lundi 30 juin 2025

Thierry Jousse : dix ans de "Retour de plage"…

Sur France Musique, depuis dix ans, 4 semaines par an, 5 jours par semaine, entre 15 et 16 titres par jour égale une formidable ouverture musicale, un éclectisme assuré, la diffusion de standards, de pépites et de chefs-d'œuvre mais aussi de trouvailles sympatoches. Voilà comment, sans monter sur la table, Thierry Jousse, producteur de l'émission au mois de juillet, nous ravit, été après été. Le compte est bon, soit environ 3000 titres (dont quelques rediffs indispensables). Whaouuuh ! (1)

Lalo Schifrin




Lalo Schifrin, pianiste et musicien de jazz argentin, décédé le 26 juin, ouvrira le bal. Thierry Jousse a déjà consacré plusieurs émissions à son sujet. Mardi (attention la grève peut tout chambouler) ce sera "Mélodies françaises" (Jean-Michel Defaye puis Martial Solal). Une mise en bouche et en oreilles somptueuse.

Faites ce qu'il faut pour écouter dans les meilleures conditions ces deux heures qui, pour une fois, mettent la musique au pluriel !

(1) Mon compte Shazam s'en souvient encore !

Audiovisuel public : faire et défaire ou… cinquante ans de circonvolutions ! 2/2

Dans mon précédent billet, nous en étions à ce jeudi 20 juin 1974. Le gouvernement de Jacques Chirac, Premier ministre, n'a que 22 jours. Ce jour-là Roger Chinaud remet son rapport de trois-cent-cinquante pages sur l'ORTF. Personne ne le sait encore à l'Office mais, ses jours sont comptés… Concordance des temps : le lundi 16 juin 2025, Madame Laurence Bloch, remet son rapport à Madame Dati, Ministre de la Culture sur ce qu'il convient d'attendre de la holding France Médias (1). Le 3 juillet (le gouvernement a 35 jours), Jacques Chirac annonce "la fin de l'ORTF". L'onde de choc est violente.

Jacques Chirac
 










Quelques jours avant, le 26 juin, le débat est soutenu à l'Assemblée nationale, sur le sujet de l'ORTF et le rapport Chinaud qui sera publié à la suite. 3 juillet 1974, Conseil des Ministres. " "L’ORTF sera supprimé. » dit Chirac, « On s’attendait à une réforme, c’est une révolution », s’exclame Claude Durieux dans Le Monde. Le schéma retenu, celui de la suppression de l’ORTF au profit de six sociétés et établissements (2). Selon les acteurs de l’époque, Valéry Giscard d'Estaing a joué un rôle déterminant dans la conception d’une réforme qui avait pour lui un caractère hautement symbolique. Pour le nouveau pouvoir, la suppression de l’ORTF, c’est la disparition d’un sigle lié au régime gaulliste. Et la loi du 7 août 1974 incarne les principes du libéralisme dont se réclame le nouveau président : libéralisme économique, politique et idéologique." (3)

Le 13 juillet 1974, le projet de loi réorganisant la radio-télévision française a été examiné à l'Élysée par un conseil interministériel restreint présidé par M. Valéry Giscard d'Estaing, Président de la République. Dans son édition datée du 16 juilet 1974, Le Monde écrit : "Semaine décisive pour l'O.R.T.F. Le gouvernement soumet au Conseil d'État son projet de réorganisation de l'audio-visuel. Le conseil des ministres le discutera mercredi avant de convoquer le Parlement en session extraordinaire le 23 juillet. Le président de la République le commentera au cours de la " réunion de presse " qu'il doit tenir le 25 juillet."


Le 28 juillet 1974, à la majorité de 289 voix contre 186 sur 475 votants et 475 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté par scrutin public. Puis la séance est suspendue en attendant le vote du Sénat. En début d'après-midi, ce dernier adopte sans modification le texte de loi relatif à la radiodiffusion et à la télévision, qui prend ainsi force de loi. Le 7 août 1974, la loi sera promulguée.


Le 2 janvier 2025, pour "La revue des médias" de l'Ina, Sophie Bachmann écrit : "La lettre adressée le 16 janvier 1975 aux présidents des nouvelles sociétés de programme par Valéry Giscard d'Estaing nous donnerait-elle une des clés de la réforme ? Celui-ci exprimait en conclusion un vœu personnel : « De même que l’art a toujours rempli une double fonction de recherche et de délivrance, de même l’immense moyen de formation, d’information et de distraction que vous allez gérer, peut-il offrir, à côté de la rencontre indispensable avec le réel, beaucoup d’imagination et un peu de délivrance. »


Délivrance ! Giscard dEstaing aurait donc offert aux actrices et acteurs de l'audiovisuel public "un peu de délivrance". Pas sûr que la future loi audiovisuelle délivre les mêmes de quoi que ce soit, voire peut-être les enferme même dans un magma indéfini où chacun des partenaires aura fini par se désingulariser.


***


Le dimanche 5 janvier 1975 vers 23h58, Madeleine Constant, sur France Inter, annonce "la fin de l'ORTF" et dès minuit, le lundi 6 janvier, la naissance de Radio France. Souhaitons que le 5 janvier 2026, Radio France soit toujours à l'antenne et non pas dans la con-fusion de la holding France Médias…


(1) Regroupant Radio France, France Télévisions et l'Ina,

(2) À l'origine du texte qui finira par être amendé, seulement six sociétés sont crées (Radio France, TF1, Antenne 2, France Régions 3, SFP, TDF), l'Ina sera donc ajoutée in-extremis mais rien en ce qui concerne le "Service de la Recherche -ORTF" dirigé par Pierre Schaeffer,
(3) La suppression de l'ORTF en 1974. La réforme de la "délivrance", Sophie Bachmann, Vingtième siècle. Revue d'histoire. Année 1988. 17. pp. 63-72

