dimanche 9 octobre 2016

D'aquarelles en grèves : Louis-Marie Faudacq peintre-douanier...

Femmes arrachant le goémon
Crédits : Collection particulière J. Porée.




















Si la radio publique se déplace en Bretagne, je tends l'oreille. Si c'est un dimanche, s'il y a la promesse d'une histoire j'interrompts toute activité. Au siècle précédent, Kriss, sur France Inter, nous emmenait le "Dimanche en roue libre". Geneviève Ladouès, elle, sur France Culture, nous racontait "Un jour au singulier". Ces deux femmes de radio ont enchanté le septième jour de la semaine. Et tous ces dimanches qui savaient prendre la mesure d'un autre tempo que celui de l'actu. 

Dimanche dernier (1), Nedjma Bouakra et François Teste, sont partis sur les traces de Louis-Marie Faudacq (1840- 1916), douanier et peintre de la vie ordinaire du littoral, celui à l'époque des mal-nommées Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes d'Armor. J'écoute et tends d'autant mieux l'oreille que le sujet de la peinture et du littoral réunissent deux passions (2). De fait, si pour présenter Faudacq, l'expression "Chroniqueur de la côte nord" a du sens en Bretagne, c'est plus difficile pour l'auditeur qui situerait le Nord... à Dunkerque.

Pour ma premiére écoute, en flux et en direct, je me suis laissé porter par l'histoire, visualisant parfaitement les situations et les paysages évoqués, voire même les figures typiques de ceux qui ont témoigné. "Mon" littoral est à quelques kilométres plus à l'ouest, à l'extrême pointe nord-ouest du Finistère, même. J'ai moi-même arpenté dunes et grèves, ports et quais, roches et îles pour comprendre et partager les métiers et savoir-faire de ceux qui vivaient de la mer et de ses ressources. 


Scène de régate  Collection particulière J. Porée.
















Lors de la deuxième écoute, je me suis demandé comment des auditeurs qui n'habitent pas ou ne connaissent pas la Bretagne, peuvent situer non seulement le "pays" concerné, mais surtout l'époque évoquée, quand il aurait été bon de la situer, dés le début du documentaire, entre la naissance et la mort de Faudacq. Avant d'écrire ce billet, je me suis entretenu avec Nedjma Bouakra. Cette productrice connaît bien le littoral du Trégor-Goélo (3), elle est "dedans". Sans doute en phase avec son sujet a-t-elle quelquefois omis de préciser quelques "évidences" pour ses auditeurs de Die, de Carcassonne ou de Givet dans les Ardennes, lieu de naissance du peintre-douanier ?

Mais j'ai été assez surpris que Guy Prigent, ethnologue du littoral, parle d'évidence en ce qui concerne les algues et les métiers s'y rapportant. D'abord quand il dit le mot "goémon" il aurait dû préciser que c'était le nom générique que l'on donne à toutes les algues en Bretagne (4), et mieux encore traduire le nom vernaculaire d'une espèce pour que l'auditeur "lointain" puisse comprendre de quoi il retourne. Ce n'est pas parce qu'il ne s'agit pas d'une émission scientifique qu'il n'y a pas lieu de faire œuvre de pédagogie et de donner à l'auditeur les clefs minimales pour imaginer.

Dans un précédent billet, j'évoquais que cette émission puisse s'approcher de "La matinée des autres" qui, sur France Culture, permettait de vulgariser l'ethnologie. Dimanche dernier, si j'ai pris plaisir à arpenter de l'oreille, grèves et estrans, j'ai surtout eu beaucoup de satisfaction à découvrir Louis-Marie Faudacq, ce peintre qui m'était totalement inconnu. Nedjma Bouakra, m'a donné envie d'aller y voir... de plus prés. Mais ce documentaire nous a fait surtout sortir de la nasse de l'évènement, de l'éphéméride, du saucial à toutes les sauces. Bref, le temps d'une heure, un dimanche, nous avons pu prendre le large et voguer sur presque 180 ans de vie maritime et rurale. Et ça, pour l'histoire, ça n'a pas de prix.




(1) "Une histoire particuliére", le dimanche à 15h,
(2) Mon métier d'aujourd'hui me donne l'occasion de peindre et de dessiner. Un métier précédent m'a conduit à travailler pour la filiére algues marines sur l'ensemble du littoral français,
(3) Petite "région" des Côtes d'Armor,
(4) En Normandie on dit "varech",

(5) Parler d'un matelas de lichen peut induire en erreur l'auditeur. Le "lichen" est communément un champignon que l'on trouve sur les arbres et sur les rochers non recouverts par la mer. Ici le lichen est le nom donné par les récoltants à une petite algue rouge, très recherchée pour ces qualités gélifiantes et qui, sur tout le littoral, de la Normandie à la Vendée porte plusieurs appellations.

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