Françaises et Français sont déconnectés de la transformation annoncée de l’audiovisuel public en sept sociétés distinctes et autonomes. Tant qu’ils peuvent écouter la radio et regarder la télé, le projet politique de la droite, élaboré depuis 1968, leur échappe. Cette “Mécano de la Générale” satisfait des intérêts politiques partisans et surtout met à terre ce qui à l’ORTF effrayait le pouvoir politique, le pouvoir des artistes pour animer radio et télévision.
Réunion à l'ORTF contre des menaces de licenciement de certains journalistes, 23 octobre 1974, Photo © William Karel, Gettyimages |
Septembre
(Les chiffres en début de paragraphe correspondent à leur date de publication dans Le Monde)
6. ”La réforme de la radio-télévision exigera plus de vingt décrets.” Combien donc pour France Médias ? L’État adore complexifier, cadrer, contrôler. Comment dans ces conditions rendre sereins les personnels qui peuvent être persuadés qu’ils vont appartenir à une administration pléthorique, où chaque employé sera de fait éloigné du parcours interminable de décisions le concernant. Je ne parle pas ici des strates qui devront être franchies pour qu’un projet audio ou visuel (voir audio-visuel) soit validé et mis en œuvre. L’usine à gaz, à son apogée, pour concentrer de plus en plus de temps pour décider (multi-réunions, management en cascades à tous les étages, perte absolue de fluidité), au détriment de la création elle-même.
11. “M. Valéry Giscard d'Estaing a présidé, mardi matin 10 septembre à l'Élysée, une réunion de travail à laquelle participaient MM. Jacques Chirac, premier ministre, et André Rossi, secrétaire d'État chargé de la réforme de l'ORTF, réunion consacrée à la désignation des six présidents des futures sociétés nationales et établissements publics de radiotélévision. Cependant, il n'est pas exclu que ces désignations ne soient révélées qu'à la fin de la semaine seulement ou après le conseil du 18 septembre.” En ces temps immémoriaux chacun pouvait imaginer les perspectives de l’autonomie de chaque nouvelle société audiovisuelle. On allait passer de la “multinationale” à plusieurs PME spécialisées, avec des circuits de décision et d’action beaucoup plus courts, de fait plus efficients et plus fluides.
19. “Ce sont en tout cas des hommes nouveaux, puisque Mme Jacqueline Baudrier, la seule femme, est également la seule survivante de l'ancienne direction. Les nouveaux présidents sont, presque tous, des personnalités dont la réussite professionnelle est unanimement reconnue. C'est le sociologue Jean Cazeneuve qui présidera la première chaîne ; l'écrivain-éditeur Marcel Jullian, la seconde ; l'ancien directeur-général adjoint de l'O.R.T.F. (1964-1968), M. Claude Contamine, la troisième. Mme Jacqueline Baudrier revient à la radio, ses premières amours ; M. Pierre Emmanuel, de l'Académie française, présidera l'institut de l’audiovisuel”.
Intéressant de constater que ce n'est ni un manager, ni une énarque mais une professionnelle, journaliste, qui prendra les rênes de la radio publique. Ceux qui l’ont nommé imaginent qu’il s'agit de bien connaître un secteur pour le diriger. Ce qui, 40 ans plus tard, en 2014, se révèlera caduque et participera, particulièrement à la radio, à l’impérieuse volonté de gérer Radio France d’un point de vue comptable (et médiamétrique), au détriment de la création et des moyens de production.
19. “Femme de caractère dans un univers d'hommes, prompte à s'enflammer, mais travailleuse infatigable d'une bonne foi totale, portée aux plus hauts rangs par la force de ses convictions, professionnelles et politiques, Mme Jacqueline Baudrier marquera vite ses nouvelles fonctions de son empreinte.” L’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) choisira-t-elle une femme de caractère, dans un univers encore dominé par les hommes, pour prendre les rênes de la holding et de la nouvelle société fusionnée ? Wait and see.
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