mardi 31 octobre 2017

68 : et si tout avait commencé avant… "Playtime" de Tati (9/43)

En partenariat avec
Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.


9. La grande récré de Jacques Tati *
Pendant dix ans, de 1976 à 1986, Claude-Jean Philippe a animé sur France Culture, le dimanche soir (19h10-20h) "Le cinéma des cinéastes". Je vous parle d'un temps où France Culture n'était pas la chaîne du bavardage permanent et de l'info en surdose. Celle qui confiait à des "connaisseurs" des sujets qu'ils maîtrisaient dans le souci de transmettre pas celui de parader. Quand, aujourd'hui, un animateur omniscient fanfaronne tous les soirs sans rien savoir faire d'autre que de gloser pour gloser. Du baratin, de l'emphase et de l'auto-satisfaction. Tel autre le dimanche qui, tellement imbu de lui-même, s'écoute parler et bafouiller. Ne parlons pas des émissions "bouche-trou" et inutiles censées captiver l'auditeur coincé le dimanche au péage de Rocquencourt.
Claude-Jean Philippe sublimait le cinéma à la radio comme à la télévision chaque vendredi à la fin d'"Apostrophes" de Bernard Pivot. Il dit à France Culture son credo pour ce cinéma des cinéastes qu'il appelle de ses vœux à être aussi celui des spectateurs. Ici, il s'entretient avec Jacques Tati. Un phénomène de société ce Tati ou plutôt un Tati qui observe de façon aiguë les phénomènes (modernes) de société. En se mettant en scène dans les vacances de M. Hulot, Un jour de fête, Mon oncle ou dans une récré (Playtime) semi-tragique.

Alors 68, une autre récréation (Playtime) ? 

En intégralité et exclusivité jusque fin novembre,

* Cet article aurait du paraître vendredi dernier (Série 67/68)… et celui de vendredi ce jour ! Erreur d'aiguillage.

lundi 30 octobre 2017

Le cheval de (France) 3… Bleu : tagada, tagada, tagada !

Exceptionnellement l'épisode de la série "68" du lundi est reporté à demain mardi… 

Jeudi dernier, Madame Françoise Nyssen, Ministre de la Culture répondait, devant la Commission Culture du Sénat, aux questions des parlementaires sur deux sujets principaux : l'audiovisuel public, la culture. Je m'en suis tenu à suivre en direct ce qui concerne l'audiovisuel public, riche en annonces et perspectives d'évolution. La presse, dans les heures qui ont suivi, ne manqua pas de titrer sur la "fusion" de France Bleu et de France 3, comme si cette perspective venait juste de sortir du bois… de la rue de Varenne (1).



Et un jour "on" inventa "BBC à la française"
Souvent en France un bon titre, un slogan, une petite phrase, une idée passent mieux qu'un long discours et circulent sur quelque chemin qui mettra, toutefois, un certain temps avant de devenir un… boulevard. Avantage : l'"idée" fait florès et la presse en fait ses choux gras. Retour vers le futur. Acte 1, Alain Peyrefitte, ministre de l'information (1962-1966) du Général de Gaulle s'inspire du triptyque "BBC" (2). Acte 2, alors que le dégraissage de la "noble" institution anglaise est… en marche avec une diminution drastique des effectifs (3) différents députés de droite ont choisi ce modèle audiovisuel pour promouvoir une "BBC à la française". Franck Riester, député (Les Républicains) tire le premier dans le Figaro : "Il faut créer une BBC à la française, plurimédias et indépendante du pouvoir(4).

MM. Beffara et Woerth, députés, dans leur rapport parlementaire sur "Le financement de l'audiovisuel public" (5) citent à nouveau la BBC comme modèle. Giscard, Président de la République (1974-1981), n'avait lui pas de modèle juste un dogme, briser les syndicats et les communistes qui, d'après lui, gangrenaient l'audiovisuel public radio et télé. En 1974, fossoyeur de feu-ORTF (6), il laisse la gestion des radios locales publiques à France Régions 3 (FR3) ce qui chagrine pour le moins, Madame Jacqueline Baudrier, Pdg de Radio France (1975-1981). Il faudra attendre 1982 (loi Filloux), pour que les radios "France Régions 3" intègrent Radio France sous la présidence de Jean-Noël Jeanneney.

