vendredi 29 juillet 2022

Le grand mélangement… C'est peut-être un détail pour vous !

Vous me pardonnerez ce barbarisme de "mélangement" mais vous allez assez vite comprendre où je veux en venir. Au titre des multi-rediffusions en tout genre auxquelles les chaînes publiques nous habituent - le jour même, le lendemain, quelques années plus tard - il est devenu de "bon ton" (mauvais ton) à Radio France de minorer au maximum ses sources. Sauf bien sûr quand Inter rediffuse Inter, Culture Culture etc…

Jeanne-Martine Vacher









Seulement voilà quand France Musique rediffuse France Culture la tentation est grande d'escamoter à l'antenne la source. Pourquoi ? Quelle honte pourrait-il y avoir à citer une radio de la Maison (de la radio) ? Est-ce que ce n'est pas plutôt une façon (indélicate) et mal dérobée de montrer qu'on aurait préféré faire appel à une de ses propres archives ? Et qu'on à pas trop envie de faire la promo de la chaîne voisine - France Culture - qui a longtemps produit des émissions musicales de qualité ?

Ce sont des hypothèses probables, plausibles mais qui pourraient apparaître anecdotiques s'il n'y avait pas derrière cette pratique…un loup. Un loup aux longues dents très acérées. Si Françoise Monteil, productrice de l'émission "Les trésors de France Musique" (sic) cite bien pour l'émission du jeudi 28 juillet sur Nina Simone, l'archive de "Décibels de Jeanne-Martine Vacher", à aucun moment à l'antenne France Culture n'est citée (1). Pas plus lors de la désannonce. Cette émission d'archives d'une heure propose 45' du programme de France Culture agrémenté, à suivre, de quatre chansons de Simone ! De quoi nous faire tristement regretter "Les greniers de la mémoire" de Karine Le Bail.

Quel loup ? Celui qui consisterait à terme à ne plus distinguer la production radiophonique publique, chaîne par chaîne, en les rassemblant sous une chaîne unique - lire plateforme unique - . Les "anciennes" chaînes alors reconnues visuellement par des pastilles de couleur ! "Vous écoutez Radio France…". Ce n'est pas parce que je l'ai écrit il y a déjà longtemps que c'en est devenue une obsession ! C'est juste une analyse fine des nouvelles modalités de diffusion testées régulièrement avec ce type de pratique. Tendant à fondre (mélangement) tout dans tout et inversement (2). Et surtout de "ne pas embêter l'auditeur avec ça !". Ça ? Les sources, les origines, les identités radiophoniques.

Ce qui pourrait donc apparaître comme anecdotique et/ou discourtois est bien plutôt un système, une technique de production et la préfiguration de ce qui nous attend à moyen/court terme. Qu'on se le dise !

À bon entendeur, salut !

(1) La référence avec la chaîne apparaît sur la page de l'émission,
(2) J'ai même entendu Jean Lebrun sur Inter dans "La marche de l'histoire" cité Emmanuel Laurentin sans citer ni la chaîne, ni l'émission (La Fabrique de l'histoire, France Culture). Un historien aussi précis que Lebrun répondait donc par là aux nouvelles façons de traiter les archives quand elle viennent d'une chaîne… concurrente et néanmoins "cousine, amie, de la Maison…"

lundi 25 juillet 2022

Sur le banc… La French connection !

Tôt matin. Seul sur mon banc à la bonne ombre d'un platane centenaire. Il s'agit juste de mesurer le silence entrecoupé des morceaux de vies qui s'éveillent. Il s'approche d'un pas lent et assuré. Un regard circulaire pour embrasser toute la place. Il va s'asseoir. Il s'assied. À côté de moi. C'est sûr il va parler. Il va parler car il a dit bonjour en premier. Un bonjour accentué de soleil. Je souris. Et ose "Vous allez me raconter une histoire…"



Il raconte. En me fixant bien dans les yeux. Je ne peux pas en perdre une miette. Il a beau être Marseillais son récit est sans fioriture. Pas de roucoule, pas de galéjade. Un récit pur et quelques bons mots pour le relief. Milou est sobre et honnête. Brut et fier. Vaillant. Il aurait pu me raconter avec la même franchise son parcours de berger. S'il avait été berger. De vagabond. S'il avait été vagabond. De moine s'il avait été moine. Mais voilà il a fait truand. Il le raconte bien. Par le menu. Avec la faconde nécessaire pour se laisser embarquer…

Il tient le fil sans ciller. La place est plus bruyante. Il s'est rapproché. On voudrait que l'histoire ne s'arrête jamais…


"Le trafiquant", série en huit épisodes (126') à retrouver sur Arte radio

jeudi 14 juillet 2022

14 juillet, se défiler… avec Ferré !

