mardi 8 novembre 2022

Arthur Conte : suite et fin à l'ORTF…

De juillet 1972 à octobre 1973, Arthur Conte, 1er Pdg de l'ORTF,  malgré sa volonté farouche d'être libre et de s'affranchir du pouvoir politique (de droite) a du faire face aux injonctions politiques de plus en plus pressantes pour influer sur l'éditorial et le management des deux chaînes de télévision (puis de la troisième chaîne couleur le 31 décembre 1972). Jusqu'au Ministre de l'Information, Philippe Malaud qui finira par le faire tomber sans appel le 23 octobre 1973.











En ce temps-là, le Président de la République (G. Pompidou), comme nombre de politiques commentent, jour après jours les programmes des deux chaînes de télévision, aussi bien les journaux télévisés que les programmes de divertissement et/ou de débats politiques. Tout le monde se mêle de ce qui ne devrait regarder que le Pdg et ses équipes qui subissent une pression directe ou insidieuse permanente. La TV est devenue une affaire d'État. La radio sans broncher fait sa pelote sous la direction de Jacques Sallebert. 

Le livre de Conte, écrit dès le jour de son départ de l'ORTF sera publié le 27 novembre suivant. En forme de bilan (à chaud) de gestion technique et politique et de journal de bord détaillé de sa mission. On se pince souvent d'y lire un luxe de détails sur les programmes, sur les discussions autour de ces programmes et sur les décisions y afférant. Le Pdg est aux affaires de la programmation. Trop, sûrement. Résultat de la pression populaire (et des journaux TV) qui sans relâche, jour après jour, critique les choix de ce que la France entière regarde religieusement chaque soir dans la petite lucarne.











Quant à la réforme imposée par la loi de juillet 1972 elle tarde à concrétiser la création de huit unités autonomes qui ressemblent fort à un démantèlement de l'Office… centralisateur. Ce qui ne lasse pas d'interroger Arthur Conte sur cette décentralisation qui passe mal en interne et qu'il a du mal à imposer. Le Pdg est un fédérateur et un agrégateur de talents pas un coordinateur d'autonomies. Les injonctions du Ministre de l'Information, Philippe Malaud (1) sont de plus en plus pressantes (2) et le ministre de roucouler dans Le Figaro (19 octobre 1973) : "L'ORTF est un milieu difficile, constamment agité, événementiel, je dirai féminin [sic]… et qui a besoin effectivement d'un vrai patron." (3) Le jugement est sans appel. Quatre jours plus tard Conte est demis de ses fonctions de Pdg.

Alors le projet actuel de fusion des audiovisuels publics ou de holding devrait sûrement regarder l'évolution de la radio et de la télévision depuis 1964. Dix ans d'ORTF, presque 50 ans depuis 1974 d'unités autonomes de radios et de télévisions (4), quelques volontés de fusion france info (radio) et france info TV (canal 27) et de rapprochements sensibles France Bleu/France 3.











Le paysage a tellement changé ! Un France Médias ne risque plus de ressembler au petit État ORTF tant la plateformisation est là et, de fait, à venir la méta-plateformisation. Un France Méta Médias alors ? Gaffe, à terme un autre meta pourrait absorber ce petit méta français qui n'aura pourtant pas démérité pour… faire et défaire.

(1) D'avril à octobre 1973, particulièrement nommé pour "cogérer" l'ORTF, soit pour faire plier Artur Conte soit pour le démettre,

(2) Il écrit une note au directeur adjoint Alain Dangeard pour que ce dernier transmette au Pdg les avis suivants : "… Je ne parle même pas de France Culture qui est une tribune qui est réservée au Parti Communiste et à la CGT qui déclare ouvertement que Monsieur Sallebert et Madame Mella [directrice de France Culture, ndlr] sont leurs aliés objectifs. Dans ces conditions et si une réorganisation n'intervient pas immédiatement qui devrait commencer par l'élimination (sic) de M. Sallebert, de Mme Mella et de leurs collaborateurs politiquement engagés, il est inutile d'attendre le moindre accroissement des ressources pour 1974…" cité par A. Conte page 304. 

(3) Cité par Delfeil de Ton dans "Sallebert au stade", Charlie-Hebdo n°154, 29 octobre 1973,
(4) Même si les trois chaînes de télévision ont depuis 1975 fonctionné de façon autonome, dès 1992 France Télévisions coiffe France 2 et France 3. 

4 commentaires:

  1. Merci pour tous vos billets. Comptez vous ( ;-) ) nous donner une recension du dernier opus de J N Jeanneney, dont le deuxième tome des mémoires est, en partie, consacré à son passage à la tête de Radio France ? ( curieuse galerie de personnages, dont seule l'immense intelligence de JNJ surnage...)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour, désolé pour cette réponse tardive. J'ai lu Jeanneney et y ai appris encore plusieurs choses utiles à l'histoire de la radio publique. Mais je m'en tiendrai là. Toutefois je vous en recommande la lecture !

      Supprimer
    2. Pas de soucis :-) J'ai lu les deux tomes des souvenirs de JNJ. Bon, fils, petit fils "de", mais, de mon modeste point de vue, le garçon a tout de même, la grosse tête ou les chevilles très fortes...Merci pour vos billets.

      Supprimer
    3. Bonsoir Jean. Effectivement JNJ a le sens de la roucoule quansd il raconte. Je l'ai entendu au 104 à RF pour l'hommage à Jean Garretto il s'était fait plaisir à moucher Bouteiller (sans le nommer), c'est un conteur et il lui arrive un peu de s'écouter… ;-)

      Supprimer