Depuis 2015, Franck Riester (Les Républicains), lors d'auditions de la Commission "Culture" de l'Assemblée nationale, interpellera au moins à deux reprises le Pdg de Radio France, Mathieu Gallet, sur un rapprochement de France Bleu et France 3, sans que ce dernier n'ait jamais daigné lui répondre. En mars de la même année, M. Marc Schwartz, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, remettait à Fleur Pellerin, Ministre de la Communication, son rapport sur l'avenir de France Télévisions, intitulé "Le chemin de l'ambition" (7). Les bases du rapprochement Radio France/France Télévisions sont posées.



Une fusée nommée… France Médias
Le "premier étage" de cette fusée s'appelle "franceinfo" chaîne publique d'information en continu qui a vu le jour le 1er septembre 2016 (8) et qui associe les moyens de Radio France, France Télévisions, l'Ina et France 24. Le "deuxième étage" sera la "fusion" - par palier - de France Bleu et France 3. Le 26 juillet, Mathieu Gallet enfile les perles devant la Commission "Culture" de l'Assemblée nationale avec son nouveau hochet le "mode-projet" "Aller vers des synergies FranceBleu/France3 où il y a dans des régions des projets qui pourraient se faire en commun." La méthode "tabula rasa" qui avait permis, en 2001, à Jean-Marie Cavada (Pdg de Radio France, 1999-2005) avec son "Plan Bleu" d'uniformiser les locales de Radio France est révolue. Passons à l'encerclement…

Quand il n'est pas autoritaire, M. Olivier Schrameck, Président du CSA joue les petits télégraphistes avec un zèle appuyé. En visite à Toulouse le 22 septembre il déclare au Monde "il ne faut pas s’affranchir d’une réflexion sur la mutualisation dans la diffusion territoriale et les formes de coopération entre France Bleu et France 3. Les comités territoriaux de l’audiovisuel, qui dépendent du CSA, peuvent être un lieu d’échange" Le bal est ouvert, entrons dans la piste. Ce 26 octobre, Madame Nyssen, Ministre de la Culture, devant la représentation nationale n'a pas résisté à la valse en donnant comme exemple de synergies entre les deux opérateurs audiovisuels publics, "les locaux, les interviews…"

Les interviews ? Voilà donc que la Ministre, très bien épaulée par son directeur de cabinet, Marc Schwartz, va jusqu'à imaginer que les JRI (Journalistes Reporters d'Images) de France 3 pourraient muter en JRIR (Journalistes Reporters d'Images… Radio). On est pas loin de Peyrefitte décidant du contenu du journal télévisé (vidéo). Par cercles concentriques la "nasse" se referme. Ajoutons que si le projet audiovisuel d'Emmanuel Macron appelé France Médias créait le rapprochement en une seule entité de tout l'audiovisuel public on peut imaginer que la fusée ne tarderait pas à décoller. Il en sera alors fini des tentatives au coup par coup, en "modes-projets" des ex-Pdg Gallet (Radio France) et Ernotte (France Télévisions)…



Épilogue
La Cour des Comptes pourrait-elle chiffrer les coûts phénoménaux du caprice de Giscard qui depuis 42 ans a vu, pour l'audiovisuel public, se faire tout et n'importe quoi ? Avec à la clef une armée mexicaine de Pdg, directeurs de programmes, directeurs d'antenne, directeurs de l'information, directeurs du numérique, directeurs de la fiction, directeurs de la musique, directeurs éditoriaux, directeurs des jeux et variétés (9) : variété des directeurs de la (bonne ou mauvaise) direction…

(1) Siège du Ministère de la Culture à Paris,
(2) "Considérée comme la référence des systèmes audiovisuels publics, la British Broadcasting Corporation (BBC) est investie d’une triple mission fixée dès l’origine (1927) par son premier directeur général, John Reith : informer, éduquer, divertir. Un triptyque devenu, au fil des décennies, synonyme d’exigence et de qualité." Jean-Claude Sergeant, juillet 2008, in Le Monde Diplomatique. Merci à D.C. de m'avoir signalé cette source et à Madeleine Smiroux de m'avoir permis de le lire,
(3) "Dès octobre 2004, le directeur général [Mark Thomson] dévoilait son projet : une suppression étalée dans le temps de six mille des vingt-six mille emplois de la BBC, essentiellement dans les divisions d’appui — marketing, communication, affaires financières, ressources humaines.", article cité,



(4) 14 septembre, 2015, par Enguérand Renaud. 

