Je ne jetterai ni l'eau propre, ni l'eau sale sur le film diffusé mercredi 13 mars sur Arte "Les passagers de la nuit". J'essayerai juste de montrer comment l'utilisation de symboles - ici la Maison de la radio - est juste superfétatoire et pathétique. L'adage "on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre" vaut pour ce film qui, s'il s'était appelé "La simple vie d'Élisabeth" ou "Les limites des trente glorieuses" n'aurait peut-être pas eu l'impact du titre choisi par le réalisateur, Mikaël Hers. Ce titre qui, pour les amateurs de radio, s'appropriait celui d'une émission quotidienne de France Culture produite par Thomas Baumgartner (1).
J'aurai pu m'abstenir de rédiger ce billet à charge si, après avoir vu deux films récents, ni porteurs d'imaginaire et encore moins d'enthousiasme (2), je n'avais eu besoin de me détendre un peu. J'avais toutefois un a-priori assez défavorable pour ce que j'avais pu lire sur "Les passagers de la nuit" à sa sortie. Me doutant bien que la dithyrambe de Télérama s'ingénierait à ne surtout pas tenter la moindre critique négative, preuve en osant l'enflure de son titre “Les Passagers de la nuit” sur Arte : comment Mikhaël Hers a sublimé le Paris futuriste de 1981". Pas moins. On pouffe, on s'étrangle en se demandant comment ce film sublimant n'avait alors reçu ni César, ni Oscars et encore moins d'Ours d'Or !!!
Sublimé quoi ? L'euphorie festive jouée dans une petite rue de Paris le soir de la Présidentielle de mai 1981 (3) ? Le prétexte de la Maison de la radio, accessoire de décor, juste pour le décor ? La caution d'une émission emblématique des années 70 (et au-delà) sur France Inter, "Allô Macha !" qui donnait, en direct, la parole aux noctambules en mal d'affection ou de sens à leur vie ? La vie difficile d'une femme, mère de deux enfants, dont le mari l'a brutalement quittée ? Les stéréotypes de situations adolescentes (très bien jouées par les trois "ados") conformes au réel de l'époque ?
Dans ce film rien n'est sublimé. Mais rien du tout. On peut affirmer que n'ayant pas fait l'Actor studio ni Charlotte Gainsbourg en apprentie standardiste, ni Emmanuelle Béart en très insipide animatrice d'émission, n'ont du beaucoup prendre le temps de se mettre dans la peau des personnages. Macha Béranger, incarnait son émission. "Dans le micro" très proche de l'oreille de ses auditrices et de ses auditeurs, très à l'écoute, prête aux confidences. Les standardistes, elles et eux, devaient faire preuve de talent ou d'ingéniosité pour déceler celles et ceux qui pourraient rendre vivants leurs témoignages !
Le prétexte de la maison de la radio ne sert qu'à placer en situation de travail Charlotte/Elisabeth. Les très furtives images des lieux, grand hall, escaliers n'apportent rien in situ à une situation factice. Les studios ne sont pas ceux de Radio France (4). On est bien content d'apprendre grâce à Télérama que tourner à la Maison de la radio était un rêve pour le réalisateur. Sa réalisation montre que ce rêve manquait, a minima, d'ambition et a maxima d'être en prise avec la radio elle même. Des images (décoratives) et des clichés ne font pas une incarnation. Ce film n'est pas incarné. C'est du cinéma pour du cinéma. Aussi décevant que le vidéo-clip de Nicolas Philibert "La maison de la radio" (5).
Nantes |
On dirait bien, dans les deux cas, que le seul titre et décor "Maison de la radio" puisse garantir d'être dans la radio. On aurait pu mettre Charlotte Gainsbourg à la RATP (pour faire les annonces de service au micro), à l'Arc de Triomphe pour servir de guide, à la Tour Eiffel pour jouer une liftière, ça n'aurait rien changé au scénario. Elle aurait toujours essayé de travailler pour faire vivre sa famille. La maison de la radio est un prétexte et pire un prétexte sans âme ni conviction pour la fabrique de la radio.
Mes ami-es diront "Détends-toi Fañch c'est de la fiction !". Ils n'auront pas tord ! Mais mon attachement à la radio et à sa Maison m'interpellent sur l'utilisation qui peut en être faite ou qu'elle soit galvaudée. Et que, dans ce film, ce soit dégoulinant de guimauve, de mélo et de pathos. Alors côté fiction je vais aller au cinéma voir, "Il reste encore demain" de Paola Cortellesi, je sais d'avance que je ne serai pas déçu !
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