Le Tour de la France 1989 de Vincent Lavenu, dossard 157 : 1

C'est un beau roman (feuilleton) c'est une belle histoire. Voilà ce qu'auraient pu chanter en chœur Yann Paranthoën, Claude Giovannetti et Vincent Lavenu. Pour cette épopée du Tour de France 1989, Paranthoën et Giovannetti ont suivi toutes les étapes du Tour de France, ont accumulé, sur tous les tons des rushs, ont pris des notes et pour que le dispositif soit complet ont recueilli via La Poste, les cartes postales de celles et ceux, spectateurs de bord de route, qui avaient quelque chose à en dire. À cela ajoutons le journal de bord du timide Vincent Lavenu. Ce matériau accumulé ils ont pu produire, sur France Culture, à l'été 92, le journal-fleuve du Tour de France 1989…
















"Comment un prof de 40 ans peut-il lier amitié avec un jeune coureur cycliste de 24 ans ?" dit l'ami de Vincent Lavenu, M. Chebagnier. C'est, avant le départ; un premier témoignage pour parler du dossard 157… Et puis Giovannetti parle de la dernière touche d'un portrait commencé il y a quatre ans (1988). C'est cette même année, que Paranthoën téléphone à Lavenu pour lui annoncer qu'il aimerait le suivre sur le Paris-Roubaix. Du tac au tac Lavenu lui dit "Vous prenez des risques !", l'humble coureur n'imaginant pas qu'il pourrait être rescapé d'une course qui écrème 160 coureurs sur 200 tout au long du parcours.

Comme à son habitude Paranthoën tisse son "récit" avec le "on" et le "off"… Tous les autours qui font matière et sens. 10 avril 1988, sympa d'entendre Daniel Mangeas, speaker de la course citer le nom de Lavenu qui trouve sa place du fait d'un abandon. Sympa aussi d'entendre Chebagnier évoquer Georges Briquet, radio-reporter sur le Tour de France, à la RDF (Radiodiffusion Française).

Le 9 avril 1989, nouveau Paris-Roubaix où Lavenu, à quelques kilomètres de l'arrivée, sera contraint de donner sa roue à un coéquipier mieux classé que lui et devra de fait abandonner.

Le 5 juillet 2025, le Tour de France s'élancera pour vingt-et-un jours depuis Lille…

Petite biblio express : "Tombeau pour Luis Ocaña", Hervé Bougel, La Table ronde, 2014,

(À suivre, demain matin 8h)

samedi 28 juin 2025

Grille de France Inter : un bricolage audacieux, pour ne pas dire explosif !

Va bien falloir vous mettre ça dans le crâne, c'est la TV qui impose à la radio d'adapter ses programmes en fonction de la fuite des vedettes radiophoniques vers le petit écran. Aucune close n'impose à ces vedettes (et aux autres personnes concernées) un délai de rigueur pour permettre à la radio de trouver remplaçantes et remplaçants dans l'urgence. Pour ce billet je ne suis pas remonté aux calendes grecques (sic), quand Auguste prit le devant de la scène après l'assassinat de son grand oncle Jules (toute ressemblance…). Ces états de fait pourrissent la bonne marche de la radio et laissent souvent les équipes pantoises, pouvant donner l'impression très désagréable d'être la cinquième roue de la charrette. Pour autant quand la radio recrute à la TV ça n'a jamais valeur de drame comme c'est le cas dans l'autre sens. 

Têtes de gondoles 










Enfin, si peut-être un peu quand, après moults tergiversations Benjamin Duhamel finit par accepter de quitter BFM/TV pour co-animer la matinale de France Inter. BFM s'en remettra mais pas sûr qu'Inter s'en remette sur la longue durée. Remplacer une femme, Léa Salamé, par un homme (et au départ remplacer Sonia Devillers par ce même Duhamel) pas sûr que ce soit bien dans l'air du temps et qu'on ne soit pas tenté d'accuser, à juste titre, Adèle Van Reeth d'opportunisme pour donner des gages à ces droites qui continuent inlassablement d'accuser Inter d'être trop à gauche. Comme si "à gauche" avait aujourd'hui quelque sens !!!!!

Quand le 1er juillet 2022, le dernier jour de la saison (2021-2022), Augustin Trapenard annonce qu'il part à la rentrés suivante animer "La grande librairie" (France 5), la pilule est amère pour Adèle Van Reeth qui n'ayant pas encore succédé à Laurence Bloch doit déjà adapter une grille pratiquement finalisée. Et c'est là que la grande tambouille se met en place. Jeu de chaises musicales et plus si affinités. Rebecca Manzoni accepte de prendre la case "au pied levé" pour "Totemic".

Le départ de Salamé de la matinale était un jeu de dupes. BFM/TV lui ouvrait les bras. Mais il s'agissait sûrement de faire durer le suspens des fois que tout puisse encore arriver. Et ce qui devait arriver arriva. Il n'aurait pas fallu que Anne-Sophie Lapix (France 2) quitte le 20h, que Caroline Roux (France 5) refuse de la remplacer et que devant ce vide sidéral Delphine Ernotte-Cunci n'ait plus "d'autres choix" que d'offrir à Salamé le siège du 20 h. Et bim ! Van Reeth accuse le coup et propose à Duhamel de co-animer la matinale avec Demorand. il n'y avait bien sûr aucune femme en interne qui puisse relever le défi. Pathétique et dégueulasse pour les journalistes qui pouvaient aisément remplacer Salamé qui elle-même venait de… la TV !

Le chien se mord la queue. Van Reeth aurait été astucieuse de nommer quelqu'un de moins connu qui aurait pu au fil des mois trouver toute sa place. Ce vedettariat absolu bride les marges de manœuvre de la radio et "impose" aux dirigeants de choisir la facilité en sur médiatisant les vedettes du petit écran. Il s'agit bien d'une faillite absolue de la pensée et de l'action. Pour garder sa position de leader France Inter est prête à tout et Van Reeth aux renoncements (1). Et à celui le plus sensible de l'égalité/parité hommes-femmes. Hier dans leur lettre ouverte à la Directrice les personnels dénonçaient : "Les sujets "sérieux" comme la politique, l’économie et la géopolitique incarnés par des hommes ; et aux femmes, la culture et les sujets de société."

