Ah les vieux briscards ! Oh les maringouins ! (1) En voilà trois qui ont joué à la radio comme d'autres jouent au yoyo ou à la Bourse. Ils ont eu de très belles réussites, ont marqué le paysage et, en ce qui me concerne, mes oreilles. Filipacchi (Daniel), Lescure (Pierre), Bellemare (Pierre) viennent respectivement d'évoquer leurs souvenirs de radio. Pour vous situer l'affaire je vous présente aujourd'hui trois anecdotes ou trois détails qui situent bien les personnages. Si j'ai parlé de "jouer" au début de ce billet, c'est parce qu'à l'époque où ces trois figures de radio ont commencé le métier, tout était possible et "permis". Tout s'inventait avec spontanéité, intuition et feeling. Ces trois mousquetaires ont avec légèreté, audace, passion et convictions fait la radio à leur main, et à leur voix bien sûr. Je reviendrai une autre fois sur les plus belles pages de chacun de ces trois hommes de radio.
Filipacchi, le dandy jazzy
"À mes moments perdus (il n'y en avait pas beaucoup), je me lançai dans la production d'émissions de toutes sortes et devins pratiquement le seul producteur indépendant de la station [Europe1]. En peu de temps, je fus à la tête d'une dizaine de programmes, souvent de francs succès : Les petites histoires drôles de Marie Chantal, Les bandes sonores du cinéma et La cuisine à vapeur par exemple… Dans mon
émission Salut les copains, j'avais diffusé Sylvie Vartan après Ella
Fitzgerald, ou l'inverse. Quelle honte !… Or mon mérite était justement
de tenter de faire avaler Ella à mes auditeurs..." (2)
Lescure, le petit prince
"Souvent, aussi, je m'endors avec "Les nuits du bout du monde" de Stéphane Pizella (3), diffusées sur Inter Variétés (4) : des récits voyageurs, hypnotiques, où se mêlaient des sons d'une poésie et d'un exotisme inédit, et la voix enveloppante de Pizella. À mi-chemin entre Éric Ambler (pour l'aspect enquête), Joseph Kessel et Connaissances du monde, Pizella pouvait rendre palpable le monde entier, des ramblas de Barcelone au favelas de Rio. Pierre Bouteiller m'a expliqué un jour que chez Pizella, 50 % relevaient de l'improvisiation. Ça confortera l'idée d'une sorte de rêve, de déambulation magique." (5)
Bellemare, le camelot-conteur
"Les programmes d'après-guerre de Radio-Luxembourg se caractérisent par de grandes tournées à travers une France avide de distraction. La première partie du spectacle était consacrée à un tour de chant, à une représentation de cirque et de music-hall ; la seconde faisait place à un jeu animé en public par les stars de la station. L'entrée était payante et seules les émissions les plus réussies bénéficiaient d'une diffusion. La formule connut un succès phénoménal durant une quinzaine d'années. Ainsi, patronné par le shampoing Dop, le chapiteau du cirque Gruss-Jeanner, rebaptisé Radio-Circus, devint-il une attraction nationale, consacrant Zappy Max, le sosie de Max Linder, dans le rôle d'animateur vedette. Il est difficile d'imaginer aujourd'hui l'immense train de camions et de caravanes que nécessitaient ces déplacements incessants. Comme il est difficile de concevoir l'extraordinaire popularité dont jouissaient les animateurs radio à une époque où la télévision était encore confidentielle. Pour présenter "Quitte ou double" par exemple, Zappy Max se déplaçait tel un prince au volant d'une Studebaker décapotable et avait à sa disposition, à chaque étape, un gigantesque mobile-home américain carrossé d'aluminium. Il lui arrivait aussi de gagner le podium en hélicoptère, sous le regard émerveillé du public." (6)
(1) Le mot est joli et sa consonance m'allait bien là…
(2) "Ceci n'est pas une autobiographie", Bernard Fixot, 2012,
(3) LA référence de Daniel Mermet,
(4) Inter-Variétés, réseau ondes moyennes de France Inter,
(4) Inter-Variétés, réseau ondes moyennes de France Inter,
(5) "In the baba", Grasset, 2012,
(6) "Le bonheur est pour demain", Flammarion, 2011.
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