lundi 1 mars 2021

Et de qui la mise en ondes ? – De Pierre-Arnaud de Chassy-Poulay, voyons !

Avec un tel titre je suis bien certain que vous allez vous précipiter sur ce billet pour en savoir plus ! Tout est parti d'un tweet banal d'Hervé Rony, directeur de la Scam (Société civile des auteurs multimédia), samedi matin sur Twitter "Ce qui est formidable avec Radio France c’est de pouvoir entendre que l’émission qu’on vient d’écouter a été « mise en ondes ». Un ton un tantinet désuet qui cache en vérité le grand respect de la technique radiophonique." Je ne peux mettre en doute la bienveillance de Rony pour la radio et les métiers de la radio, mais je me demande pourquoi "mise en ondes" serait désuet ? Et, si c'était le cas, pourquoi "mise en scène" ne le serait pas ?



Je ne peux pas précisément dater l'expression "mise en ondes" mais lisons la notice du Larousse "L'art de la mise en ondes radiophonique, lié aux moyens plus restreints, mais souvent mieux maîtrisés, de la radio des années 40, 50 et 60, est un art de musicien aussi bien que de technicien, supposant la connaissance du matériel aussi bien que de la musique. Mais l'expression de "mise en ondes" s'est étendue à toutes les étapes de la "réalisation radiophonique" : choix et montage des éléments, direction artistique des opérations techniques." Matériel et musique, oui, mais pas que. Le-la metteur-en-ondes forme avec animatrice-animateur, productrice-producteur au choix, un couple, un binôme, une équipe et donc intervient en amont de l'émission, au tout début de son élaboration.

Peut-être que désuet viendrait d'un certain lyrisme et plus particulièrement à cause de la désannonce de "Signé Furax" (1). Et de l'auteur lui-même de la mise en ondes, "Pierre-Arnaud de Chassis-Poulay" prénom et nom qui à eux tout seul sont une ode… aux ondes ! La mise en scène cinématographique vient de la mise en scène du théâtre qui est limpide : une scène, des comédiens, un décor dont il faut mettre tout ça en scène. Et bien il en va de même pour les ondes, non ? Une voix, des voix, des ambiances sonores (décor), de la musique qu'il va falloir associer pour qu'elles s'installent de façon fluide sur les ondes.

Des ondes, mais faudrait-il qu'il en reste encore ? Aucune des petites, des moyennes, des grandes ne sont plus jamais (ou presque plus jamais) usitées pour situer une chaîne de radio et ses programmes (2). Le mot "ondes" disparaît du paysage, quand certaines autrefois avaient plus de valeur que d'autres ou la lutte de Bernard Lenoir pour obtenir la diffusion en Modulation de Fréquence de son émission Feedback  (1978) à 21h sur France Inter (3) fait maintenant partie de l'histoire ancienne, pour ne pas dire du moyen-âge de la radio.



La réception sur des supports numériques (ordinateur, tablette, smartphone) a, pour le coup, définitivement "gommé" les ondes du principe même de la réception audio. Et, toutes les images d'Épinal de l'attention portée devant le meuble radio, à tourner le bouton pour trouver la bonne fréquence sont à accrocher au musée du patrimoine radiophonique (4). Ajoutons à cela la volonté délibérée de Radio France de mixer deux métiers en un : réalisateur/technicien (son) et technicienne (son)/réalisatrice, risque de renvoyer la "mise en ondes" dans les tréfonds de la désuétude !

Alors Hervé Rony a-t-il raison de la suggérer cette désuétude (5) ? Réécoutez "Un temps de Pauchon(le player de l'émission n'est plus exportable) à l'occasion du départ en retraite (et du vidage de son casier) du metteur en ondes Gilles Davidas qui a là l'occasion de s'exprimer sur son métier. Et, en exclusivité mondiale pour Radio Fañch sa définition mûrement… mûrie : "Personne payée pour vous empêcher de dormir et vous faire arriver en retard ! Créateur-trice d'images à écouter les yeux fermés (attention si vous êtes au volant)"

(1) Feuilleton radiophonique diffusé sur la chaîne parisienne de la RTF (1951- 1952), puis sur Europe 1 (1956-1960),
(2) Émetteurs G.O. à l'arrêt au 1er janvier 2017 pour France Inter, au 31 décembre 2019 pour Europe 1, en mars 2020 pour RMC et pour RTL il était prévu que la coupure opère au 4ème trimestre 2020 (mais pas d'infos disponibles pour le vérifier)
(3) Dans les années 80 à 20h, France Inter basculait en G.O. pour le programme alors qu'"Inter-Foot" de Jacques Vendroux s'octroyait la Modulation de Fréquence. Musique en mono, foot en stéréo ! Cherchez l'erreur !

(4) Je me suis réécouté (j'avais pris soin d'archiver les podcasts) "Mythologie de poche de la radio" de T. Baumgartner, deux épisodes sur "Pierre-Arnaud de Chassy-Poulay" les 11 et 18 décembre 2009, France Culture. À l'époque P.A .de C.P. a 88 ans !

(5) Sur Twitter, David Christoffel, producteur radio, lui a répondu : "Hommage à Paul Castan qui parlait même de "décor sonore" dans l'article : "Comment je comprends le théâtre radiophonique et sa mise en ondes" (Comœdia, 16 décembre 1936),

Pour la désannonce… voyons !
 

8 commentaires:

  1. Quand je suis arrivé à la Direction de la radio Monsieur JF Vincent qui est directeur adjoint m’a demandé une note sur le conflit entre les techniciens du son et les musiciens metteur en onde
    Cela m'a pris deux ou trois mois et j’ai oublié mes recommandations

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Fanch,
    pour info, Pierre Arnaud de Chassy-Poulay est déjà metteur en onde des précédentes émissions de Francis Blanche. Le fameux "et de qui la mise en onde ?" apparaît dans "Le parti d'en rire" en 48/49.
    Dans la série datant du début des années 90 diffusée sur France Culture, "En attendant Furax", Pierre Tchernia précisait qu'il s'appelait vraiment "de Chassy-Poulay". Faux, il s'appelait juste Pierre Arnaud. Quelle déception.
    Signé Curly-le-dingo-de-chez-Regard-sur-France-Culture-d'en-face.
    Bien cordialement.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir Curly, bien sûr que Pierre Arnaud a réalisé les émissions de Francis Blanche ! Et Tchernia était gonflé d'affirmer ça ! Pierre Arnaud dit tout dans ses deux "Mythologie de poche de la radio" citées dans mon billet !

      Supprimer
    2. Et P. Arnaud raconte comment cette désannonce l'a surpris car elle émanait d'un très jeune homme de radio qui l'avait connu à la fin de la guerre et a trouvé judicieux d'utiliser le pseudo "Chassis-Poulay" !

      Supprimer
  3. Et le fameux "sortilège de la mise en onde" dans J. Tardieu, « Sortilèges de la mise en ondes », in Grandeurs et faiblesses de la radio, op. cit., p. 62-63 : « Le réalisateur ou “metteur en ondes” est, en quelque sorte, un magicien de l’impalpable […] c’est [la pièce radiophonique] une pièce qui est partout et nulle part ; elle est inscrite dans un temps limité mais répandue dans un espace sans borne. […] Voilà pourquoi on a pu soutenir que l’art radiophonique, et en particulier, l’art du metteur en ondes, est un jeu savant entre présence et absence ».

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Waouuhhh ! Merci beaucoup. Je vais essayer de trouver cette publi… Tout est dit amis bon "Jean Tardieu" de la très haute qualité. Merci pour ce commentaire très utile ! ;-)

      Supprimer