On peut craindre une désaffection progressive pour ce binôme (binhomme) homme-homme. Rappelons que dans toute l'histoire de la radio, la seule matinale animée par une femme a été celle d'Amaelle Guitton sur Le Mouv' (2011-2013), choisie par Patrice Blanc-Francard, son Directeur. Quant à l'extension de la matinale jusqu'à 11heures, c'est encore par trop timide ! Poussez donc jusqu'à 14h. Puis après trois heures de divertissement pourra commencer la vespérale (17h/20h), puis de 20h à 22h les rediffs de l'après-midi. 

Dommage que la holding (France Médias) n'ait pas imaginé la fusion France Inter-France Info…

(1) Lettre à la Présidente de Radio France par la cellule d'investigation de Radio France (extrait) : "Il y a des renoncements qui ne disent pas leur nom. La décision de faire passer Secrets d’info d’une diffusion hebdomadaire à un rythme mensuel ne saurait être considérée comme un simple ajustement de grille. Ce changement constitue un affaiblissement clair de la seule émission d’investigation du service public de la radio." (in le Blog de Mediapart)

France Inter : lettre ouverte à Adèle Van Reeth, directrice, par les personnels de la chaîne…

À chaque fois qu'elle réunit le personnel d'Inter, (souvent suite à des crises internes et hors la fête de fin d'année), Madame Van Reeth fait des phrases avec "on va continuer tous ensemble à la réussite de France Inter". Sauf que, la culture dominante des dirigeants de Radio France c'est de la com' et des éléments de langage, loin des réalités que vivent les équipes. Un fossé de plus en plus large se creuse entre la Direction et celles et ceux qui font la radio au quotidien. Et qui se sentent de plus en plus désimpliqués sur la vie de la chaîne particulièrement sur ses programmes. Pour preuve c'est par la presse (La Parisien) qu'ils apprennent les changements, les arrivées, les départs pour la prochaine grille qui démarrera le 25 août. Certains de ces changements imposés par Van Reeth bouleversent l'esprit de la chaîne, donnent surtout l'impression d'une navigation à vue, en l'absence de toute incarnation. La chaîne est en grève illimitée depuis jeudi 26 juin…









Quelques extraits de leur lettre ouverte (à l'attention aussi de Sibyle Veil, Pédégère)
  • "C’est en lisant Le Parisien que nous, personnels de France Inter, découvrons les informations sur l’avenir de la chaîne et la grille de rentrée. Preuve supplémentaire du mépris de la direction qui n’a pas pris la peine de présenter son projet aux équipes. Une fois de plus, rhétorique et opération de communication priment sur le dialogue interne."

  • Pourtant, ça n’est pas faute de demander les grandes lignes d’un projet éditorial depuis maintenant trois ans. Jusqu’à présent, toutes nos questions sont restées sans réponse claire, lisible, susceptible de créer enfin un élan collectif et mobilisateur.

  • La réduction annoncée du périmètre de l’investigation et du reportage long format qui font la singularité de France Inter, l’affaiblissement de thématiques pourtant majeures telles que l’écologie, la diversité et le féminisme. La future matinale, de 7h à 9h, animée par un duo masculin. Les sujets "sérieux" comme la politique, l’économie et la géopolitique incarnés par des hommes ; et aux femmes, la culture et les sujets de société. La dépolitisation de l’humour. La disparition progressive de la voix des auditeurices à l’antenne,

  • Les personnels de la chaîne sont ouverts aux changements et conscients des contraintes budgétaires. Mais ils ont de plus en plus de mal à se reconnaître dans le virage pris par France Inter ces deux dernières années. Ce qui suscite un profond malaise." (1)

(1) Signataires : La Société des journalistes de Radio France, La Société des producteurices de France Inter, La Société des réalisateurices de France Inter. Avec le soutien du Collectif des programmateurices et attaché∙e∙s de production de France Inter (CPAP) et des technicien∙ne∙s supérieur∙e∙s du son de France Inter.

vendredi 27 juin 2025

Radio France : Marche ou grève…

Qui marcherait dans le pataquès pré-holding qui agite les audiovisuels publics et plus particulièrement Radio France qui - à juste titre - redoute d'être avalé dans le magma France Médias (holding) ? Si l'on ajoute à ça le rapport Bloch (1), ancienne Directrice de France Inter (2014-2022), vécu par les salariés de Radio France comme une trahison. La position très wait and see de la Pédégère Sibyle Veil. Les souvenirs de la casse de l'ORTF il y a pile 50 ans. Sont en place tous les ingrédients explosifs pour que les salariés n'aient d'autre recours que la grève (2).



Mais il n'y a pas que l'ombre de la holding qui plane sur Radio France. De nombreuses revendications portées par les syndicats de la Maison de la radio trouvent peu ou aucun écho auprès de la Direction : la disparition de Mouv', la diminution de fréquences FM, la réforme des modes de production, l'identité des locales (ICI, ex France Bleu), l'attaque des textes collectifs musiciens et journalistes,… 

L'intersyndicale diffusait ce jeudi matin sur Bluesky : "En raison d’un appel à la grève pour défendre Radio France, ses radios, ses métiers, sa production, ses formations musicales, et s’opposer au projet de holding de l’audiovisuel public, nous ne sommes pas en mesure de diffuser l’intégralité de nos programmes habituels. Et nous ne sommes pas désolés." L'intersyndicale ne serait pas plus désolée si auditrices et auditeurs rejoignaient les défilés partout en France. Leur soutien est précieux, leur présence indispensable. Qu'on se le dise !