Des fois faudrait éviter de rapprocher des dates. 14 juillet 1993/14 juillet 2022. Presque trente ans que Léo a mis les bouts avec une belle pirouette révolutionnaire, laissant dans son sillage un feu d'artifice de chansons et de textes sans compromission. Alors que les responsables de programmes courent toute l'année après l'éphéméride, il semble bien que cette année (et d'autres) Léo soit aux abonnés absents… Ah et puis les "spécialistes" (auto-proclamés) de la chanson sont tous en vacances… Léo se fait de plus en plus rare sur les ondes, excepté Fip qui sait lui faire quelques clins d'œil réguliers.

©Pullmann



 










Pourtant un 14 juillet, Léo nous donne l'occasion opportune de nous défiler. "On n'est pas là pour se faire engueuler…" On est là pour écouter Ferré… Et peut-être se souvenir ou découvrir ses paroles qui dans "Monsieur Barclay" disent la radio des années 60 :

"Monsieur Barclay m'a demandé :

Léo Ferré, j´veux un succès

Afin qu' je puisse promotionner

A Europe1 et chez Fontaine

Et chez Lourier et chez Dufresne

Et moi, pas con

J'ai répondu :

Voilà patron

Ce que j'ai pondu ! " (1)

Cette nuit, France Culture a rediffusé, excusez du peu une émission de 1957 ou Ferré s'entretient avec Philippe Soupault et où Poiret et Serrault, à leur façon, présentent la chanson et la poésie de Ferré. Un Léo à la voix maniérée, exagérée même, qui se cherche et qui va vite se trouver… On retrouve aussi Madeleine Ferré qui lit les poèmes/chansons du Léo encore assez timide et réservé…

Et puis, si vous aussi vous ne voulez pas vous défiler, vous retrouverez Ferré  et , où les deux compères Laurent Valero et Thierry Jousse rendent hommage au poète inspiré. 


 


(1) Lourier et Dufresne officient à France Inter.

lundi 4 juillet 2022

Badaboum ! Pif ! Paf ! Pouf ! France Inter part en live…

J'aurais pu intituler ce billet "Les souris dansent" (1) mais le chat était là. Les deux chats même. Bloch, l'ancien, le nouveau Van Reeth. Respectivement directrice de France Inter jusqu'au 31 août et directrice dès le 1er septembre… J'écris "Les souris dansent" car il semble bien qu'aux annonces de fin d'émission, de retours à la rentrée, se soient vite superposées d'autres annonces et quelques stupéfactions. Enfin un peu d'humanité et de spontanéité dans une radio qui, années après années, a fini par lisser, normaliser, formater l'impertinence, la fantaisie et la joie de vivre. Tout ça au cordeau et au médiamètre en forme de boussole ! Ajoutez la com', la com' et la com', il est alors évident de dire que France Inter y a laissé son âme ! Pour fabriquer des produits, des podcasts, des mesures d'audience et une absence infinie de rêve (2).
















Vendredi 1er juillet, 9h07, Boomerang, France Inter,
C'est la "dernière", à cette heure-là…  après huit saisons. Boomerang devrait revenir à la rentrée. Réaménagée, réinterprétée. Émission émouvante et forte. "Finir" c'est dur. Tant, "faire de la radio ça occupe toute la vie" (dixit Kriss). Quel que soit le format ou la chaîne. Ce temps de création radiophonique monopolise le corps et l'esprit. Enfin, si on s'y engage. Si on pousse un peu plus loin le bouchon qu'accueillir des invités à la pelle (et à la pioche des fois !). AugustinTrapenard poussait loin sa sensibilité vers les autres. Une dose de glamour, une dose de nostalg', une dose de pop', une dose de larmes, une dose de fous-rire… Le shaker bien secoué il lui revenait chaque jour entre les mains.

