vendredi 10 novembre 2017

67/68 : une autre révolution culturelle… Week-end de Godard (10/42)

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Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.

Sur le tournage, Godard saute du talus… Photo de Gilles Caron
(un des photographes de "68")



10. Le mot  "Week-end" ou la tyrannie d'une posture
Avant d'évoquer le film de Godard, je voulais vous parler de ces deux mots anglais qui, depuis la fin des années 50 en France, ont submergé le langage et imposé mode de vie, revendication sociale, idolâtrie et comportements sociaux. Dans un magazine féminin du début des années 60 j'avais lu l'expression "semaine anglaise" qui signifie la mise en place progressive d'une période de travail de cinq jours consécutifs, suivie des samedi et dimanche que les anglais appellent "week end"  (1). Fin de semaine faisait beaucoup moins rêver. "Week end" c'était l'assurance de l'évasion et d'une rupture nette avec le travail ! C'était parti pour un système imprescriptible qui allait rythmer les semaines des français et révéler un goût prononcé pour ce "ouikène" auquel s'ajoutent, dès que possible, ponts, aqueducs et autres occasions de flirter avec la semaine de trois jours !

L'archive du "Masque et la plume" (sans les ténors Charensol et Bory) dissèque le "Week-End" de Godard (1967) (2). Succulent Armand Lanoux qui est persuadé que le w.e. a été inventé "pour que les gens des villes essayent de retrouver un contact avec la nature !". Bigre, encore faudrait-il que les dits-gens des villes disposent des moyens de locomotion suffisants pour parvenir jusqu'en campagne ? Les critiques du Masque ont vu dans Week-End des hippies, une suggestion de la guerre du Vietnam, mais surtout une caricature acerbe de la bagnole. La bagnole américaine, celle du prolo, la décapotable, la populaire deudeuche ou la fringante 4L. Des bagnoles embouties, dans le fossé, sur le toit, incendiées, empilées les unes sur les autres. La bagnole responsable des hécatombes mortelles du week-end et d'embouteillages invraisemblables.

Godard préfigure bien et la société de consommation, les trente glorieuses et la vénération absolue pour la voiture toute puissante (4). Jean Yanne qui joue le rôle principal aux côtés de Mireille Darc a peut-être été inspiré par cet autre personnage central du film, la voiture, pour créer dix ans plus tard le feuilleton radiophonique "L'apocalypse est pour demain" (3). Godard se fait le porte-voix de messages politiques et s'en donne à cœur joie pour (faire) proclamer quelques "slogans" d'extrême gauche, d'autres tiers-mondiste, avec un soupçon de guérilla castriste et une pincée de 1789… Ce "fouillis" politique est à l'image de ce qui agitera dans quelques mois la société française.

"Le masque et la plume", 28 janvier 1968, 
en exclusivité et intégralité jusque fin novembre,



(1) À cette époque, en conformité avec le code du travail, de nombreuses entreprises accordaient à leurs employés un jour et demi de repos consécutif, la plupart du temps du samedi midi au dimanche soir,
(2) À 13'40", vous entendrez une critique de Playtime de Jacques Tati, 
(3) France Inter, 1977,

(4) Au micro, un des critiques fustige le film : " La situation de WE est celle d'une caricature de la société de consommation ne fait qu'ajouter un nouveau gadget encore plus incompréhensible aux gadgets qu'elle veut dénoncer".

Anne Wiazemski sur le tournage

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