Pour les saisons 75/76 et 76/77, Claude Villers animait sur France Inter (20h/22h), avec Monique Desbarbat à la réal,  "Marche ou rêve"…

(1) Mission d’accompagnement à la constitution d’une holding France Médias, Laurence Bloch, avec Thomas Cargill, inspecteur des finances, et Réda Wadjinny-Green, maître des requêtes au Conseil d’Etat, 37 pages avec les annexes, juin 2025,
(2) Avec mépris et désinvolture, Anne-Marie Gustave et Valérie Péronnet avaient publié (pour les 50 ans d'Inter), "La saga d'Inter. Amour, grèves et beautés", Pygmalion, 2013,

Le Lacrimosa du requiem des orchestres et du choeur de Radio France, feat. Charline Vanhoenacker

lundi 23 juin 2025

Radio & TV : disparition programmée des objets…

Cette disparition programmée - du poste de radio, du poste de télé - ne participe-t-elle pas de la banalisation des médias eux-mêmes ? Puisque maintenant tout serait dans tout et inversement. Dans un seul smartphone, une seule box, une seule plateforme. La radio s’écoutera et se visionnera sur un écran. L’écran accueillera des images, du son, du texte. Les plus anciens appelleront ça encore une TV. Désuet. La disparition du poste de radio, du tuner hi-fi, de l’auto-radio et du radio-réveil effacera le mot radio remplacé par le générique… audio. Ces mutations technologiques, sémantiques et linguistiques parachèvent la mue de l’audiovisuel. Si l’on ajoute à ça la perméabilité entre les espaces sonores et les espaces visuels que les professionnels traverseront sans frontière (et sans complexe), le tout sera vraiment dans tout et y prendra toute sa mesure. Noyées dans un magma numérique toutes les sources s'interpénètreront. La distinction et diffusion des sources audiovisuelles dans des canaux séparés seront alors bonnes à ranger dans l’armoire du temps… passé ! 














On assistera à la disparition progressive de l'espèce, des objets et de l'objet même de leur fonction… Alors que le moulin-à-café manuel de nos arrières grands-mères fera son office tant qu'il y'aura du grain à moudre, on pourra toujours écumer les puces de Saint-Ouen ou de Clignancourt, les vides-greniers de France et de Navarre, trouver ces objets laissera pantois l'acheteur car, une fois acquis, quid de l'écoute et/ou du visionnage ? Le réseau FM supprimé plus rien ne pourra parvenir dans le poste. Quant à la TV, sans télécommande, sans boîtier mural, sera-t-il possible d'obtenir des images d'"un autre temps" vu le format d'écran riquiqui ? Blessure définitive de l'histoire, le poste de radio ou de télé ne pourra même pas servir de déco, enterré par la société de consommation.

vendredi 20 juin 2025

Audiovisuel public : faire et défaire ou… cinquante ans de circonvolutions ! 1/2

Il y a cinquante et un an, jour pour jour, le 20 juin 1974, l'ORTF est en grève. Mais, à la différence de ce qui se passe aujourd'hui, au journal "Inter-Soir" (24') à 19h, 16' sont consacrées à la grève. Et, en premier, c'est le secrétaire CGT de l'ORTF qui intervient. On se pince. Aujourd'hui si les antennes sont en grève, les représentants syndicaux et ou les salariés ne peuvent intervenir à l'antenne pour faire part de la situation et exprimer leurs points de vue. Nous allons le voir, ce journal conservé par l'Ina, tente en donnant la parole à différents intervenants : hommes politiques et députés, à droite comme à gauche, de brosser l'état des lieux. Le feu couve (1). Ce 20 juin, le gouvernement de Jacques Chirac, Premier ministre, n'a que 22 jours. Ce jour-là Roger Chinaud remet son rapport sur l'ORTF. Personne ne le sait encore à l'Office mais, ses jours sont comptés…

Manifestation le 14 juin 1972,
place du Trocadéro à Paris,
contre le démantèlement de l'ORTF. Photo AFP










En décembre 1973, la commission de contrôle de la gestion financière de l’ORTF confie à M. Roger Chinaud, député (Républicains Indépendants), d’établir un rapport sur l'ORTF. Quatre mois plus tard, le 4 avril il est déposé et publié le 20 juin 1974. C'est sans doute la raison pour laquelle ce jour-là la Confédération Générale du Travail (CGT) a décidé de s'associer à la Fédération des Syndicats Unifiés (FSU) en grève depuis le 30 mai, pour durcir le conflit comme le constate Arlette Chabot, journaliste, dans l'archive INA présentée ci-dessus. André Sabas, le présentateur du journal, donne la parole au Secrétaire de la CGT, Pierre Noguera.

François Mitterrand, battu il  y a un mois face à M. Giscard d'Estaing, actuel président de la République, donne son point de vue sur l'ORTF. Il s'inquiète du flou qui s'installe sur les évolutions probables que le gouvernement va impulser, voire imposer, puisque jusqu'à maintenant ni le Premier Ministre, Jacques Chirac, ni le Président ne se sont exprimés sur le sujet !

Puis M. André Vivien (Union des Démocrates pour la République), Président de la Commission de contrôle, intervient longuement pour évoquer le rapport Chinaud. Il commence par annoncer qu'en séance plénière à l'Assemblée le débat aura lieu le 26 juin. André Sabas, le journaliste d'Inter, annonce que les députés ont voté la publication du rapport Chinaud, interviewé aussitôt à l'antenne.

