jeudi 16 octobre 2014

Petits signes (de fidélité) entre amis…

Léa Salamé














À force d'écouter la radio certains auditeurs ont développé des facultés sensorielles exceptionnelles de l'ouïe. Je ne sais pas si je fais partie de ce sociotype (sic) d'auditeurs mais voici quelques exemples. 

Inter 7h50
Léa Salamé recevait hier matin Kouchner. J'écoute pas. Les enfileurs de perles ou charmeurs de serpent m'empêchent de penser. Mais comme "j'ai mis la radio" pour écouter Charline Vanhoenacker, je laisse filer le "fond sonore". Quand j'entends Salamé dire "Belle journée à vous", j'entends surtout le "micro micro-blanc" que Cohen a laissé "passer". Ce micro-blanc je l'interprète de la façon suivante : ce doit être frustrant de compresser un entretien politique et de n'avoir pas le temps suffisant pour que l'invité aille "plus loin". D'autant que Cohen va immédiatement passer à autre chose et annoncer "Charline" (1)…



Léa Salamé pense t-elle qu'en quelques secondes son entretien va être "écrasé" par Charline ? Charline elle-même pouvant imaginer que la météo plombera ses quelques traits d'humour. Sauf qu'un moment incisif de rire ou de sourire peut se fixer dans la mémoire quelques heures quand la mécanique de la parole d'un politique ne donner lieu qu'à reprendre la petite phrase qui ne sert que la société médiatique du spectacle. J'ai trouvé Léa Salamé un peu "dépitée". Y'a de quoi ! À peine diffusé l'entretien appartient déjà au passé. 

Le principe même d'une matinale c'est d'être toujours en avance sur la "séquence" d'après. Sur le fil (du rasoir) de l'horloge électronique implacable. C'est ça qui a changé dans les matinales. Pour les rendre toniques on les a rendues mécaniques et froides (même si Cohen semble rire de bon cœur des facéties oratoires de Charline). 

Le répondeur ("Si t'écoutes, j'annule tout")
Dans l'émission de Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek à 17h sur Inter, il y a un répondeur à la disposition des auditeurs. Un répondeur ça vous rappelle quelque chose ? "Va voir Là-bas si j'y suis" (2), qu'on me dit dans l'oreillette. Rien à voir (sic). Le ton de l'émission incite les auditeurs à être dans le même registre d'humour et/ou de dérision. Ici le répondeur est une ponctuation, une diversion pour impliquer l'auditeur. Ça fonctionne. C'est bref, incisif et… on passe à autre chose.

Les nuits d'Inter
Des nuits faites des émissions du jour pendant les quatre heures de nuit où le direct a disparu (3). Même en cas d'insomnie je n'aurai jamais le réflexe Inter. Si chacune des émissions rediffusées avait lieu la nuit, "on" peut bien imaginer que ce ne serait pas le même ton, pas le même débit, pas la même couleur musicale. Les producteurs s'adresseraient aux insomniaques, aux travailleurs de nuit, aux SDF et "ça changerait tout". Signe ultime des temps "le mélange des genres", le mélange des temps. 

Dhordain (4) avait inventé la radio 24h/24, permis à tant de producteurs de se révéler et aux auditeurs d'installer un lien durable avec leur radio. La nuit pas de média-métrique, alors tant pis. Tant pis pour la création, tant pis pour le lien affectif et/ou émotionnel institué avec des générations d'auditeurs. Tant pis pour la nuit maquillée… en jour.
(À suivre)

Et si la nuit commence comme ça sur Inter pourquoi ne se poursuivrait-elle pas jusqu'à l'aube ?



(1) "Le billet de Charline", 7h55 du lundi au vendredi,
(2) Émission "historique" de France Inter, 1989-2014, produite par Daniel Mermet,
(3) de 1h à 5h,
(4) Roland Dhordain, ex-directeur d'Inter et "inventeur" de sa forme moderne dès 1963.

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