(5) 30 septembre 2015,
(6) Office de Radio et Télévision Française qui, par la loi 74-696 du 7 août 1974, verra  sa dissolution et la création de sept sociétés indépendantes, dont Radio France,

(7) "Face aux défis à venir, et aux contraintes croissantes pesant sur les finances publiques, il paraît nécessaire que l'État pèse davantage sur le dispositif des médias de service public. Si tel n'était pas le cas, il sera difficile d'écarter la tentation d'un rapprochement organique entre les sociétés ayant appartenu jadis à la même entité (4). La structuration actuelle qui remonte à l'éclatement de l'ORTF, à une époque où radio et télévisions publiques disposaient d'un quasi monopole, peut en effet être interrogée, à l'âge de la convergence des médias, de la transition numérique et de l'élargissement de l'univers concurrentiel à des acteurs mondiaux venus d'Internet."
(8) Canal 27 de la TNT,
(9) Emplois assez rarement occupés par des femmes,

vendredi 27 octobre 2017

67/68 : une autre révolution culturelle… La nation Woodstock (8/42)

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Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.



8. La nation Woodstock… bonsoir
L'excellente émission "Nuits magnétiques" (France Culture -1978/1999) inventée et produite par Alain Veinstein, s'intéresse dès sa création en 1978 aux mouvements contestataires américains dans les années 60. Le festival de Woodstock (États-Unis, Août 1969) avec ses "trois jours de paix et de musique", et d'amour, ferme le ban des années 60 aux États-Unis. Le ban du flower-power et des utopies pacifiques, de la contre-culture et du rêve américain. Avoir titré l'émission "La nation Woodstock" permet de brosser un panorama de ce que les baby-boomers ont inventé, testé, défendu et fini par intégrer aux modèles dominants. La musique avant qu'elle ne devienne une industrie. Les drogues avant qu'elles ne deviennent un fléau et un gigantesque commerce parallèle. L'amour libre avant qu'il ne plonge dans le sida. Et dans la même veine la "free-press" représentée en France par Actuel, le journal de Jean-François Bizot.

La couverture du 33T de Janis Joplin (août 68)
 dessinée par Robert Crumb, pape de la contre-culture

En ces temps là, la "contre-culture" n'était pas un concept qu'un nouvel animateur de radio peut aujourd'hui brandir en fanfaronnant sur une chaîne du service public. La contre-culture a été laminée et/ou intégrée à la culture. Avec sticker fluo et quelques flowers hippies, à la fois pour la distinguer, mais surtout pour la stériliser de ses velléités de subversion. Et comme le chante John Lennon dans "God" The dream is over… 

En exclusivité et intégralité…

lundi 23 octobre 2017

68 : et si tout avait commencé avant… La guerre des 6 jours (8/43)

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En beige, les territoires conquis par Israël
lors de la guerre des 6 jours…
En jaune Israël


8. La guerre des six jours… une guerre sans fin
Quand on est pré-adolescent en 67, entendre tous les jours, les "dernières infos(radio) sur Israël, la Palestine et les pays limitrophes plombe l'ambiance et laisse largement dubitatif puisque personne ne se préoccupe de contextualiser. Comme si cette guerre durait depuis… cent ans. Les évidences et certitudes d'adultes creusent un fossé générationnel profond. Il va vite s'avérer que ma génération aspire plus à la paix qu'à la guerre. Celle de 39-45 est derrière nous. Celle d'Algérie aussi. ¡ Ya basta ! 
Pourtant, du 5 au 10 juin 1967, une guerre "éclairopposa Israël à l'Égypte, la Jordanie et la Syrie. "Le soir de la première journée de guerre, la moitié de l'aviation arabe était détruite ; le soir du sixième jour, les armées égyptiennes, syriennes et jordaniennes étaient défaites3. Les chars de l'armée israélienne bousculèrent leurs adversaires sur tous les fronts. En moins d'une semaine, l'État hébreu tripla son emprise territoriale : l'Égypte perdit la bande de Gaza et la péninsule du Sinaï, la Syrie fut amputée du plateau du Golan et la Jordanie de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est" (1). C'est un événement géopolitique considérable. 

