Bon, mes chers auditeurs, je vais vous raconter une histoire extraordinaire. Il y a plusieurs jours sur Twitter, France Culture remet en avant la Grande Traversée Sinatra 2014. Bigre ! Pourquoi n'avais-je pas écouté cette émission ? Agenda vérifié, cette semaine-là je ne pouvais être au four et au moulin. Rentré au pays j'ai oublié d'activer le streaming !
Bon alors c'est parti pour cinq fois 1h50. Mais dans des conditions optimales d'écoute. La nuit. Pour profiter de toute l'ampleur du son dans un silence profond. Pas une seule nuit bien sûr, mais quatre au moins. Une fois la totalité écouté, j'ai la tête pleine d'histoires, pleine de musiques, pleine de sons. J'ai l'impression d'avoir vu un film. Un grand film en N&B, puis en couleur. Qu'á cela ne tienne, je suis tellement bouleversé qu'il me faut á tout prix remettre le couvert.
Et de deux. Je commence à comprendre la "mécanique" implacable de ce documentaire. La bande-son (1) est époustouflante. Elle accompagne, porte, complète le récit de Judith Perrignon. Ce travail d'orfèvre/ciseleur du son est l'œuvre de Christine Diger et ici "œuvre" n'est vraiment pas usurpé. Cette bande-son, outre porter l'histoire nous porte nous-même. Une fois entré dedans on n'est vraiment pas prêt d'en sortir. Derrière chaque mot il y a une "illustration", une ambiance, une archive, la voix de Sinatra ou l'une de ses chansons. Et ce n'est jamais mais vraiment jamais un pléonasme. C'est ici une vrai "leçon" d'art radiophonique.
La voix de Pérrignon, grave, profonde, féminine, qui porte son texte très documenté et palpitant, est parfaite et subtile pour faire contrepoint avec la charge énorme de testostérone que Sinatra et son entourage diffuse "naturellement". Cette voix (ici dans la nuit) nous incite, voire nous impose, de l'écouter. Et, une fois que l'alchimie a pris, la voix, le texte, les sons on peut-être prêt pour une troisième écoute.
Cette fois j'ai voulu écouter les cinq épisodes sans discontinuité. Pour voir et... pour entendre. Voir, car j'en ai vu des choses. Des belles et des moches. Des vertes et des pas mûres. Des drôles et des tragiques. Et j'ai entendu le roman de toute une vie magistralement résumé en quelques neuf heures de temps. Époustouflant, je le redis et je ne crois pas avoir souvent été dans cet état en écoutant la radio (2).
Alors quand on aime on ne compte pas et j'ai remis le couvert une quatrième fois, juste pour le plaisir d'entendre une très belle partition musicale. Une petite symphonie avec allegro, moderato, adagio, et allegrissimo. Ce documentaire est une tragédie, une comédie et même sans doute une chronique sociale aiguë. Une formidable histoire du pouvoir masculin aux États-Unis au XXème siècle.
J'ai échangé avec Perrignon et Diger avant d'écrire ce billet. J'ai pris alors toute la mesure du travail colossal que cela a pu représenter. Un tel travail, une telle création ne peut, ne doit rester éphémère. C'est d'ores et déjà á inscrire au patrimoine radiophonique. C'est absolument ça que Radio France doit défendre : promouvoir et développer le savoir-faire de professionnels créatifs. Pérrignon et Diger ont fait le choix de ce documentaire un peu plus d'un an avant le centenaire de la naissance de Frankie. Pour avoir écouté la journée Sinatra sur France Musique, il n'y a entre les deux rien de redondant. Les deux se complètent parfaitement (3).
Comme le disait il y a quelques années Daniel Mermet pour Claude Dominique (4) je range ce documentaire sur l'étagère de mon petit Panthéon radiophonique, pour bien sûr le réécouter régulièrement.
(1) Même si on ne dit pas comme ça en radio, pour ce doc-là c'est comme ça que j'ai envie de dire,
(2) Sauf peut-être pour la Nuit Ferré "Avec le temps", nuit du 31 décembre 1988 au 1er janvier 1989,
(3) Je transmets ce billet aux producteurs de la chaîne concernée ainsi qu'á son directeur Marc Voinchet,
(4) Productrice á Radio France et particulièrement à France Inter pour "L'Oreille en coin",
J'ai écouté ça à l'époque (enfin avec un petit décalage puisque je n'écoute la radio qu'en podcast), c'est vrai que c'est très bien fait, du beau boulot. La musique, bien sûr (il y a beaucoup de choses à redécouvrir dans sa discographie), mais aussi l'histoire, suffisamment subtile pour un type très ambigu ...
RépondreSupprimerC. Czapski
J'ai aussi écouté une émission qui date un peu aujourd'hui :
http://www.franceculture.fr/emissions/sur-les-docks-14-15/collection-enquetes-permaculture-une-solution-d-avenir-dans-un-grand
Sans aller jusqu'à se rouler par terre, je trouve qu'il y a un beau boulot sur le son. Du bel artisanat ;-) En plus, le sujet est très bien traité.
Bonjour Fanch !
RépondreSupprimervotre billet était tellement enthousiaste et mon dépit de ne plus entendre Mon Vincent Josse du matin (c'est cela les auditrices, cela s'attache comme de rien ... !!!) tellement grand que j'ai remplacé la matinale France Musique sur ces quelques matins par cette entière grande traversée. ce fut un bonheur et quel travail effectivement ! la voix de Judith Perrignon est très belle (the Voice, c'est elle !) et au delà de Sinatra c'est tout un monde qui ressurgit. Comme un grand film, et c'est bien cela aussi le talent de cette création, et ce que j'aime dans la radio, nous avoir raconté l'histoire, offert le son, un montage si excellent qu'aucune image n'est nécessaire en réalité. On se fait le film tout seul. Que ce fut difficile d'arrêter l'écoute pour partir au boulot.
vous l'aurez compris, je suis très contente, et je vous remercie d'avoir mis cela sur votre radio blog !
Que vais je donc écouter maintenant ?
bonne semaine
Nanou