lundi 24 juin 2024

Radio France : les invisibles de la fabrique de la radio…

Radio France n'en peut plus de se repaître de ses idoles (qu'elle a fabriquées ou qu'elle est allée chercher dans les têtes de gondoles de la TV) qu'elle expose à tout va sur les frontons de la Maison de la radio, sur les réseaux sociaux, dans les émissions de télévision du service public. Toujours les mêmes, pour lesquels les dirigeants n'hésitent jamais à mettre en avant leurs préféré.e.s au risque de désespérer celles et ceux qui font le job sans jamais être mis en avant. Mais pire encore, ceux qui dans l'ombre, attaché.e.s de production (AttaPro) et chargé.e.s de programmes préparent assidument le "terrain" et mieux encore apportent sur un plateau ce qui permettra à la productrice ou au producteur et à la réalisatrice ou réalisateur de s'appuyer sur une construction solide avant d'aller en "tournage" ou de rentrer en studio. Et ce travail de fourmi, invisible et invisibilisé, n'apparaît que quelques micro-secondes lors des désannonces du générique d'une émission. De quoi souvent laisser de l'amertume à ces actrices et acteurs indispensables à la fabrique de la radio.




Toutes les émissions n'ont pas les mêmes exigences de travail de recherche en amont. Pour autant ces "petites mains" sont le noyau dur du réacteur. Si l'on remonte aux origines de la radio, on peut considérer, sans trop de craintes d'être démenti, que l'administration des PTT qui gérait la radiodiffusion, utilisait des sténos-dactylos et des secrétaires pour accompagner les balbutiements de la diffusion hertzienne. Après guerre (39-45) les secrétaires totalement invisibles devaient accomplir de nombreuses tâches qui échappaient aux animateurs des émissions. Puis petit à petit, dès le début des années soixante, l'assistante est apparue sans jamais être désannoncée à l'issue d'une émission.

Je me souviens d'avoir interviewé Jacques Pradel, l'homme de radio, qui reconnaissait que pour ses longues après-midi d'animation sur France-Inter de 14h à 17h (1975-1978) il ne disposait que d'une… secrétaire. Bigre ! Aujourd'hui une attachée de production ou une chargée de programmes s'engage dans le parti pris de l'émission, de son écriture et peut être considérée comme autrice de ladite émission (c'est valable bien évidemment pour les hommes qui exercent ces fonctions). En plus de la recherche de textes il y a la recherche de sons qui poussent ces “préparateurs-préparatrices” à développer leur caractère intuitif, à choisir ce qui va au mieux illustrer, étayer, abonder le/les sujets de l'émission.

Et si à l'origine ces personnels étaient formés sur la tas, on est passé à des employé-e-s ultra qualifiés et diplômés, capables d’aller jusqu’à écrire une émission littéraire entière ou de monter des émissions de reportage, où ce sont les Atta pro qui montent. Le réal s’occupant de l’habillage et du mix. Et puis surtout ces fonctions spécialisées sont majoritairement occupées par des femmes et, donc aussi plus souvent invisibilisées. 

Et, s'il est facile pour les productrices et producteurs, d'associer à la création radiophonique les réalisatrices ou réalisateurs, c'est sûrement assez difficile à vivre pour les attapro et les chargés de programme de ne se voir désannoncés qu'avec un nom et un prénom, qui avec leur titre ne veut strictement rien dire aux auditeurs et auditrices. Mais la place qu'ils-elles occupent n'est-elle pas dans une zone de forte contiguité ? Il y a là une association très forte de compétences, de complémentarités et de… frottements. Le producteur est au micro et brille de tous les feux. il a beau s'appuyer sur tout le travail laborieux effectué en amont, c'est lui (ou elle) que l'on entend, dont on retient le nom et dont on vante les mérites, quand ceux-ci devraient largement être partagés.

Les filles de France_Inter, 1979
Cette photo "souvenir" accompagnait un billet ici












Ce travail des Attapro et des Chargé.e.s de programme se joue aussi avec les chargé.e.s de la réalisation. Elles-ils interviennent aussi pour le montage, pour les choix de contenus, pour l'éditorial même, ce qui montre leur engagement formel et incontournable, qui dès lors mériterait mieux qu'une citation désincarnée à l'issue d'une émission. Particulièrement si l'on considère que leur travail pourrait être facilement assimilé à une co-direction artistique et, de fait, à une coproduction.

Seulement voilà, depuis les débuts de l'ORTF (1964) et en cela influencée par la télévision, la radio publique s'est prêtée, de plus en plus, au jeu de la starisation au détriment de la chaîne de fabrication qui implique une équipe de réalisation. Influencée par la TV certes mais aussi par la radio privée qui n'a eu de cesse de fabriquer des vedettes sans que ne soient jamais nommées les équipes qui permettaient à la vedette de briller, comme si de ses seuls petits bras vaillants elle était capable de “faire de la radio”. “Être vu“ ajoute à la discrimination de la radio filmée et de la radio… sans image. Dans les deux cas Attapro, chargé.e.s de programme, réalisatrices  ou réalisateurs ne sont pas en studio et totalement invisibles.

Pourtant il aurait été juste que productrices et producteurs impliquent plus, dans le déroulé des émissions à l'antenne, ces "petites mains" - grosses têtes -, véritables chevilles ouvrières de la fabrique de la radio. Pour redonner au "faire ensemble” tout son sens et envoyer aussi un message clair aux auditrices et auditeurs pour qu'ils n'attribuent plus la seule réussite d'une émission à sa "figure visible”. 

2 commentaires:

  1. et les documentalistes de RF ;)

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    1. Bjr, c'est juste ! J'ai déjà traité du sujet ! Ici mon propos était lié à une équipe de réalisation d'une émission. Mais de fait les documentalistes sont indispensables à la rédaction comme aux programmes !

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