Aux États-Unis et principalement en Californie le "flower power" est à son apogée, en Angleterre les Beatles ne vont pas tarder à être anoblis et en France on a "toujours le même Président" (2)… Charles Enderlin, journaliste, correspondant pour France 2 jusqu'en 2015 à Jérusalem, raconte en 2016, dans "À voix nue" (France Culture, 1er épisode), sa propre histoire avec Israël.

En intégralité et en exclusivité jusqu'au 31 octobre,


Vous lirez le commentaire de Céline ci-dessous et sa proposition d'archive que j'ajoute ci-dessous.




(1) Wikipédia,
(2) Michel Delpech "inventaire 66".

vendredi 20 octobre 2017

67/68 : une autre révolution culturelle… Visconti/Melville (7/42)

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Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.



7. Le masque et la plume, grande époque : Bastide, Polac, Charensol, Bory…
Voilà une bonne occasion d'évoquer une très grande émission de radio (1) qui a fait les très belles heures de la radio publique et quelques dimanches soirs savoureux. Je ne parle pas de l'époque moderne - depuis 1989 - qui fait tout son possible pour imiter (mal) l'émission originale et dont le titre suffit à faire glousser directeurs de programmes, directeurs de chaîne, Pdg… Comme s'il suffisait d'un titre pour garantir la qualité d'une émission. La bonne blague ! L'auditeur averti ne marche pas dans cette combine. Quant à la tarte à la crème des émissions "patrimoniales" - à géométrie variable, forcément variable - laissons ça aux manageurs de moins de 50 ans !

J'ai vu de nombreux Visconti mais pas l'Étranger. La critique est sévère et plusieurs avis semblent concordants. Tant qu'à faire d'écouter ce "Masque" on se réjouira d'entendre les avis sur "La marseillaise" de Renoir (3). Vous vous régalerez sûrement, si vous avez aimé le Samouraï de Melville, des avis éclairés des critiques et des nuances de Charensol qui classe le film en série B, Bory le classant en A ! Bory et le brio de son analyse qui soulignent que tout est dans le titre du film et qui le décrypte !

Le Masque et la plume du 5 novembre 1967, intégrale et exclu jusqu'au 31 octobre,



7.1. Arthur Penn, l'Amérique à contre courant,
En revisitant les films d'Arthur Penn, - Le gaucher, La poursuite impitoyable, Little big man,… - Michel Cazenave (producteur à France Culture) et Jacques Siclier (journaliste au Monde) donnent un éclairage sur l'Amérique des années 30 aux années 60. Bonnie & Clyde, réalisé en 1967 montre le contrepoint de l"American way of life" et, comme dans beaucoup de films de Penn, montre la place de la violence qui continue à faire le quotidien des sociétés modernes. Cazenave téléscope l'histoire du clan Barrow avec celle des "Raisins de la colère" de Steinbeck, et comment la jeunesse (et celle jouée par Bonnie et Clyde) ne supporte pas l'injustice et la misère. Comment aussi la propriété, valeur cardinale des États-Unis d'Amérique, commence à tourner dans les esprits en "La propriété c'est le vol". Cette maxime de Proudhon (philosophe et sociologue français, 1809-1865) agitera aussi les étudiants du quartier latin en mai 1968 (4).

Mardis du cinéma, 10 juin 1986, France Culture, intégrale et exclu jusqu'au 31 octobre,



Lucino Visconti à la sortie de l'Étranger, 21 octobre 1967 (JT, 20h)



(1) Émission créée en 1955 par Michel Polac et François-Régis Bastide sur Paris-Inter et à partir de 1963 sur France-Inter,
(2) Qui correspond au départ de Pierre Bouteiller qui animait cette émission, jusqu'à ce qu'il soit nommé directeur de France Inter,
(3) Qui participait à l'émission le 22 octobre 1967. Film de 1938 avec, entre autres, Louis Jouvet,
(4) En fin d'émission analyse du film "Georgia" qui revient sur les 60' aux E.U..

lundi 16 octobre 2017

68 : et si tout avait commencé avant… la gauche de la gauche (7/43)

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Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.

