Quelques jours avant la date butoir de dépôt de candidature à la Présidence de Radio France à l'ARCOM, (21 octobre), Madame Sibyle Veil, actuelle Pédégère et candidate à sa succession, a dressé un bilan intermédiaire du COM (Contrat d'Objectifs et de Moyens) devant la Commission Culture de l'Assemblée Nationale ce 12 octobre. De quoi déployer une kyrielle de je, de satisfecits, d'auto-congratulations et de superlatifs à faire rougir le/la plus humble des salarié-e-s de Radio France. Tout va bien, on est les meilleurs, on ne doit fusionner qu'avec nous-mêmes et vous devez nous donner les moyens de notre expansion… numérique. Revue de détail.
Maison de la radio et… des travaux |
"Radio France est un repère de confiance". Voilà, en introduction de quoi assurer/rassurer la représentation nationale que l'argent de la Contribution à l'Audiovisuel Public (CAP) a été bien employée à ravir les auditeurs des chaînes de radio publique. Le de confiance s'apparentant comme d'habitude à la méthode Coué, incitant les député-e-s à accorder par effet d'entraînement leur confiance à la Pédégère. Puis Veil d'avancer un chiffre qui, s'il n'a fait ciller aucun auditeur de sa prestation, m'a laissé absolument perplexe.
"L'info représente 53% de nos antennes" ! Bigre comment cela est-il possible ? Si l'on veut bien considérer que Mouv' et Fip ne diffusent pas d'informations en tant que telles. Que pour France Musique c'est moins d'une heure par jour et peut-être un peu plus sur France Bleu, comment France Inter, France Culture et France Info pourraient représenter à elles trois plus de 50% d'information ? Sauf à mettre informations à toutes les sauces y compris celles du divertissement. J'eusse aimé qu'un-e député-e interpelle Veil sur cette assertion pour le moins fantaisiste. Et en quoi ces 53% seraient-ils un gage de réussite et/ou de confiance et/ou de service public ?
Puis, pour enfoncer le clou budgétaire Veil agite le chiffon rouge. Radio France intègre la/les contraintes budgétaires, années après années, et se plie aux injonctions des tutelles (Finances, Culture). En bonne petite soldate la Pédégère, le cœur sur la main, proclame "On va essayer de garder la tête hors de l'eau mais nous allons devoir faire des choix éditoriaux". Soit en version plus claire C'est pas moi, c'est l'autre. Le paravent-parapluie est en place. De quoi, vis à vis du personnel et des équipes, se dédouaner quand viendra à nouveau le temps des coupes sombres.
Madame Veil, qui de la radio ne connaît que son passé récent, pourrait s'intéresser au premier Pdg de l'ORTF, Arthur Conte (juillet 1972-octobre 1973). Journaliste, historien, homme politique (UDR) Conte n'envoie pas dire ce qu'il a à dire au pouvoir (présidence Georges Pompidou, 1969-1974), ça lui sera fatal. "On lui reprochera notamment de n'avoir pas su remettre en ordre l'énorme machine qu'était l'Office et d'avoir laissé se développer dans certains services un état d'esprit jugé hostile au pouvoir." (1) Conte était libre et indépendant, pas sûr que ce soit le cas de Veil !
Au cours de sa longue séance de près de deux heures, malheureusement, la Pédégère ne répondra pas aux questions d'au moins deux député-e-s concernant France Culture. Sans doute réserve-t-elle ses avis circonstanciés à l'Arcom qui, on peut en être sûr (?), ne manquera pas de l'interroger sur la gravité de la situation et l'urgence de prendre des décisions responsables pour protéger les personnels d'un management dévastateur.
Je vous ai gardé le meilleur pour la fin. Veil, au début de son intervention, ayant sans doute encore quelques réminiscences de l'œuvre de Molière déclame "il ne faudrait pas qu'à force de consultations l'audiovisuel public fasse figure de malade imaginaire et qu'on lui diagnostique des maux qu'il n'aurait pas." Quel talent ! Mais cela ressemble beaucoup au coup de pied de l'âne, direct au Président de la République (son camarade de promotion à l'ENA) qui en 2017 faisait dans la dentelle "L'audiovisuel public, la honte de la République." Et coup de pied supplémentaire à tous ceux qui veulent - à tout prix - la fusion d'au moins quatre sociétés audiovisuelles publiques (2).
En verve, Veil envoie aussi du La Fontaine ! Quelle culture ! "Ce n'est pas en construisant un mammouth qu'on va avoir des gazelles qui vont être agiles à l'ère du numérique". On lui pardonnera le pléonasme des gazelles agiles. Mais ça ne peut pas faire de mal à la représentation nationale d'entendre causer management start-up nation. Avec l'animal, dont l'extinction est datée depuis 4000 ans, Veil reprend une saillie de Claude Allègre, Ministre de l'Éducation Nationale, en juin 1997 qui voulait "dégraisser le mammouth". Pas très courtois vis à vis de ses collègues de l'audiovisuel public dont l'agilité serait à priori mise en doute.
Veil se fait plaisir, pose des banderilles et tel le preux chevalier (où Jeanne d'Arc) se sent prête à bouter le mammouth hors du XXIème siècle. Quel panache ! Arthur Conte ne s'en laissait pas conter. Il avait le verbe pour ça. Madame Veil pourrait, quand bien même elle serait reconduite à sa succession, devoir dans les mois qui viennent avaler des couleuvres. Qui alors du mammouth ou des gazelles les avalera le mieux ?
Changement climatique radiophonique annoncé Mammouthicus allegrius On notera la belle paire d'antennes de réception radio |
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