Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert
23. Réseau ou uniformité ?
En mars 1986, les élections législatives conduisent une nouvelle majorité gouvernementale au pouvoir : c'est le début de la "cohabitation", Jacques Chirac est premier ministre. François Léotard succède à Jack Lang au Ministère de la Culture et de la Communication et bien évidemment, propose une nouvelle loi sur l'audiovisuel. La CNCL qui succède à la Haute Autorité et dont la composition favorise désormais la droite, remplace Jean-Noël Jeanneney par Roland Faure à la Présidence de
Radio France (1). Le réseau des radios locales du service public représente alors 36 stations.
La politique du nouveau Pdg tranche nettement par rapport à celle de son prédécesseur :
journaliste, ancien rédacteur en chef de l'Aurore, Roland Faure a été patron de l'information à Radio France avant 81, pour créer finalement CVS (2) en 1982. Politique musclée résolument tournée vers le "tout info" : ainsi naîtra France Info en 1987 sur les cendres de Radio 7 sacrifiée pour la cause…
Quant aux locales de Radio France, les chiffres illustrent de façon têtue ce changement radical d'orientation : 36 stations ont vu le jour entre 1980 et 1986, il n'y en aura que six nouvelles les deux années suivantes, Cherbourg et La Rochelle en 1987, Auxerre, Chambéry, Reims et Tours3 en 1988.
La période qui suit n'est peut-être pas la plus reluisante pour la décentralisation de la radio du service public. Les structures sont en place et fonctionnent mais les efforts d'économie constamment demandés à Radio France se traduisent par une transformation sourde de la politique éditoriale. Alors que l'objectif initial de la décentralisation supposait que les stations locales jouissent d'une relative autonomie et jouent des particularités et spécificités régionales, les directions qui vont se succéder à partir de la fin des années 90 tendent au contraire à uniformiser le réseau. Et sous le prétexte, compréhensible, d'une meilleure identification mais jacobinisme chronique aidant, on
normalise les antennes jusqu'à imposer des programmes identiques ou peu s'en faut, pour tout le monde.
La première grande étape de cette normalisation apparaît en 2000, à l'initiative du Pdg Jean-Marie Cavada, avec le "Plan Bleu". Mystérieuse et malheureuse (4) appellation d'une étude interne qui visait alors à réorganiser le réseau, à dégager des économies et à faire jouer la synergie entre les stations nationales et les locales. On réunit finalement ces dernières sous le nom générique de France Bleu (sans e), y intégrant la station parisienne Radio Bleue pour en faire la tête de réseau d'où partiront des émissions communes entre midi et 14 heures ainsi que la nuit. C'est l'occasion d'une révision et d'une extension des zones d'écoute par l'utilisation d'émetteurs jusque là réservés notamment à certaines stations FIP : ainsi vont disparaître les FIP de Lille, Lyon, Marseille, Metz et Nice au profit,
pour les deux derniers, des locales de France Bleu Lorraine Nord et France Bleu Azur. C'est aussi, pour les programmes, l'occasion d'un début d'uniformisation qui ne fera que se renforcer jusqu'à aujourd'hui.
Demain dernier épisode : "Et maintenant ?"…
(1) L'influence de Jacques Chirac sur cette décision n'est pas négligeable… Décidément, l'indépendance de l'audiovisuel est bien fragile devant le politique !
(2) Canal Versailles Stéréo qui deviendra plus tard OFM et plus tard encore Europe 1 Sport. Fermeture en 2010,
(3) Radio France Tours naît de la transformation du FIP Plus Tours créé en 1985 à partir de l'ancien studio tourangeau de FR3 3 Centre,
(4) Nom donné à un complot anti-communiste qui préparait la prise du pouvoir en 1946 et 1947.
© Gérard Coudert/Radio Fañch
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