Le JT de 20h du 20 juin, de la Première chaîne sans doute, présente MM. Chinaud et Vivien pour évoquer le Rapport. À cinquante-et-un an d'intervalle se rejoue l'avenir de l'audiovisuel public. Si le Gouvernement Chirac casse l'ORTF (2), le Gouvernement Bayrou s'apprêterait à la reconstitution de ligue dissoute, enfermant Radio France, France Télévisions et l'Ina dans une holding exécutive, France Médias…

C'est le 30 juin et le 1er juillet  2025, qu'est attendue au Parlement la discussion de la loi et le vote qui pourrait modifier la gouvernance des trois sociétés de l'audiovisuel public. Wait and see…

(1) Nous le verrons le 30 juin, dans la partie 2 de ce billet,
(2) Créations de sept unités indépendantes : Radio France, TF1, Antenne 2, France Régions 3, SFP, TDF, Ina,

mardi 17 juin 2025

Catherine Soullard : il est midi…

Il est midi, oui, mais à quelle heure ? Le 6 avril 1993 à 22h40 ? Le 15 juin 2024 à minuit 05' ? À ces deux heures-là, ces deux années-là, Catherine Soullard, productrice, nous proposait sur France Culture, dans les Nuits magnétiques (1), quatre digressions autour de cette heure de midi, réalisées par Bruno Sourcis. Dimanche matin, il était 5h30, le jour pointait et je me mis à l'écoute de ce temps de midi que Catherine avait bien voulu suspendre pour nous. Suspendu pour toujours ou pour quelques heures, à midi. Que l'angélus sonne. Que le soleil donne en plein comme l'a écrit Marie Susini. Que José Mauro de Vasconcelos nous raconte son bel oranger et que Giono peste en plein midi contre le poids du soleil. Alors je vais écrire et j'attendrai midi au soleil pour publier ce billet.











Un seul des épisodes de ces Nuits Magnétiques n'y suffit pas. Comment ne pas avoir envie de prendre "tout le midi" dans ses bras ? Comment ne pas avoir envie de raccourcir la course du soleil ? De rester de midi jusqu'à minuit ? De sa voix douce, Catherine Soullard pose, en rond, ses petits cailloux blancs de soleil. Là, sur la placette d'un village de Provence mais surtout dans nos imaginaires acquis au bon midi. L'angélus va sonner. Tout autour va vibrer. Et tout va pouvoir commencer.

Ça commence comme un florilège joyeux. Très vite avec les accents du midi. Ça chante dans les mots et ça sourit. On y est. C'est sûr. Même si on doit se taire quand on ne sait pas chanter les mots. Midi tremblant. Midi étouffant. Midi suintant. Le soleil pleine face. Le soleil chanté. Le soleil enchanté. Les airs ne manqueront pas de nous attraper au col ou au cœur de petites ritournelles charmantes. Catherine enfile les rayons de soleil comme d'autres les perles (de pluie). Elle sait trouver, à l'ombre douce des tumultes, les mots justes pour, même la nuit, sublimer le midi. "C'est l'heure du partage. Lumière hallucinante où les pierres vont parler, les arbres frémir et, où les esprits rôdent démoniaques ou fantomatiques, dans l'air tiède qui défaille. Midi l'excès. Tout est possible. Apparaître et disparaître…"

Et puis "midi, un petit choc psychologique dans votre vie. Midi n'a pas le même sens que les autres heures…". Alors samedi 21 juin à 4:41, ici il fera petit jour et ce sera le solstice. Lheure idéale pour se mettre à l'heure du partage. "J'écris, assis sur un banc de pierre, dans un bourdonnement vague, il est midi. Le soleil achève de tuer les lilas. Même les oiseaux ne s'affairent plus, ils ne chantent qu'à mi voix comme s'ils se parlaient à eux-mêmes, …" Merci Catherine.

Un petit cabanon










À midi, à Marseille "même celui qui fait rien, il s'arrête !…"

(1) Dans les Nuits de France Culture, ce 15 juin, sera rediffusé le 1er épisode "Le temps suspendu",

lundi 16 juin 2025

En fanfares et… sans fanfarons !

Pour entrer dans le bal de ce documentaire réalisé par Benjamin Hû, Jérôme Sandlarz, l'auteur a choisi, pour commencer, de nous faire marcher au pas et de nous mêler aux gens (d’armes). Comme par réflexe, j’ai tout de suite eu envie avec Boris (Vian) de chanter "On n’est pas là pour se faire engueuler, on est là pour voir le défilé". Un peu par provoc' bien sûr, face à ces militaires "si bien élevés" et si sérieux. Mais il est peut-être dans l’ordre des choses, et de l’histoire, de commencer ce documentaire par de la musique militaire (ça rime).


Bobby Lapointe









Après l'écoute des quatre épisodes qui balayent quelques genres de fanfare (des mineurs, des ferias, des beaux-arts, techno,…), si nous faisions un blind-test, il nous serait sans doute difficile d'en distinguer les différents types, sauf peut-être celles des militaires et des chasses à courre. Le découpage par thème par épisode (quelquefois deux genres au sein d’un même épisode) est peut-être un peu trop didactique ? Trop sage. Pour moi, la fanfare c'est débrider l'académisme de la "musique sérieuse". C'est beaucoup de joie, de folie et de liberté. Mais ce n'est pas le style de Sandlarz de fanfaronner. En nous faisant voyager de l’une à l’autre de ces fanfares, un grand mix aurait sans doute permis d’abolir les "frontières de genres", quitte à bien distinguer ceux-ci au fur et à mesure.

Le panorama proposé est riche et la diversité des musiciennes et musiciens éclectique et singulière.Tous les intervenants sont passionnants, enjoués et en forte empathie/symbiose avec la musique, leur instrument-fétiche, le groupe mais, nous aurions aimé plus les entendre jouer.  Même si dans le temps imparti il est difficile de trouver le bon équilibre, paroles et musiques…

Radio France : Fêtes, défaites… Fêtes défaites !

Le 12 juin (mais pourquoi pas le 12 mai ou le 12 mars) Radio France avait convié à 18h le personnel présent à la Maison de la radio, pour un genre de parade moderne que la société de radiodiffusion publique appelle la "Soirée Radio France". Qui, nous le verrons, cache mal la dé-fête, et met sous le tapis renoncements et dénis. La parade, le faux-semblant, l'artifice (sans le feu) sont le B.A-BA que la com' et les communicants tissent et retissent depuis plus de cinquante ans. Marcel Bleustein-Blanchet, avant guerre, avait décrété morte la réclame, inventant la publicité. Aujourd'hui, au kilomètre, les communicants font de la prose en le sachant. Même dans une "boîte" (1) comme Radio France, il faut faire croire au personnel que tout va bien quand tout va plutôt mal (2). Mais si jamais l'auditeur savait ? Qu'on en juge !




