lundi 9 janvier 2017

Les feux de l'amour... (de la radio pour la TV)

Marcel Jullian


















C'est un fait acquis, depuis que la télévision existe, la radio a pour elle les yeux de Chimène et n'a cessé de la vénérer à l'autel des médias ? Fascination démesurée pour le progrès, le mouvement, la couleur. Comme si la radio n'avait d'autre choix que de minorer sa voix pour définitivement sublimer l'image (1). Pas une seule journée d'antenne, toutes radios confondues, sans que la télévision ne bénéficie d'une promotion exceptionnelle, voire dans certains cas de dithyrambes sans égal d'un média pour un autre. Mais, a contrario sans jamais aucun retour d'ascenseur.

En effet, qui donc pourrait avoir cette idée saugrenue de faire la promotion de la radio à la télévision ? Cette seule question est un coup d'épée dans l'eau ! Et l'eau ici est très très profonde. Car bien avant que Sonia Devillers sur France Inter (2) ne vienne insuffler une bonne dose d'intelligence, d'analyse et de recul sur le "phénomène TV", régnait en "Petit roi" l'animateur du "Grand direct des médias" sur Europe 1 (3). Pour autant, avec autant d'intelligence et d'analyse que Devillers, Marcel Jullian avait, au milieu des années 80, produit "Écran total" sur France Inter (4).

C'est Jean Garretto qui, sur cette simple réflexion "De quoi parlent les gens le matin ? De ce qu'ils ont vu la veille à la télé." proposa à Jullian d'inventer une autre façon de parler de la télévision. Avec comme concept, parler le lendemain de ce que "nous" avons regardé la veille. Et ça, ça change tout. Ce n'est plus la promotion d'une émission à venir, mais l'analyse, l'approndissement d'un sujet avec, après-coup, des invités

Depuis la rentrée 2016, si Sonia Devillers a balayé large sur les médias, la télévision reste le sujet majeur et celui dont on parle le plus dans l'Instant M. "Fatalement' ça peut donner envie de regarder une émission quand réalisateurs, acteurs, protagonistes viennent la défendre au micro. Mais, et ce sont sans doute les limites du genre, on ne parle presque jamais radio à la radio dans les émissions média (5). Pourtant, sûr que quelques aficionados seraient prêts à venir en parler.

Je tournais vendredi ce billet dans ma tête quand, voici-voilà, que sur C8 "La nouvelle édition" invite dans son talk-show de midi, Sonia Devillers et Thomas Joubert pour parler, pour parler... de télévision. C'est nouveau, la télévision appelle "à l'aide" deux professionnels de la radio pour des analyses sur le média télé et "le dernier show dont tout le monde parle". Mais de radio il ne fut point question.

La boucle est bouclée. La télévision met en avant les matinales radios avec son lot de petites-phrases et de mimiques filmées (6), s'appuie sur des experts des médias qui officient à la radio, mais n'est certainement pas prête à inventer une émission d'analyse et de promotion du média radiophonique. Je le redis, ce billet est donc un coup d'épée dans l'eau : la radio est définitivement "coulée" par la TV. CQFD !

(1) Avec plus ou moins de réussite jusque dans ses propres studios. Sans parler de la méga-fusion franceinfo FranceTélévisions... Pour autant pourquoi des animateurs TV, tels Drucker faisant la promo des chaines Tv privées sur le service public, pourraient renvoyer l'ascenseur en faisant "Vivement la radio" ?  La télé sait si bien s'auto-promouvoir qu'elle invente même à la TV des émissions de promotion de la TV.

(2) L'instant M, du lundi au vendredi, 9:41-10:00,
(3) Jean-Marc Morandini, avant d'être remplacé depuis la rentrée par Thomas Joubert, du lundi au vendredi, 9:00-10:00

(4) Homme de télé (co-créateur d'Antenne 2 avec Jacques Chancel), écrivain, scénariste (entre autres du film "La grande vadrouille"). Alors que Jullian est en "pleine traversée du désert" Jean Garretto (à l'époque Directeur de France Inter) lui proposera de produire cette émission avec Jean Morzadec comme co-producteur. Elle durera 4 saisons, sous trois directeurs et quatre horaires différents !

(5) Même si Sonia Devillers a reçu plusieurs animateurs de radios privées, depuis que l'émission existe en 2014,
6) Dans "La nouvelle édition" (C8) et dans "Quotidien" (TMC).

2 commentaires:

  1. Et pourtant la télévision a parlé de radio autrefois : il y avait "Micros et caméras" qui proposait aux téléspectateurs d'entrer dans les coulisses de l'ORTF sans oublier le "R" ! Et même, plus étonnant peut-être, une émission entièrement consacrée à Inter, "France Inter Magazine" en 1971. Et dans un des numéros consacrés à la Tribune de l'histoire, ils se sentent obligés de rajouter quelques images d'illustrations par-dessus la voix de Jean Negroni enregistrant une dramatique : l'oreille supplée bien mieux à la vue que le contraire !

    Céline

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    1. Bonjour Céline,
      Bien sûr "Micros et caméras" souvent cité sur ce blog et regardable tout autant. Mais mais mais c'était l'époque "bénie" de l'ORTF qui ne pouvait faire l'impasse sur sa "moitiée". Les quelques épisodes existant à l'Ina sont précieux et quelquefois inattendus..
      Pour ce billet je voulais surtout dénoncer le mépris total de la TV pour sa "grande sœur" qu'elle ignore superbement.
      Merci pour l'info "France Inter magazine" que je n'avais pas décelée comme une émission à part entière.
      Merci pour votre attention et vos précisions précieuses.

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