Une du 28 mai 1970, la Gauche Prolétarienne
(GP) est dissoute





























7. Gauchistes en embuscade…
Les étudiants (et quelques autres) n'ont pas attendu 1967 pour frétiller. En 1965, réélu après un premier tour qui l'a mis en ballotage face à François Mitterrand, le Général de Gaulle ne montre aucune attention particulière pour la jeunesse, qui commence à trouver étouffante une société cadenassée et réactionnaire à tous les étages du pouvoir. Avant que le même Mitterrand ne clame dans quelques mois "Dix ans ça suffit", d'aucuns pensent qu'un seul septennat aurait lui-même suffit. Las, de Gaulle à toujours le destin de la France en ligne de mire. Mais la France ne semble plus avoir de Gaulle en ligne de cœur et d'esprit.

Les étudiants pensent, théorisent, s'agitent à l'idée d'un "grand soir" qui verrait d'autres modèles de société "gouverner" la France. Les maoïstes sont sur le pont. Les communistes sur le front. Les socialistes divisés. Les gauchistes en embuscade. "Occident" casse la joie (1). 

La radio nationale appelée "Radio d'État" file doux (2). C'est une administration dirigée par des… administrateurs. Le ministre de l'Information (3) Alain Peyrefitte donne ses ordres à ces messieurs bien mis, bien gris et serviles à souhait. Le ministre redouble de zèle pour contenir tout ce qui pourrait laisser accroire que le Général s'est engagé dans une impasse. La France glorieuse ne fait (presque) pas grève, consomme les yeux fermés et s'enrichit à "vue d'œil". Ouvriers et paysans sont au coin du bois. Les étudiants étudient, les chercheurs cherchent, les femmes obéissent à leur mari et peuvent ouvrir un compte en banque (1965) sans leur autorisation. Le progrès est en marche et Macron n'est pas encore né. E la nave va....

Deux émissions de radio retracent l'histoire de la "Gauche prolétarienne".

France Culture, Nuits magnétiques : La gauche prolétarienne, 2 août 1986,



France Inter, Rendez-vous avec X, "Les Maos français", 7 juin 2008




(1) Mouvement politique d'extrême droite fondé en 1964. Qui sera remplacé en 1969 poar "Ordre nouveau". Formule pratique pour fustiger la réaction d'extrême droite contre l'extrême gauche, pour ne pas dire contre toutes les gauches...
(2) ORTF, Office de Radio et Télévision Française, section radio et France Inter en particulier, 
(3) Du 6 décembre 1962 au 8 janvier 1966, son seul titre de "Ministre de l'information" vaut toutes les analyses et, sa détermination à établir le "conducteur" du journal télévisé de l'époque en dit long de la façon dont le pouvoir voulait fermement verrouiller l'info et… pas que l'info. 


samedi 14 octobre 2017

Motown… usine à hits (suite et fin)

"Pendant longtemps, Motown c'était l'esprit de camaraderie, un côté grande famille. Quand j'ai acheté ma première maison, le père de Gordy est venu s'assurer que la tuyauterie était bien en cuivre." (1) J'ai consacré quelques nuits de septembre à lire la bible d'Adam White sur Motown. Mais ne pouvais pas m'en tenir au seul billet d'hier. La matière est trop riche et l'aventure tellement extra-ordinaire. En lisant il m'a fallu quelquefois me remettre à l'oreille les chansons ou les hits évoqués dans le récit de White. Cette somme nous en apprend beaucoup sur la radio et j'ai hâte d'en parler avec Thierry-Paul Benizeau qui nous a fait rêver avec l'histoire d'Alison Steele… Au début des années 60, Motown doit absolument convaincre les D.J's. de passer leur musique sur les ondes d'un maximum de radio locales et/ou nationales…

Adam White

















"Au moment où Motown trouvait son rythme créatif, la radio du début du rock'n'roll, qui reposait sur la personnalité de présentateurs en roue libre, cédait le pas à des cadres beaucoup plus définis. La musique était désormais choisie par des directeurs de programme, et non plus individuellement par les animateurs. C'était une des conséquences du gros scandale des pots-de-vin révélé en 1959 : quand il devint illégal de payer les animateurs radio pour qu'ils diffusent tel ou tel disque… la quête d'audience prit d'avantage d'importance : désormais, les disques ayant fait leurs preuves sur les stations R'n'B étaient souvent repris par les radios du Top 40." (2)

Ci-dessous, la série complète des simples des Temptations entrés dans le Top 20 entre 1964 et 1973 dont leur n°1 avec Diana Ross & The Supremes (pages 108 et 109)



