mercredi 2 novembre 2022

Maïa Wirgin : un projet "à voix haute" pour Radio France…

Pour le graphiste que je suis, s'apprêter à lire un projet stratégique dont la page de couverture est sobre (et le titre étonnant !) ce n'est quand même pas pareil que s'infliger les quarante trois pages d'un projet concurrent… Si l'expression n'était pas si connotée politique, l'écriture de Maïa Wirgin pourrait être considérée comme une profession de foi. Quatorze pages de constats, de perspectives et de convictions ramassées dans un langage simple, sans effets de manche, qui suggèrent des actions concrètes pour faire exister la radio publique dans une ère médiatique survitaminée au numérique.











L'actuelle Secrétaire Générale de la Cour des Comptes connaît la radio publique pour y avoir œuvrer (1) de 2014 à 2018 sous la Présidence de Mathieu Gallet, l'ex-Pdg (2014-2018). Elle connaît donc la chanson. Et on peut même dire qu'elle en connaît les couplets les plus ardus. Particulièrement quand ceux-ci évoquent les vingt-huit jours de grève de 2015 qui avaient fragilisé le Pdg et détérioré les relations avec le Ministère de la Culture. 

La candidature de Wirgin a surpris les médias, toujours persuadés de tout savoir avant les annonces et, de fait, avant les résultats. Quant au grand public, il attendra patiemment, mi-janvier au plus tard, que l'Arcom annonce son choix. Trois candidats en lice et pas sûr du tout que les jeux soient faits. Les quatre ans de Présidence de Madame Veil suffiront-ils à la reconduire pour les cinq prochaines années (2023-2028) alors que le budget de l'audiovisuel public n'est plus affecté à la CAP (Contribution à l'Audiovisuel Public) et que se pose clairement la fusion ou une holding pour rassembler les audiovisuels publics ? Perspective que l'actuelle Pédégère n'accompagne pas de ses vœux.

Sur ce dernier point Maîa Wirgin le joue très adroitement. Sans en faire un cheval de bataille elle écrit : "Je persiste pour ma part à penser que la création d’une holding entre les sociétés de l’audiovisuel public présente le plus d’avantages et le moins d’inconvénients des différents modèles."  Et d'ajouter : "…mieux qu’une présidence commune, de créer un espace pour bâtir une stratégie et un intérêt social communs aux sociétés de l’audiovisuel public, qui préserve chacune mais permet de dépasser les situations où l’intérêt ou le poids de l’une peut l’emporter sur l’autre." C'est un point de vue, mais il semble bien qu'il soit assez proche de celui d'un gouvernement qui a hâte d'engager la fusion ou, comme joker, de s'en remettre à une holding (2).










On retrouve le titre du projet stratégique de Maïa Wirgin dans une proposition originale "Un dispositif « A voix haute » consacré à l’oralité, la prise de parole en public et au débat pourrait également être créé et mis à disposition des jeunes publics comme des enseignants." Et pourquoi pas des auditeurs qui, à haute voix, pourraient être beaucoup plus associés à l'avenir de la radio publique ? Et valoriser la voix ce pourrait être l'occasion pour la radio de se passer aussi de… l'image, non ?


Mais derrière cette vision prospective apparaît aussi la poursuite - inéluctable - de la mue à laquelle la postulante a déjà contribué par le passé dans le cadre de ses fonctions à Radio France. Elle écrit : "Or, ces équipes doivent aujourd’hui relever plusieurs défis : celui de la transformation des métiers d’une part, pour répondre aux évolutions éditoriales et technologiques et aux compétences nouvelles de la production et de la diffusion ; celui de l’évolution des modes de travail ensuite, bouleversés par la crise sanitaire, et qui exige l’adaptation des organisations et l’accompagnement des individus et des collectifs de travail… ". Voilà sûrement le nœud le plus stratégique de son projet car, pour Wirgin, il s'agit bien  de poursuivre, voire d'achever la grande mutation des métiers, de la production et de la diffusion. Une révolution qui ne sera pas sans provoquer des conflits internes si les dirigeants s'obstinent à conduire les réformes à marche forcée, sans tenir comte des savoirs faire et de l'histoire collective professionnelle qui ont assuré la pérennité de la radio publique. 


Maïa Wirgin conclut : "A l’heure où son financement [de l'audiovisuel public, ndlr] va être réformé, il doit enfin revoir sa gouvernance, pour donner toutes les preuves d’indépendance et de transformation qui fonde sa crédibilité aux yeux du public." La balle est dans le camp de l'Arcom et les jeux sont loin d'être faits. Car plutôt qu'une surprise la candidature de Wirgin ressemble bien plus à l'alternative que pourrait tout à fait attendre le gouvernement ! Wait and see.


(1) En 2014, elle est nommée directrice de cabinet du Président directeur général de Radio France, puis secrétaire générale, où elle accompagne les réformes stratégiques de Radio France,
(2) Radio France, France Télévisions, France Médias Monde, Ina (et… Arte ?).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire