France Culture la nuit… un patrimoine radiophonique

P. Garbit © F. Vallérian

En 1985, alors que Jean-Marie Borzeix dirige France Culture (1), Jacques Fayet (2) crée "Les nuits de France Culture" et "donne ainsi, entre mémoire et découverte, la possibilité aux auditeurs d'entendre et réentendre des programmes très anciens ou plus ou moins récents." Puis Geneviève Ladouès, productrice de la chaîne prendra le relai. Depuis 2001, Philippe Garbit en a la charge.

C'est lui avec entre autre, Hassane M'Béchour qui fait partie de l'équipe des Nuits, qui auront été les artisans d'une "petite révolution copernicienne" à savoir que les Nuits vont être podcastables à partir de lundi prochain (en test déjà sur le site de l'émission). Les insomniaques vont peut-être retrouver le sommeil et les dormeurs se réveiller la nuit pour écouter en flux.

Les Nuits ont une sacrée histoire à la radio (publique comme privée). Elles ont permis à France Inter, première généraliste à diffuser 24h/24, d'accompagner ceux qui professionnellement, sentimentalement, physiquement ne pouvaient dormir la nuit. À de nombreux producteurs de donner à leurs nuits une couleur, un ton, une âme et d'en laisser de vraies traces mémorielles collectives. Jusqu'à ce qu'Inter, sans discernement, fasse le choix "budgétaire" d'en abandonner la création. Laissant place à des rediffusions qui, par principe "fabriquées" le jour, ne peuvent coller à la nuit.

Il en va tout autrement pour France Culture dont le credo est annoncé en ouverture de programme et dont le titre de ce billet est le leitmotiv. Quelle riche idée de diffuser le patrimoine radiophonique de la radio publique ! Écouter, réécouter la nuit c'est accepter et se fondre dans un autre tempo. C'est s'entourer de silences et prendre la mesure des époques, des idées, des voix qui prennent la place de la furie du jour passé ou de celui à venir. C'est faire comme Colette Bertin, assembler, coller, reconstruire des morceaux de vie et d'histoire.

Ces morceaux-là, c'était formidable de les écouter de nuit, quitte à en "perdre" les fragments sonores. Il va falloir s'habituer à les écouter de jour ou se créer un rituel entre chien et loup. Avec des conditions d'écoute propres à la concentration et au changement de temporalité. Une page de l'histoire de la radio se tourne. Un peu comme pour passer du jour au lendemain (3)…

(1) 1984-1997,

(2) Producteur emblématique de France Culture, il est en 1975, avec Claude Dupont, le créateur des Matinales de France Culture, émission qui ouvrait  l'antenne et laissera la place à partir de 1984 à Culture matin. Il devient en 1985 responsable de Temps libre, un programme animé par de jeunes producteurs. (Extrait du communiqué de la chaîne en février 2009),

(3) "Du jour au lendemain", émission qu'Alain Veinstein anima sur France Culture jusqu'en juillet 2014.

Ci-dessous un très bel hommage à José Pivin, producteur et réalisateur à la radio (et à France Culture), qu'un Atelier de Création Radiophonique avait célébré, et que les Nuits a proposé à la réécoute.