Dans un communiqué publié jeudi dernier, quelques heures avant la "fête", l'intersyndicale de Radio France dénonce :
  • Les risques sur l'indépendance éditoriale, sur la place de la radio de service public, sur les projets de filialisation de France Info et d'ICI et plus largement sur les risques concernant les conditions d'exercice de l'activité que ce projet nous réserve,

  • L'entreprise elle- même, ayant intégré ces pressions extérieures [diminution récurrente des budgets], se saborde en menant des projets contre l'intérêt des équipes

  • Les spécificités de la radio publique et de ses missions, sources de son succès sont aujourd'hui remises en cause : une production interne à 100 %, un savoir-faire incontestable dans le son au service de tous les publics, une information fiable et vérifiée, une qualité de l'offre musicale, etc,

  • Multiplication des projets de nature à affaiblir Radio France : la disparition de Mouv', la diminution de fréquences FM,  la réforme des modes de production,

  • La Direction fragilise l’identité même des locales en centralisant d’avantage les décisions, en imposant des contenus nationaux, en réduisant la part d’antenne spécifique en direct et en laissant moins de latitude aux équipes jusqu'à faire disparaitre de plus en plus de chroniques locales.

Le "surtout faire comme si" de Radio France prévaut, épargne les auditeurs d'appréhender l'envers du décor, impose les apparences faites de chiffres toujours plus mirobolants, cache les effets dévastateurs d'une mue autant sociale que sociétale, met sous le tapis dénis et renoncements et multiplie les tartes à la crème à coups de gazelle, de fêtes maquillage et autres promotions +++ de personnels venus de la TV (3).

On en est là. Le 30 juin l'Assemblée nationale examinera la PPL Lafon, soit la loi audiovisuelle qui, tel le Serpent De Mer n'en finit pas d'apparaître et de disparaître. À moins que Macron dissolve l'Assemblée, à moins qu'une panne d'électricité, à moins que la grève générale, à moins que le soleil n'ait rendez-vous avec la lune, à moins que la Seine ait débordée plus haut que les marches de l'Assemblée, à moins que…

Si les auditeurs savaient…

(1) Terme employé par Mathieu Gallet, le jour même de son arrivée à Radio France pour y prendre ses fonctions de Pdg en mai 2014
(2) On me pardonnera de ne pas citer les chiffres-paravent du producteur Collin, le faiseur de millions, sauf que : "le podcast «Ex...», porté et produit par l’animatrice Agathe Lecaron, s’impose comme une référence en France. Cinq ans après sa création, il a fidélisé plus de 30 millions d’auditeurs grâce à ses histoires d’amour marquantes" (in La Lettre de l'Audiovisuel, 5/12 juin 2025)

(3) Yasmine Oughlis quitte "La maison des maternelles" (France TV) après quatre ans dans l’émission, pour rejoindre France Inter au mois d'août. Elle y animera l’émission Grand bien vous fasse… Tout en gardant son émission "C'est ça la France" sur RMC Story (source Diverto, 12 juin 2025)

mardi 10 juin 2025

Veil-Ernotte dansent la carioca… mais moins bien que Darmon et Chabat !

Dans Le Monde (daté 8-9-10 juin), Gil Rof, journaliste, écrit : "La volonté de la Présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte-Cunci, de faire de France 3, un réseau de chaînes régional plus qu’une chaîne nationale avec des décrochage locaux…" Bigre, on ne se souvenait pas que dans notre folle jeunesse, qui se foutait du tiers comme du quart de la télé, FR3 était une chaîne régionale (1) "tenue en laisse" depuis Paris. Centralisme quand tu nous tiens ! Presque au même moment 35 des 44 antennes locales du réseau ICI (ex-France Bleu) signent des lettres ouvertes pour alerter leur direction d'une gestion trop "verticale" et d'une centralisation qui dépossèdent de plus en plus les locales d'une maîtrise totale de leur programmation. Et voilà le revival d'ICI… Paris ! Décentraliser/Centraliser le pas de deux des dirigeantes de FTV et Radio France laisse présager d'une future harmonie exemplaire pour gérer ICi (Oula !). Plus pathétique tu meurs ! 

Ça a de la gueule non ?










On en est là ! Mais inexorablement le "tunnelier" avance. Le tunnelier késaco ? La version moderne du rouleau compresseur. J'explique. Parmi ses premières annonces depuis qu'elle a été nommée pour la troisième fois consécutive Pédégère de France Télévisions, Delphine Ernotte a décidé d'accueillir les podcasts de Radio France sur la plateforme de France Télévisions. Quelle meilleure preuve d'un rapprochement pertinent entre radio et télévision ! Sauf que les revenus de la publicité accrochés à ces "milliards de podcasts" à qui iront-ils ?  On se souvient que Sibyle Veil, Pédégère de Radio France avait refusé à Majelan, l'ex-site de Mathieu Gallet, qui avait pour ambition de réunir podcasts publics et podcasts privés, de diffuser les podcasts de Radio France.

Mais attention, là on est entre gens de bonne compagnie… publique ! Et donc, tel le tunnelier dune holding/fusion, Ernotte avance pour rendre tangibles et… incontournables les collaborations de l'audiovisuel public, vues surtout depuis les intérêts de France Télévisions. Ce n'est que le début d'une pagaille monstre annoncée. 

Et quoi qu'il advienne de la PPL Lafon (proposition de loi du Sénateur Lafon pour une holding "France Médias") la fusion est en marche. En marche forcée mais en marche. Dernière minute, Madame Dati, aurait obtenu du gouvernement, la discussion de la loi entre le 17 et le 19 juin. Entre ces deux dates, le 18 juin serait favorable à Madame Ernotte à qui il ne resterait plus qu'à… faire l'appel !