On est bien aux États-Unis. La machine économique est dans les pas de la création musicale. Pour que les teenagers (et les adultes) achètent les disques il faut une promotion colossale en plus des tournées. White montre en détail le "processus" Motown, de l'amont (écriture des chansons) à l'aval (la distribution). Pour ce qui concerne la fabrication d'un hit il écrit : "Dès les premières mesures "My guy" [1964] vous harponne. Une première ligne de cuivres aussi chatoyante qu'un lever de soleil mène droit à une explosion de percussions, puis Mary Wells glisse avec désinvolture sur les claquements de doigts pour raconter une histoire (3) toute d'attachement et de fidélité. "Tout vient de ce premier vers, de ce "rien ne peut m'arracher", expliquait Smokey Robinson, son auteur et producteur. Robinson a ciselé des paroles associant amour, lettres et timbre-poste, l'illustration même de la logique narrative apprise de Berry Gordy dès leur première rencontre." (4)



Ce souci du détail, White le développe tout au long des 400 pages de ce livre. Mais pour ce qui va suivre préparez vos mouchoirs, vous n'allez pas tarder à entendre siffler le train. "Le développement mondial de Motown alla de pair avec un nouvel intérêt porté aux imports, du moins au travail de la star française (sic) Richard Anthony. Quelqu'un de Detroit - peut-être Gordy en personne, selon Anthony - avait entendu une démo de sa chanson "I don't know what to do"… Quand il apprit qu'on s'intéressait à lui à Detroit, Anthony fut tout excité, d'autant plus quand on lui annonça que Schiffer avait pris l'avion pour Paris. Anthony envoya une Thunderbird de sa collection personnelle pour amener l'avocat chez lui… Berry Gordy annonça la signature [du contrat] lors du vin d'honneur qui suivit le concert de l'Olympia "(5)

L'épilogue (page 376) est titré "Motownopoly" et en sous-titre "Vous êtes nommé Président de Motown ! Payez 25 dollars à chaque joueur." Tout est dit. Il était tentant d'adapter le célèbre jeu Monopoly d'origine américaine à la compagnie Motown avec toutes les étapes de création d'un hit. La cerise (de la reconnaissance) sur le gâteau ! Vous trouverez ici l'interview qu'Alan White a donnée à RFI et le "Reach out" des Four Tops  que le magazine "Rolling stone" a classé parmi les 500 plus grands chansons de tous les temps. 



(1) Otis Williams des Temptations in "Motown" par Alan White, Textuel, 2016, 
(2) Page 32,
(3) C'est moi qui souligne,
(4) Page 131,
(5) Page 187.
Michael Jackson
Newsweek magazine
6 Juillet 2009
(après son décès) 

vendredi 13 octobre 2017

67/68 : une autre révolution culturelle… Motown, l'usine à hit (6/42)

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Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.


6. Motown, mythes et légendes…
Début 2009, la radio publique rend hommage à la maison de disques Motown, créée en janvier 1959 par Berry Gordy à Detroit dans le Michigan. Une "usine à hit" au milieu des usines automobiles les plus prestigieuses des États-Unis. Créée par un Noir qui se défendait de vouloir produire de la musique pour les Noirs, Motown a non seulement permis aux afro-américains de conquérir le marché de la musique, mais surtout d'entendre soul, R&B et pop sur quantités de radio dans l'ensemble des États-Unis. Ces radios locales, nationales qui, à l'époque, faisaient les carrières (et les ventes, bien sûr) des musiciens, chanteurs et autres groupes aux leaders charismatiques. Mais surtout Motown a été un acteur majeur de la déségrégation.

En France, en 1959, c'est surtout "Salut les copains" (1) qui va accompagner cette lame de fond, "exploitée" par les compagnies discographiques françaises qui proposaient aux chanteurs yéyé des textes français sur les musiques venues d'Angleterre et des États-Unis. La liste, ci-dessous, non-exhaustive, devrait vous faire rêver (2). Mais il y a un événement très grave qui a frappé "Motown" en 1967, ce sont les émeutes du 23 juillet qui ont plongé Detroit dans un apocalypse tragique.




en 2016, Adam White a publié , LA somme pour raconter l'épopée de Berry Gordy, Barney Ales et la myriade d'artistes Motown. Alors que "Detroit" le film de Kathryn Bigelow est sorti mercredi en France, White écrit dans le prologue de son livre (3) : "les flammes déchaînées qui s'élevaient de la 12ème Rue vers le ciel d'été, fournaise à 32°C, avaient exactement les mêmes couleurs que l'enseigne au néon surmontant le Chit Chat Lounge voisin. Seule la fumée noire s'élevant en spirales au-dessus du brasier rompait cet accord parfait entre flammes et électricité. Moins d'une dizaine de mètres les séparaient.

