilement en cabine",
* Voir aussi l'entretien en public d'Emmanuel Laurentin (France Culture) avec Chancel au Festival Longueur d'Ondes à Brest en décembre 2011. Et l'article de l'Humanité.
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