dimanche 24 avril 2022

Frehel… le bon cap !

Olivier Chaumelle, documentariste à France Culture, nous offre une jolie fresque mémorielle de Frehel, chanteuse réaliste (1891-1951). Telle qu'elle est et surtout telle qu'elle a été. Mais puisque le documentaire (réalisation Marie Plaçais) s'intitule Marguerite Boulc'h, je commencerai par vous parler des origines finistériennes de la chanteuse…

Marguerite Boulc'h












Boulc'h voilà un patronyme pas facile à prononcer en français. Chaumelle et quelques autres disent - par défaut - Boulch(e) quand, en breton, on dit Boulrr (le c'h se prononce comme en allemand !). Ses deux parents sont natifs de Plougasnou (comme l'était Michel Le Bris d'ailleurs). Et Boulc'h, s'il fallait traduire, veut dire entame (du pain, par exemple qui donne le croûton). Ici, comme pour plusieurs patronymes bretons, ce mot renseigne sur une particularité physique qui là concerne le visage et qu'on peut traduire par "bec de lièvre" (ou déformation de la bouche). Ce n'est pas le sujet je ne vous traduirai donc pas les Penneg, Frieg, et autres Skouarneg (en breton eg se dit ek).

Chance, ce doc s'inscrit dans "Toute une vie". On peut profiter d'un récit de 58' consécutives plutôt que les deux tranches napolitaines d'Une histoire particulière, découpée de façon inutile. Audibles l'une le samedi, l'autre le dimanche. La grosse ficelle de la recherche de "clics" est très voyante et ridicule !!!! 

Chaumelle et sa réalisatrice ont réuni les témoignages sensibles pour faire émerger Frehel parmi les chanteuses réalistes de l'époque. Même si, sans mauvais jeu de mot, Damia tenait aussi le haut du pavé ! Arte avait diffusé un très joli documentaire sur la dame en noir (voir teaser ci-dessous).

Connu pour son sens des formules à plusieurs sens, Chaumelle parle d'un personnage en puzzle. Cécile Maistre-Chabrol rétorque "Elle était dépuzzlée, elle. Entière et dépuzzlée". Bigre ! On ne cherchera pas à recomposer ce puzzle, le documentaire brossant bien les visages (c'est la cas de le dire quand chacun reconnaît que le physique de Frehel s'est beaucoup transformé). Quand est évoqué "Pépé le moko" (Julien Duvivier, 1937), je me rappelle cette scène, très émouvante" où Frehelaprès avoir placé le 78t sur le phonographe, chante par dessus sa chanson "Où est-il donc ?".

Réaliste aussi dans son propre dialogue. Ce réalisme est poignant car il dit aussi bien la misère que la légèreté, le malheur que les guinguettes, le bonheur que la fatalité. Frehel c'est un flot d'images en N&B. De la vie ouvrière, des fortif's, des voyous et autres gigolos. Du peuple de la marge. Des filles de l'eau. Et de la coco. De la rue propice à toutes les aventures et toutes les tragédies. De la nostalgie en sautoir…

Frehel, telle qu'elle est, elle me plaît.

Les mordus se reporteront aux 6 épisodes de Martin Pénet sur France Musique. Et là encore !

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