De l'autre côté de la rue, un autre incendie éventrait les devantures des boutiques. Celui-là était plus rageur, plus vif. Lui aussi gagna bientôt les toits. Au beau milieu de la rue, les gyrophares d'une voiture de police, seuls signes d'une quelquonque autorité à ce moment précis des émeutes de Detroit, en 1967".

Supplément spécial, demain, pour vous en dire 
un peu plus sur ce livre… 


(1) Émission de Daniel Filipacchi sur Europe n°1, 1959-1968,

(2) Les gendarmes, Claude François, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, Dalida, Régine,Françoise Hardy, Rika Zaraï, Richard Anthony, Sylvie Vartan, Lucky Blondo, Sheila, Hervé Villard, Line Renaud, Daniel Gérard, Les compagnons de la chanson, Nana Mouskouri, Nicoletta, Marie Laforêt, Hugues Aufray, Annie Cordy, Sacha Distel, Monty, Martin circus, Les chaussettes noires, Les chats sauvages, Dick Rivers, Patrick Topaloff, Jean-Jacques Goldman, Francis Cabrel, Claude Nougaro, Franck Alamo, Dave, Annie Philippe, Michèle Richard, Corinne Sinclair, Petula Clark, Nancy Holloway, Les vautours, Burt Blanca, Les surfs, Dany Logan, André Claveau, Henri Salvador, Michel Pagliaro, Mireille Mathieu, Ginette Reno, Serge Gainsbourg, François Valéry,… et plus si affinités !

(3) Édité en France par Textuel, traduction de Christian Gauffre, octobre 2016. 400 pages. Sublime mise en page, iconographie somptueuse, histoire extraordinaire. Rien moins !

lundi 9 octobre 2017

68 : et si tout avait commencé avant… Che Guevara (6/43)

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Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.


6. Che Guevara : médecin, révolutionnaire, icône
Il y a juste cinquante ans, le 9 octobre 1967, Ernesto Rafael Guevara est tué par l'armée bolivienne à La Higuera (Bolivie). Il a 39 ans. Avant que le portrait qu'en a tiré Alberto Korda ne devienne un poster qui s'affichera dans bon nombre de chambres d'étudiants, la CIA et l'armée bolivienne ne savent pas que cet assassinat fera du Che une icône aussi définitive qu'Einstein, Marx ou Marilyn. En 67, pour un jeune adolescent, la Bolivie, l'Argentine où est né le Che, Cuba où il participa aux côtés de Fidel à la Révolution cubaine, sont très loin. On ne discute pas encore de politique internationale aux repas dominicaux et encore moins de communisme.


Éditions François Maspero



















Un témoin de l'époque, Régis Debray était en Bolivie avec le Che, quelques mois avant que ce dernier ne soit arrêté et exécuté. Le philosophe français n'a que vingt-six ans et est un ami de Fidel Castro. Il n'en faut pas plus pour que des rumeurs de trahison s'installent. C'est peu dire que la littérature et le cinéma n'en auront jamais fini d'épuiser le sujet (1). À la radio, vingt ans plus tard, Robert Arnaut dans ces "Chroniques sauvages", sur France Inter, raconte le Che avec plusieurs invités.

En intégralité et en exclusivité jusqu'au 30 octobre



Régis Debray à Camiri en Bolivie (29 août 1967)


En France, François Maspero libraire à Paris, puis éditeur a publié dès le début des années 60, les textes d'Ernesto Che Guevara.













13 juillet 1967 à Paris François Maspéro 
Conférence de presse retour de Bolivie  
Crédits : François Maspéro - AFP

(1) Deux références parmi l'abondance. Livre : Jean Cormier, "Che Guevara, compagnon de la Révolution", première parution en 1996, nouvelle édition en 2017, 
Collection Découvertes Gallimard (n° 272), Série Histoire, Gallimard, Parution : 14-09-2017. Au cinéma "Carnets de voyage" de Walter Salles, 2004.