Lundi dernier, 15 juin, la commémo de l'Appel du 18 juin 40 n'est pas dans les radars des médias. Brouillard total. C'est ce moment, sensible et creux, qu'a choisi Delphine Ernotte-Cunci, Pédégère de France Télévisions, à deux mois de la fin de son mandat, pour faire des nominations stratégiques. Un peu comme si, inquiète du renouvellement de son mandat fin août, elle voulait placer quelques personnes pour continuer à faire le job ! Quel job ? C'est ce que nous allons voir. Les médias participent des mêmes intrigues que les politiques. Avant un remaniement, une cohabitation, les ministres et autres secrétaires d'État placent leurs affidés à des postes où ils seront assurés de ne pas être tout de suite au chômage. Et/ou continuer l'"œuvre" entreprise.
14 juin. Sur son fil Twitter, Caroline Sallé, journaliste au Figaro poste : "Franceinfo: changement à la tête de la chaîne. Laurent Guimier remplacerait Alexandre Kara". Je relis trois fois le tweet. Alexandre Kara. Qui c'est ça ? France Info, mais laquelle, radio ou TV ? Voilà déjà une preuve, s'il en était besoin, de la confusion possible entre les deux chaînes de service public, dédiées à l'info en continu. Jamais entendu parler d'Alexandre Kara ! Faut dire que je ne regarde pas la TV, et encore moins les chaînes d'info en continu, et encore moins celle créée du seul fait du Prince (François Hollande, Président de la République, 2012-2017). À l'époque Laurent Guimier, nommé par Gallet en mai 2014, directeur de France Info, participe à l'élaboration de cette chaîne, dont les audiences quatre ans plus tard sont toujours aussi confidentielles, laissant caracoler loin devant BFMTV dans bon nombre de foyers français.
Le 17 juin, dans leur article du Monde (1), Sandrine Cassini et Aude Dassonville écrivent : "L’idée, cette fois, est de renforcer les liens avec Radio France. «Multiplier les coopérations, faire jouer les synergies et fluidifier les relations, c’est l’une des missions que j’ai confiées à Laurent Guimier» [dixit Delphine Ernotte, ndlr], confirme Yannick Letranchant, le directeur de l’information de France Télévisions." Bigre ! Il ne s'agirait plus d'être seulement directeur de chaîne mais en plus de devenir l'ambassadeur de FTV ? (2). En faisant jouer les missi dominici à Guimier Ernotte court deux lièvres à la fois. Donner des gages au gouvernement (et au CSA) de sa volonté de coopération serrée avec un partenaire de l'audiovisuel public. Être à l'initiative d'une préfiguration d'une "petite holding" audiovisuelle, en attendant le grand soir où France Médias sera enfin sur les fonds baptismaux d'une loi audiovisuelle (3). De ce fait le CSA serait inspiré de reconduire Mme Ernotte-Cunci dans ses fonctions, n'est-il pas ?
Dès mardi dernier, jour de sa prise de fonction, le fougueux nouveau patron de France Info (pour France Télévisions) annonce au Monde avoir «déjà pris contact avec les autres partenaires de l’audiovisuel public : Radio France, France Médias Monde et l’INA». Après quoi Guimier court-il donc si vite ? Directeur de France Info (radio, 2014-2017), vaguement n°2 de Radio France (2017-2018) se voit, à défaut d'avoir su refaire Europe 1 (2018-2019), missionner pour tenter refaire l'ORTF ! Ben si, "refaire travailler ensemble radio et TV" c'est refaire l'ORTF période avant son éparpillement façon puzzle par Giscard en août 1974 (4). Sera toujours temps avant la fin du Macronat ou sous un prochain régime, d'associer FMM et l'Ina.
Les zélées Veil (Pédégère de Radio France) et Ernotte avaient anticipé la loi (fermeture de France 4 et France Ô, rapprochement France Bleu/France3) et s'étaient préparées à la holding. Les organigrammes virevoltaient dans tous les sens pour que chacun y trouve son compte et en soit. Malgré ce qu'annonce sur son fil twitter une journaliste de France Inter, Vanessa Descouraux (5), la "petite holding" va permettre de placer amis, relations, influenceurs et bétonner l'organigramme d'un futur France Médias, genre répétition grand modèle, avec vedettes et figurants.
Pour cela Guimier sera parfait. Se croyant important et indispensable, il pourra multiplier intrigues, chausse-trappes, roucoule, du même tonneau que ses prestations, sur Europe 1, où, dans "Les pieds dans le plat" quand le journaliste répondait aux facéties de Cyril Hanouna. Sans doute la façon la plus subtile que Guimier avait trouvé de rapprocher programmes et information. Autant dire que nous allons suivre de pied ferme les tribulations de cet avatar médiatique, prêt à tout pour refaire radio et TV d'État… comme était qualifiée l'ORTF en 1968 ! Et surtout pourquoi Ernotte l'envoie, lui, au front pour formaliser rapprochements TV et radio ?
(À suivre)
(1) Nominations stratégiques à France Télévisions,
(2) En l'état, la mission dévolue à Guimier ne précise pas s'il s'agit de France Info ou si cela concerne l'ensemble du groupe !
(3) La crise sanitaire du Covid-19 a eu raison de la loi audiovisuelle qui devait (à l'automne prochain) voir la création d'une holding associant Radio France, France Télévisions, France Médias Monde et Institut National de l'Audiovisuel,
(4) Loi du 7 août 1974 qui voit la dissolution de l4ORTF en 7 sociétés distinctes : Radio France, TF1, Antenne 2, France Régions 3, Société Française de Production, Télé Diffusion de France, Ina,
(5) Suite à l'article de Télérama (19 juin) annonçant l'abandon de la loi audiovisuelle. "Pensées émues aussi pour les cadres qui n'avaient pour objectif que de briguer une belle place dans la holding. Sorry les chatons."
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