Tant de départs subis,
Si Trapenard a pu "à la dernière minute" (en cours de journée semble-t-il) choisir de ne pas poursuivre Boomerang mais de rester fidèle à Inter, combien ont vu au fil des années, et sûrement depuis que la radio existe devoir "du jour au lendemain" (3), quitter l'antenne et se retrouver désemparé-e-s, inutiles, démuni-e-s. La liste serait longue et tragique. Personne n'est propriétaire de sa case, ritournelle connue. N'empêche l'addiction au micro, au rythme, à l'adrénaline que procure d'être à l'antenne ne peuvent pas disparaître sans laisser de "traces"…

Une nouvelle page va s'écrire ou pourrait s'écrire… si seulement,
Il semble bien que la grille préparée par Adèle Van Reeth (et supervisée par Laurence Bloch) va créer quelques surprises. Après huit ans il était temps de faire quelque chose pour le 9/10. Allonger la matinale d'une demie-heure pour une partie magazine, c'est pas nouveau ! Proposer à Rebecca Manzonni d'accueillir des "personnalités" de la culture (9h30/10h) peut se révéler intéressant tant elle rendait captivante "Éclectik" (2004-2006).

Mais pour susciter de l'intérêt, sortir du ronron et tenter d'attirer un nouveau public, il faudrait se séparer de l'animateur TV qui, de 11h à 12h30 roucoule et use une formule plus du tout, mais plus du tout originale. Rappelons que le 11/12h30 date de 1982 avec l'extension d'une demie-heure du "Tribunal des flagrants délires". Soit la bagatelle de quarante ans. S'agirait d'oser et sortir du syndrome "audimat". Wait and hear !

(1) Émission nocturne de Serge Le Vaillant, France Inter 1994-1997,
(2) Pierre Wiehn, ex-directeur d'Inter (1973-1981) : "Je me suis un peu occupé d'Inter à une certaine période, donc si mon propos a un côté moisi, je m'en excuse tout de suite. Il y a aussi un domaine dont on n'a pas parlé faute de temps, c'est le rêve. C'est toujours un peu bêta, mais il se trouve que l'auditeur est un créateur à sa manière. Il suffit de lui donner le cadre, la musique, le fond, le décor, appuyer sur un bouton ou deux et, à ce moment-là, il devient co-auteur. En attendant d'être l'auteur principal [applaudissements chaleureux].  (Rencontre Scam 27 septembre 2016)

(3) L'émission d'Alain Veinstein "Du jour au lendemain" supprimée brutalement de l'antenne début juillet 2014, sa dernière émission pré-enregistrée, censurée par France Culture,

dimanche 3 juillet 2022

Yann Paranthoën, le roi Fausto et sa Petite Reine…

Depuis le 1er juillet et, depuis trois jours, le Tour de France (109è édition) pelotonne au Danemark. Ce qui pourrait être une épopée semble bien être devenue au fil des ans une compétition sportive, très produite, comme on dirait en radio ou en TV, mais dont la part de lyrisme a disparu. Le lyrisme des suiveurs (de presse, de radio, de tv) quant au lyrisme des écrivains ((Fournel (1), Blondin, Nucera, Buzzati, Fottorino,…) soit il s'est tari, soit plusieurs de ses protagonistes sont morts, les vivants ne faisant plus de bonds de cabri à suivre les étapes à la télévision. Ce soir à 22h, France Inter diffuse par l'entremise d'Antoine Chao, deux documentaires de Yann Paranthoën sur Fausto Coppi…

Les bandes magnétiques…
originales











Les vieux briscards de la bicyclette, les passionnés de sons et de documentaires, les connaisseurs de l'œuvre de Yann Paranthoën se pincent. Se pincent grave (ou aigu c'est selon). Les filles de Yann (ses ayant-droits), Armelle et Gwenola, ont confié à Antoine Chao plusieurs bandes magnétiques (dont certaines "Prêt À Diffuser/PAD") sur le Campionisimo italien de la bicyclette, Fausto Coppi. Cela fait plusieurs années que le travail de documentariste de Paranthoën manque à nos oreilles. Manque en rediffusions et manque en inédits.

Alors ce soir est un grand jour… à défaut d'être le grand soir ;-). Vous entendrez deux pièces. "Les funérailles de Fausto Coppi" (45'47") et "Le vélo de Fausto" (26'26"). J'ai pu écouter ces deux documentaires. Dans les deux cas la "patte" de Yann est là. On retrouve le sculpteur de son. L'accordeur de voix. Et le plaisir d'entendre celle de Claude Giovannetti, qui a longtemps travaillé aux côtés de Yann, traduire en français les paroles de la famille de Fausto. Les amis du champion, les journalistes et quelques anonymes reconnaissants et admiratifs de l'homme autant que du champion. Quelquefois enregistrée vingt ans après sa mort (janvier 1960) la mémoire des témoins est intacte. Fausto discret n'en brille pas moins au Panthéon du cyclisme européen et d'abord italien. Yann, hors tous les clichés et les poncifs autour du vélo nous fait partager l'intime, l'effort et l'humanité des champions qu'il a admirés. 