(1) Chaîne de télévision généraliste française de service public à vocation régionale. C'est vrai que le "à vocation régionale" est lourd de sens et peut cacher les volontés jacobines du pouvoir,

lundi 9 juin 2025

Roland Dhordain : une façon joyeuse de faire de la radio…

Fallait oser ! Et, depuis ses débuts à la radio dans les années 50, Dhordain ose tout. La radio de nuit, les radios-vacances, France Inter Paris (Fip 514), "Les enfants d'Inter" et la découverte de tant de talents et de voix inscrites au panthéon radiophonique. En 1963, chargé de la réforme de la radio à l'ORTF, il baptisera les trois chaînes publiques : France Inter, France Culture et France Musique. Ses 24/24 sont bien 24h de programmes frais, Dhordain n'ayant jamais osé "repasser les plats "(rediffusions). En 1971, moins de six mois après la création de Fip 514, il va tenter pour la grille d'été un sacré coup.

Roland Dhordain, au micro…








Dhordain le futé (il a été scout) imagine que pour les 4 semaines d'août et la première de septembre (dites grille d'été) ce sont les équipes de Fip (les animatrices et le journaliste Jean-Luc Hees (1) qui vont prendre l'antenne de France Inter (soit genre 24/24 comme le disait le slogan!). Ça s'appellera France Inter Vacances (FIV). Je donnerai cher pour entendre à quoi ça a pu ressembler.

Joli coup éditorial. Et utilisation intelligente des potentialités maison. Une belle synergie aurait pu dire Jean-Luc Hees (2). Aujourd'hui, on n' imagine pas un seul instant que la Directrice d'Inter, Adèle Van Reeth, ait assez d'audace, d'intuition et de bon sens pour oser ça, et surtout faire une vraie grille d'été ouverte aux quatre vents, en tentant de multiples formats, de nouvelles voix voire de nouveaux genres ! Et oui le culot et la confiance de Dhordain en ses équipes ont fait des merveilles. Dhordain était un homme de radio !

(1) J'écris Jean-Luc Hees qui est bien, le premier (et le seul) journaliste de la chaîne à cette époque, mais sans savoir s'il a vraiment participé à ce F.I.V.. Mais Dhordain parlant d'équipe on peut le supposer !
(2) De 1990 à 1999, Hees animera à 18h sur France Inter, le journal de 18h et en suivant "Synergie" un genre de magazine à la Pierre Bouteiller en moins parisianiste !

jeudi 5 juin 2025

Un pied dans l'audiovisuel public, un pied dans l'audiovisuel privé : conflit d'usage ?

Où il est question de l'arrivée à la prochaine saison sur France Inter, du journaliste Benjamin Duhamel, dans la matinale, pour l'interview politique de 7h50. Le journaliste conserverait toutefois la présentation de "Tout le monde veut savoir" sur BFM -TV (du lundi au jeudi). Les syndicats (1) de Radio France (CGT, CFDT, FO, SNJ, SUD, UNSA) ont publié hier soir un communiqué qui stipule : "… la rédaction a massivement exprimé au directeur de l'information [Philippe Corbé, ex-BFM] son opposition à ce cumul inédit pour France Inter" .

Wladimir Porché










Le communiqué poursuit : "Quid des conflits éditoriaux pour ce potentiel futur collègue, appelé à officier le soir comme tête d'affiche d'une antenne concurrente de celle dont il sera l'incarnation le matin-même, à une heure d'écoute stratégique ?… Comment dès lors la direction pourra-t-elle continuer à refuser à d'autres journalistes ou producteurs de Radio France de travailler en même temps pour des concurrents privés, alors qu'ils sont tous jusque-là tenus d'obtenir l'autorisation de la direction pour toute collaboration extérieure, même bénévole ? Des questions de fond qui, au milieu du siècle dernier, avaient été tranchées radicalement.

En 1955,  Wladimir Porché, Directeur (1946-1957) de la Radio-Télévision-Française (RTF), prend la décision d'interdire aux journalistes et aux animateurs d'émissions de radio de la RTF (1) d'avoir en parallèle la même activité sur les radios privées (Radio-Luxembourg, future RTL, Radio Monte-Carlo, Europe n°1), et donc, impérativement de faire un choix entre radio publique et radio privée.

Robert Beauvais qui anime sur "Paris-Inter", "Dimanche dans un fauteuil", travaille aussi en parallèle pour Radio-Luxembourg. Contrit et contraint, il choisit la radio privée. Il faut lui trouver un remplaçant. Jean Chouquet, réalisateur, présente à Paul Gilson, Directeur de la radiodiffusion, José Artur à qui sera confié l'animation de "Dimanche dans un fauteuil". Ce sera la première expérience de José au micro (3).

(1) Texte également soutenu par la Société des réalisateurs de France Inter (SDRI) et le collectif des programmateurs et attachés de production de France Inter (CAP),
(2) Idem pour les journalistes et animateurs télé qui ne peuvent exercer en même temps les mêmes fonctions dans les radios privées,
(3) iI avait commencé par être l'assistant de Jean Chouquet.

mercredi 4 juin 2025

La fin des ondes… La fin d'un monde !

"Un siècle après l’arrivée de la télévision sur la TSF, la transformation de l’audiovisuel s’accélère en basculant de la diffusion par voie hertzienne vers le tout numérique sur les réseaux filaire désormais, le public fait sa propre programmation au risque de s’y perdre." Voilà comment Le Monde, dans son édition datée du 3 juin 2025, introduit un long article de Charles de Laubier, intitulé "Audiovisuel : l'adieu aux ondes".



Ouf ! Nous voilà "rassurés" l'adieu aux ondes concerne aussi la télévision et il n'y aura donc pas que la radio à avoir des regrets éternels. Ce que nous écrivons modestement depuis quelques années est donc validé par un état de fait de société pour lequel les politiques se sont contentés de "voir passer le train". Le mouvement, on peut même dire la révolution, est engagé depuis les années 80.

