Yann Paranthoën, ingé-son Radio France, Paris-Roubaix |
La grande idée de ce siècle nouveau est de faire semblant. Semblant que tout va bien. Que rien ne change. Que l'essentiel est dans le marbre. Acquis. De la radio publique il va ainsi. Aujourd'hui et demain. Pas hier. Ne surtout pas (ré)écouter les archives. Ne pas se souvenir. C'est has been. Visons l'avenir. Dépoussiéré de scories sentimentalistes. À la radio publique tout va bien. Et les sondages le confirment, le managère de moins de cinquante ans est comblé. Il a tout.
Il a des webradios rutilantes. Sept à Fip, sept à France Musique. France Inter caracole vers les sommets de RTL. France Culture se pavane d'info (et de moins en moins de culture). Mouv' tente de rapter en live les cultures urbaines. France Bleu méga-paquebot fonctionne en pilote-automatique, chantre de la mécanique programmatique. France Info a une très bonne image. Et puis cerise sur la radio, auto-promotion et autosatisfaction permanentes, tournent en boucle sur les réseaux sociaux..
Et la huitième chaîne (1) ? Ce "machin" appelé "Maison de la radio" (pléonasme suprême) censé faire découvrir, (sise 116, Avenue du Président Kennedy, Paris), coulisses, directs, studios, voire la vie même des équipes de réalisation. Faux-nez extraordinaire. Poudre aux yeux mirifique. Gadget grandissime pour y faire tout sauf... de la radio, celle qui se diffuse sur les ondes. Faire semblant. Jouer le prestige exclusivement. Rendre le lieu mainstream pour que le "Tout-Paris médiatique" vienne à son tour se pavaner, défiler, se restaurer, acheter des livres et assister à quelques "trucs" ayant de vagues rapports avec la radio, hors lieux où se fait la radio. L'illusion comique.
Parce que, derrière, "la radio" souffre. Oh, pas au micro ! Digne et professionnel, chacun à son poste fait pour le mieux avec les moyens dont il dispose. Mais justement, les moyens, c'est ça qui bloque. Le, les managères de moins de cinquante ans ont du génie pour se reproduire perpétuellement, pour développer des "tas de choses" périphériques à la création radiophonique, qui brillent de numérique, de markétique, et autres tiques qui s'imposent face à "faire la radio". Mais pour développer la création, la fabrique même de la radio, ils sont "out".
La fabrique avec des moyens, des studios performants et suffisants à la tâche, des ingénieurs du son, des techniciens... Des moyens pour que des équipes de réalisation sortent des murs, sortent de la capitale, sortent de France, sortent des studios où se multiplient les émissions en direct au détriment des émissions élaborées, montées, ciselées. Mais ça, ce qu'il appellent, méprisants, "la radio de papa", les managères de moins de cinquante ans, ça ne les fait plus bander, tout simplement.
S'opposent deux ethnies : les fabriqueurs et les manageurs. Devine qui va gagner ? La fabrique ça se machine, ça se mécanique, ça se numérique, ça se duplique, ça se trafique. Et bientôt, de ces femmes et ces hommes qui ont fait l'excellence de la radio on finira par s'en passer. Comme le métro sans chauffeur. Les glaces sans sucre. Le pain sans farine. Et, tant que ça peut durer, France Culture, avec "Les Nuits", nous fera entendre tout azimut la création radiophonique. Tant que ça dure !
Alors, avec Patrice Blanc-Francard on pourra psalmodier "C'était pas mieux avant... Mais on était plus libre" (2). Et j'ajouterai, mais la radio se donnait surtout les moyens de faire de la radio. Juste de la radio.
À bon entendeur, salut !
(1) La bonne trouvaille d'un producteur historique de Radio France,
(2) Homme de radio, en réponse à Pierre Wiehn, ex-Directeur de France Inter, "Dimanche dans un fauteuil", Longueur d'Ondes, Brest, février 2016.
Publié ce jour dans le Huffington Post.
Bonjour Fanch,
RépondreSupprimerVos derniers billets sur ce que devient la radio publique, sont d'une bien triste lucidité malheureusement, et je voudrais bien que pour 2017, tous ces malotrus disparaissent et que les gens de radio, les vrais, ceux que l'on cache, reviennent nous enchanter. quoiqu'il en soit, je souhaite longue vie à votre blog et je suis heureuse de lire que vous êtes fidèlement lu ! Bonne année à vous et à ce blog radio, une pépite à retrouver avec bonheur, c'est si précieux !
Nanou