Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert
22. Un nouvel élan
Au matin du 1er janvier 1983, dans les stations qui la veille s'appelaient encore FR3 Radio… (1) les animateurs ouvrirent l'antenne avec un brin d'émotion : "Bonjour, vous écoutez Radio France…" Mais il ne faudrait pas croire que le quotidien de ces stations en fut aussitôt transformé ! L'application de la loi du 29 juillet 1982 qui transférait à Radio France les locales de FR3 ne prévoyait pas de modification immédiate.
Radio France, menait depuis 3 ans une politique de décentralisation. Forte de ses trois locales "expérimentales" en Mayenne, dans le Nord et à Melun, Radio France avait poursuivi ses implantations par la création ex-nihilo de 7 stations en 1982 à Avignon, Belfort, Châteauroux, Guéret, Nice, Périgueux et Quimper ; ce n'est qu'à partir de 1983 que les ex-FR3 vont connaître un sort meilleur avec, pour commencer, l'ouverture de Bordeaux, Clermont-Ferrand et Grenoble. Cette même année on inaugure également Mont de Marsan et Valence (2).
On peut expliquer cette longue attente d'une part suite à l'accord que passent Radio France et FR3 pour une cession définitive de la radio au 1er janvier 83, mais également par les dispositions particulières de la loi de juillet 82 qui prévoit la création prochaine de Sociétés régionales de radiodiffusion (3)… Malgré les demandes empressées de Radio France qui souhaiterait que trois de ces sociétés régionales voient le jour avant la fin de 1983, les décrets d'application tarderont tant à sortir que ce projet sera discrètement enterré !
Dans ce contexte, le nouveau Président de Radio France, Jean-Noël Jeanneney nommé en octobre 1982, met en place une vraie politique régionale et crée le "Secrétariat général à la décentralisation" : Didier Béraud qui a refusé le titre de Direction parce que, dit-il "la décentralisation ne se dirige pas depuis Paris", l'animera jusqu'à fin 86. Le plan de décentralisation prévoit l'ouverture annuelle de 5 à 7 stations aux dimensions diverses, rurales, urbaines, départementale, de pays… selon les caractéristiques géographiques et socioculturelles de la région concernée.
Pendant quatre années, Radio France connaît alors une véritable stratégie régionale tant sur le plan éditorial que sur celui de son développement. Vont naître ainsi - ou renaître pour certaines – 6 stations en 1984 (Limoges, Lyon, Montpellier, Nancy, Rennes et Toulouse où cette création se fait au détriment d'un FIP qui ne décolle pas), 8 en 1985 (Amiens, Bastia, Bayonne, Marseille, Nantes, Orléans, Pau, Strasbourg) et 7 en 1986 (Aix-en-Provence, Besançon, Caen, Dijon, Nîmes, Perpignan, Rouen). Ce qui porte à 36 le nombre total des locales de Radio France fin 1986.
On retiendra de cette période la détermination d'une Présidence, d'une direction générale (5) et d'un "Secrétariat à la décentralisation" qui contre vents et marées tiennent le même cap, et établissent le principe de la radio locale sur une relative autonomie et le respect des particularités régionales.
Demain : "Réseau ou uniformité"…
(1) FR3, suivi généralement du nom de la ville ou de la région…
(2) Les nouvelles radios de Radio France ne s'appelleront systématiquement "Radio France…" qu'après 1983. Ainsi à Quimper, la station créée le 3 août 82 est d'abord baptisée "Radio Bretagne Ouest – Breiz Izel",
(3) Voir épisode 21. L'article de la loi est abrogé en 1986
(4) Déclaration de JN Jeanneney : réunion FR3 - Radio France et organisations syndicales : 22 octobre 1982
(5) Jean Izard (1929-2011), Directeur général, est entré à la RTF en 1960.
Rouen. 1986. J'y étais ! Tout commence par une petite annonce dans le journal local Paris Normandie : Radio France cherche animateur, etc... Réponse à l'annonce (inconscience ? Prétention ?). Maquette demandée faite dans la cave d'un ami. Convocation à un premier entretien avec Jean Chouquet (Jean qui ?...). Stage de 10 jours (intense, super, efficace, souvenirs inoubliables, avec le dit Jean Chouquet et son acolytes Gilles Davidas, les maîtres !). Embauche. Premiers pas à Radio France (dans les locaux de... France 3 Haute Normandie, sous les toits) : animation quotidienne de la tranche 8h30 - 11h + animation émission culturelle le dimanche, 9h - 11h. Directeur : Claude Mantoux. 9 juin 1986 : nuit blanche, trac intense. Animation pure, petites annonces, jeux, plusieurs chroniques à écrire (consommation, santé ou je ne sais plus), reportages, billets d'humeur... Directeur : Claude Mantoux. En régie, Jacques Santamaria, à l'époque Directeur des programmes du "réseau" naissant. On était là pour tout casser ! Résultat : 0,5% d'audience sur Rouen, on n'a pas cassé des briques. En revanche, on a tout appris car on faisait tout : programmation musicale, montage, mixage, interviews, reportages, documentaires, écriture de jeux, de billets, de chroniques, de sketchs et même, un an plus tard, d'un premier "feuilleton" en 85 épisodes de 5 minutes (Marianne Kramer ou l'histoire d'une vie), puis une première collaboration avec l'Atelier de création de Nantes (Le baladeur des rails, une série policière de 5 épisodes, adaptation et réalisation) et enfin la rencontre avec son nouveau patron : Gérard Coudert... Mais ça, c'est une autre histoire ! Christian Clères
RépondreSupprimerMazette !!! Assez content que tu ais pris la plume pour nous raconter tout ça. Chouettes souvenirs et Gilles Davidas (que je préviens de ce pas) appréciera !!! Merci Cheistian et bel été...
SupprimerRouen, la ville de Jean, ou un matin, rentrant de l'école, sa maison avait disparue, détruite par une bombe, la guerre venait d'en faire un orphelin et un pupille de la nation.Nous avons refait le parcours...émotions.
SupprimerJe me souviens bien de toi Christian, et de ce stage....Jean m'avait filé la responsabilité de ce stage, pour finir ma formation de formateur
Salut Christian, c'est bien de faire partager tes souvenirs....je crois que si une entreprise perd sa mémoire, elle perd son âme!
gd
Merci Gilles, pour ce message. Comme tu as raison, mais ce qui vaut pour une entreprise, vaut pour chacun d'entre nous ! Mémoire et gratitude envers tous ceux et celles qui nous ont permis, nous petits gars et filles de province, d'accéder un jour à l'inconcevable, l'inaccessible, et de changer nos destins. En ce qui me concerne, tu as été, avec Jean Chouquet, le premier à me donner ma chance. Viendront ensuite Claude Mantoux, Gérard Coudert, Jacques Santamaria, Alain Tibolla, Claude Villers, Monique Desbarbat... Ils ne sont pas si nombreux, ceux qui jalonnent nos vies professionnelles et nous font grandir. Je perdrais mon âme si j'oubliais comment et grâce à qui ce parcours radiophonique, modeste mais de mon point de vue incroyablement génial car inattendu, a été possible. Christian Clères
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