"Que de chemin parcouru depuis le démantèlement, il y a un demi-siècle de l’Office de Radio diffusion-Télévision Française (ORTF), cet établissement public qui concentrait le monopole d’état de l’audiovisuel et s’appuyait sur les infrastructures hertziennes de la TSF. Mais il a fallu attendre la loi du 29 juillet 82 proclamant, la "liberté de communication audiovisuelle" promise par François Mitterrand. La fin de l’ORTF - du monopole - a été marquée par la multiplication des émetteurs, diffuseurs et producteurs de programmes audiovisuel et des innovations, raconte Jean-Jacques Cheval, professeur émérite des universités. L'arrivée d’Internet et celle de la TNT ont joué de grands rôles, mais celui de la télécommande a aussi permis le zapping, qui a lui-même changé le langage télévisuel." (1)

La tyrannie progressiste de l'informatisation-numérisation a fini par reléguer la diffusion hertzienne au rang des antiquités. Les auditeurs-téléspectateurs organisant, à façon, leurs programmes, sans grille, sans contrainte temporelle et sans continuité formelle. The dream is over. Le rêve est fini de se laisser porter par une succession de programmes qui, si son/sa responsable était qualifié(e) donnait lieu à de nombreuses découvertes. On passe de la politique de l'offre à celle de la demande, ne se laissant plus porter par l'inattendu, l'in-entendu. La plateformisation devenue l'alpha et l'oméga du développement audiovisuel.

Wolfgang Ernst, (2) dans le même journal, sous le titre "La radio et a télévision ont perdu leur âme en tant que techniques autonomes" dit : "…Il existe une beauté particulière propre à la radio sans fil du point de vue de la philosophie des médias, être "dans les airs" [on air] renvoie à cette forme de beauté, voire de spiritualité de l’immatériel…" Comme c'est bien dit. Seulement avant que l'Organisation Mondiale des Geeks Acharnés (OMGA) ne s'en rende compte on sera peut-être revenu dans la grotte Chauvet, dessinant au charbon de bois des petits rectangles de plastique surmontés d'une antenne, devant lesquels les spéléologues du troisième millénaire, en larmes, se pâmeront en chœur.

La radio a perdu son âme dans un long processus engagé depuis 2014. À coups de dénis et de renoncements irréversibles…

(1) Le Monde, "L'adieu aux ondes", Charles de Laubier, 3 juin 2025
(2) Professeur à l'université Humboldt de Berlin, est l'un des principaux théoricien de l'archéologie des médias, 

lundi 2 juin 2025

Lundi 2 juin 1975… Radio France

Je me suis souvenu qu'il y a cinquante ans le 2 juin était aussi un lundi. Ou plutôt je me suis souvenu qu'il y a cinquante ans Radio France avait à peine six mois. Si les gens qui dirigent Radio France aujourd'hui avaient un tant soit peu d'amour pour la radio, au lieu de faire des ronds de jambe en début d'année, ils auraient pu/du prévoir, pour l'été une programmation spéciale pour Inter, Culture, Musique et Fip. Faut pas rêver ces gens-là n'en ont rien à faire de l'histoire, des voix et des émissions qui ont fait le patrimoine radiophonique de la radio publique. Tout à leur affaire de plateforme, de podcasts et de réduction des moyens de production, ils roucoulent devant des chiffres, dansent la gigue sur Mediametrie et appliquent à la serpe la diminution de la masse salariale, sans complexe, sans l'ombre d'un doute et surtout sans âme. Avoir confié à des managères de moins de cinquante ans la gestion de ce service public audiovisuel, c'était pour les pouvoirs publics l'occasion d'en finir avec la création radiophonique et des formes trop élaborées de radio. De faire entrer aux forceps la radio dans un conglomérat où sa singularité serait définitivement diluée pour ne pas dire rayée de la carte.
















France Inter, 2 juin 1975
Claude Guillaumin : 8h30, la revue de presse. Pierre Bouteiller : 9h, le magazine. Jean-Pierre Elkabbach : 13h, le 13/14. Jacques Chancel : 17h, Radioscopie (Léopold Sedar Shengor). Claude Villers, : 20h, Pas de panique. Patrice Blanc-Francard : 22h, Cool. José Artur : 23h, Le Pop-Club. Madeleine Constant : 1h, Aujourd'hui c'est déjà demain. Jean-Louis Foulquier, 2h, Studio de nuit.
(Exceptées Anne Gaillard (Inter Femmes), Eve Ruggieri  et Liliane Bordoni (Les panthères roses), Madeleine Constant, les femmes sont rares en semaine. Ce qui n'est pas le cas le samedi et le dimanche dans L'Oreille en coin)

France Culture, 2 juin 1975
Pierre Sipriot : 9h, Les lundis de l'histoire. Pierre Lhoste : 11h30, un quart d'heure avec… Jacques Duchâteau : 12:45, Panorama culturel de la France. Françoise Malettra : 13h30, Les après-midi de France Culture. Edith Lansac : 18h30, Réflexion faite. Lucien Malson : 22h30, Black and blue.
(Pas mieux pour la présence des femmes à l'antenne)

France Musique, 2 juin 1975
Philippe Caloni : 8h35, Au programme cette semaine. Claude Maupomé : 13h30, Les intégrales. Lucien Malson : 18h30, Le club du Jazz - Visages du jazz. Jean Fontaine : 1h30, Nocturnales.
(Pas mieux pour la présence des femmes à l'antenne)

















Quant à Fip, que des femmes à l'antenne. Et même si j'ai bien en tête le feuilleton de Gilles Davidas, sur les 40 ans de Fip (2011), "Vous avez loupé Marie-Martine", il est très difficile de nommer les animatrices qui étaient à l'antenne ce jour-là. Simone Hérault, Isabelle Dutilh Lafrance, Marie-Marine Bisson, Claudine Giraud,… ?

(Source programmes, Radioscope)