Vous entendrez les témoignages de Christian Rosset (2), Claude Giovannetti, Laure Adler, Michel Creïs, Andréa Cohen, Armelle Paranthoën, Bertrand Durand, technicien son de Radio France qui a commencé sa carrière auprès de Yann Paranthoën, Daniel Mermet…

Les amateurs du Tour de France et/ou de Yann Paranthoën se souviennent de "Le Tour de France 1989 de Vincent Lavenu, dossard 157" (3). Épopée époustouflante à plus d'un Tour et même à plus d'un titre. Pour rédiger ce billet je me suis entretenu avec Claude Giovannetti. Elle m'a appris que ce "Fausto Coppi" devait faire partie d'une "Galerie de portraits des vainqueurs du Paris-Roubaix" (4). Et que depuis 1981,Yann avait  rencontré (jusqu'en 2004), d'anciens coureurs (5), des journalistes ("certains journalistes étaient des monuments" dixit Giovannetti). La "collection" d'archives et de rushes est conséquente et représente plusieurs m3 de bandes magnétiques. Pourvu que la porte ouverte par Armelle et Gwenola Paranthoên ne se referme plus…

Merci à elles pour ce qu'elles nous permettent d'entendre ce soir. Merci à Antoine Chao pour ces deux belles heures d'émissions. À Claude Giovannetti et, à France Inter de remettre en avant l'œuvre de Yann Paranthoën

Wolfgang Suschitzky
Negozio di biciclette, Sardegna 1950,
Merci à Enza Altieri de m'avoir fait
découvrir cette photo…





















Retour sur écoute (rédigé le 4 juillet)
Déjà le compresseur d'antenne est coupé. Il fallait bien que ce soit Yann Paranthoën pour obtenir une telle faveur. Merci à Emmanuel Perrot, responsable technique de l'antenne. Nos oreilles ont apprécié !

"Claude, je suis à la 208. Yann." "Où voulais-tu qu'il soit ?" dit Claude Giovannetti à Antoine Chao. Chouette dès le début de l'hommage de lui avoir donné la parole. Délicate et discrète, celle qui a accompagné longtemps Paranthoën dans ses créations radiophoniques trouve la bonne formule pour dire leur relation "Yann et la radio c'est devenu très affectif très vite"… (et en tapis sonore le générique de L'oreille en coin ne gâche rien !) "Et il était très tendre…"

Bertrand Durand, opérateur et chef opérateur du son "Yann, il faut savoir qu'il écoutait très très fort… Normal si on veut mixer correctement il faut pour des questions de rapports de fréquences et si on veut que les fréquences soient équivalentes il faut mixer à un certain volume… Et il avait une toute petite voix. C'était l'artisan et le maître artisan. Dans un temps de compagnonnage qu'on connaît bien à Radio France". Comme Giovannetti, Durand nous parle de la fabrique, du bonhomme aux manettes. De sa présence d'écouteur total pour lequel on devine un sacré manège dans sa tête ! Avec "son Nagra, son instrument, son Stradivarius, ses micros Shoeps et son parapluie (de berger)"

Christian Rosset : "Il invente cette possibilité de ne pas être dans une continuité [Celle de Pierre Schaeffer que lui suggère Antoine Chao]. Il a compris ce qu'était la radio en tant qu'outil". Il disait : "À partir du moment où on a un magnétophone, un micro, on enregistre quelque chose et après on peut tailler, coller, on peut mélanger, c'est ça la radio !"

Armelle Paranthoën : "On est d'accord avec ma sœur pour diffuser ses émissions. Un inédit [sur Fausto Coppi] c'est quand même con que ça ne soit pas diffusé !" CQFD !

(1) "Peloton maison", Le Seuil, mai 2022,
(2) "Yann Paranthoën. L'art de la radio", sous la direction de Christian Rosset, Phonurgia nova éditions, 2009,
(3) France Culture, 3 août/4 sept 1992, 25 épisodes de 15',
(4) "Yvon, Maurice et les autres… et Alexandre ou la victoire de Bernard Hinault dans paris-Roubaix 1981" ACR, France Culture, 11 juillet 1982, 2h15'50",
(5) Français, Flamands, Wallons, Italiens… (Bartali, Binda,Gimondi) et le Luxembourgeois Charly Gaul,