L'avantage du livre que Mathieu Gallet vient de publier (1), comme le shampoing, vous en avez deux pour le prix d'un. Le premier insipide, prétentieux, bavard. Le second insipide, biaisé, voulant à tout prix refaire l'histoire. La sienne. Celle du prince déchu, révoqué par le CSA en janvier 2018. Ce mot même de "révoqué" pas une seule fois cité au cours des trois-cents-dix-neuf pages du livre. Un véritable déni des faits et de la réalité.
Livre I : le vide sidéral
Gallet, sûrement pour tenter de donner corps à son récit, s'est cru obligé de raconter par le menu sa petite histoire personnelle. Familiale, amoureuse, banale. N'hésitant pas à étaler à gros trait une culture toute droit sortie d'un pot de confiture ! "…Comment ce Parisien [Olivier Schrameck, président du CSA, ndlr] avait pu s'enticher d'un Rubempré monté à la capitale depuis son Lot-et-Garonne natal." Rubempré pas moins. Habile référence à Balzac et ses Illusions perdues. Des fois que Gallet aurait perdu les siennes !
Je vous passe le chapelet de références du même tonneau. Sauf cette perle. Deux membres du CSA (Schrameck et Bienaimé Besse) ne peuvent assister à la désignation de son successeur à la Présidence de Radio France. "C'est la malédiction de Rascar Capac qui s'abat sur le CSA", répondais-je avec mes références enfantines (sic) aux Aventures de Tintin à ceux qui faisaient remarquer que mon éviction par le Conseil n'avait pas porté chance à ses auteurs." Non seulement Gallet est révoqué mais il aurait des supers pouvoirs de marabout.
Idem pour sa référence très people (page 186) imaginant que Ph. Villin (ex DG du Figaro) "aurait pu jouer le septième membre des Village People". Du Rubempré aux Village People voilà des raccourcis culturels qui en disent long !!!!!
Quant à La rumeur, la remettre en avant en fait le jeu, au point d'en désespérer Billancourt et ses faubourgs.
Livre II : le déni
L'éditeur (Bouquins) dont l'objectif est de vendre n'a pas hésité à ajouter autour du livre le bandeau rouge "La vérité sur une affaire politico-médiatique" La vérité ? Quelle vérité ? Celle de Mathieu Gallet qui refait l'histoire pour réfuter, pied à pied, le jugement du tribunal correctionnel de Créteil (2), sans aucun contradicteur ?
Le 15 janvier 2018, le tribunal correctionnel de Créteil rendit sa décision. "J'étais reconnu coupable et condamné à un an de prison avec sursis et 20 000 euros d'amende pour favoritisme." (3). Le 29 janvier 2018, le CSA auditionne le Pdg de Radio France. Le 31 janvier le CSA à l'unanimité de ses membres révoque Gallet (4). Le Pdg affirmant que le gouvernement aurait fait pression sur ledit CSA pour le démettre de ses fonctions. Voilà donc le fameux "politico-médiatique" annoncé par l'éditeur.
Que Gallet réfute les motifs de sa révocation c'est une chose. Mais qu'il conteste la décision du tribunal en est une autre. Dans tous les cas le CSA, lui, ne pouvait en réfuter le jugement et se devait prendre la décision qui s'imposait d'elle-même avec ou sans les pressions du Gouvernement.
Radio France c'est moi !
Quant au compte-rendu que fait Gallet des vingt-huit jours de grève à Radio France en 2015, c'est juste pitoyable. Cela montre surtout ses piètres qualités de manageure de moins de cinquante ans. Enfermé dans ses certitudes, persuadé d'avoir la méthode pour faire évoluer Radio France dont rien ne pourrait l'en détourner. Suffisance et fatuité sont mauvaises conseillères.
Pour finir on notera qu'aucune page du livre ne fait référence à la culture radio de Mathieu Gallet. Il refait encore l'histoire à sa façon quand il évoque les programmes des chaînes de Radio France. Lui qui dès sa prise de fonction avait confié l'éditorial à Frédéric Schlesinger et qui balayait d'un revers de main tout ce qui concernait les programmes. On notera avec quelques sourires ironiques cette assertion "Nagui, que j'avais convaincu de rejoindre le service public, avait su conquérir le public." Ben voyons Léon !
Schlesinger n'est plus jamais cité, ni même reconnu pour sa part dans les succès d'audience de plusieurs chaînes de Radio France. Gallet, ne doutant de rien se les attribue sans vergogne. Nous verrons demain comment avec ce livre, dans les médias et à Radio France, il compte bien, non seulement s'attribuer tous les succès, mais peut-être aussi faire des appels du pied lourdingues pour rappeler qu'il existe dans son (étroit) détroit de Majelan (5).
(1) "Jeux de pouvoir", Bouquins, 2022 ,
(2) "en tant qu’ancien président de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) il était jugé pour « favoritisme », soupçonné d’avoir commandé environ 400 000 euros de prestations à deux sociétés de conseil sans avoir respecté les règles des marchés publics. ", Alexandre Piquard, Le Monde, 17 novembre 2017,
(3) in op. cité page 264
(4) "Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a décidé, mercredi 31 janvier, de retirer à Mathieu Gallet son mandat de président de Radio France. A la question « Mathieu Gallet est-il en capacité de continuer à diriger pleinement Radio France ? », les sept conseillers ont répondu par la négative. La décision prendra effet le 1er mars 2018.", Le Monde, 31 janvier 2018.
(5) Plate forme de podcasts.
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