lundi 30 juin 2025

Audiovisuel public : faire et défaire ou… cinquante ans de circonvolutions ! 2/2

Dans mon précédent billet, nous en étions à ce jeudi 20 juin 1974. Le gouvernement de Jacques Chirac, Premier ministre, n'a que 22 jours. Ce jour-là Roger Chinaud remet son rapport de trois-cent-cinquante pages sur l'ORTF. Personne ne le sait encore à l'Office mais, ses jours sont comptés… Concordance des temps : le lundi 16 juin 2025, Madame Laurence Bloch, remet son rapport à Madame Dati, Ministre de la Culture sur ce qu'il convient d'attendre de la holding France Médias (1). Le 3 juillet (le gouvernement a 35 jours), Jacques Chirac annonce "la fin de l'ORTF". L'onde de choc est violente.

Jacques Chirac
 










Quelques jours avant, le 26 juin, le débat est soutenu à l'Assemblée nationale, sur le sujet de l'ORTF et le rapport Chinaud qui sera publié à la suite. 3 juillet 1974, Conseil des Ministres. " "L’ORTF sera supprimé. » dit Chirac, « On s’attendait à une réforme, c’est une révolution », s’exclame Claude Durieux dans Le Monde. Le schéma retenu, celui de la suppression de l’ORTF au profit de six sociétés et établissements (2). Selon les acteurs de l’époque, Valéry Giscard d'Estaing a joué un rôle déterminant dans la conception d’une réforme qui avait pour lui un caractère hautement symbolique. Pour le nouveau pouvoir, la suppression de l’ORTF, c’est la disparition d’un sigle lié au régime gaulliste. Et la loi du 7 août 1974 incarne les principes du libéralisme dont se réclame le nouveau président : libéralisme économique, politique et idéologique." (3)

Le 13 juillet 1974, le projet de loi réorganisant la radio-télévision française a été examiné à l'Élysée par un conseil interministériel restreint présidé par M. Valéry Giscard d'Estaing, Président de la République. Dans son édition datée du 16 juilet 1974, Le Monde écrit : "Semaine décisive pour l'O.R.T.F. Le gouvernement soumet au Conseil d'État son projet de réorganisation de l'audio-visuel. Le conseil des ministres le discutera mercredi avant de convoquer le Parlement en session extraordinaire le 23 juillet. Le président de la République le commentera au cours de la " réunion de presse " qu'il doit tenir le 25 juillet."


Le 28 juillet 1974, à la majorité de 289 voix contre 186 sur 475 votants et 475 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté par scrutin public. Puis la séance est suspendue en attendant le vote du Sénat. En début d'après-midi, ce dernier adopte sans modification le texte de loi relatif à la radiodiffusion et à la télévision, qui prend ainsi force de loi. Le 7 août 1974, la loi sera promulguée.


Le 2 janvier 2025, pour "La revue des médias" de l'Ina, Sophie Bachmann écrit : "La lettre adressée le 16 janvier 1975 aux présidents des nouvelles sociétés de programme par Valéry Giscard d'Estaing nous donnerait-elle une des clés de la réforme ? Celui-ci exprimait en conclusion un vœu personnel : « De même que l’art a toujours rempli une double fonction de recherche et de délivrance, de même l’immense moyen de formation, d’information et de distraction que vous allez gérer, peut-il offrir, à côté de la rencontre indispensable avec le réel, beaucoup d’imagination et un peu de délivrance. »


Délivrance ! Giscard dEstaing aurait donc offert aux actrices et acteurs de l'audiovisuel public "un peu de délivrance". Pas sûr que la future loi audiovisuelle délivre les mêmes de quoi que ce soit, voire peut-être les enferme même dans un magma indéfini où chacun des partenaires aura fini par se désingulariser.


***


Le dimanche 5 janvier 1975 vers 23h58, Madeleine Constant, sur France Inter, annonce "la fin de l'ORTF" et dès minuit, le lundi 6 janvier, la naissance de Radio France. Souhaitons que le 5 janvier 2026, Radio France soit toujours à l'antenne et non pas dans la con-fusion de la holding France Médias…


(1) Regroupant Radio France, France Télévisions et l'Ina,

(2) À l'origine du texte qui finira par être amendé, seulement six sociétés sont crées (Radio France, TF1, Antenne 2, France Régions 3, SFP, TDF), l'Ina sera donc ajoutée in-extremis mais rien en ce qui concerne le "Service de la Recherche -ORTF" dirigé par Pierre Schaeffer,
(3) La suppression de l'ORTF en 1974. La réforme de la "délivrance", Sophie Bachmann, Vingtième siècle. Revue d'histoire. Année 1988. 17. pp. 63-72

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