C’est dimanche. 7h au soleil. Face à l’océan Atlantique. Bleu marine. Ciel bleu parsemé de blanc. Soleil au coin de l’œil gauche. J’écris dehors et le petit vent ne m’empêche pas d’effleurer les touches du clavier. En fond sonore en dessous du ressac, Fip, pour être à la fois dans la radio et… en dehors ! J’ai continué toute la semaine à m’interroger sur ces pathétiques «chaises musicales» de la matinale augmentée de France Inter (7h/10h, du lundi au jeudi). Je n’en démordrais pas, les transferts Salamé/Devillers ou Devillers/Salamé, ne peuvent pas être analysés comme, pour chacune, un simple changement de case. Et, outre l’accaparement des journalistes des heures autrefois dévolues aux programmes, on peut y voir un effet star/tête de gondole au détriment d’une cohérence éditoriale sur la moyenne ou longue durée.
Échangeant avec une amie journaliste très pointue sur les médias, celle-ci contesta assez vite le verbe de reléguer que je destinais à Devillers (l’interview de 7h50). Affirmant que cette case était en tête des audiences de la matinale, et que le transfert de Devillers pouvait se lire comme une… promotion. Pour autant pouvons-nous considérer ça comme tel ? Installer une nouvelle émission à la rentrée 2022 à 9h10 et réaliser pendant 20’ des interviews à la fois très people et d’actu chaude ne méritait-il pas pour son animatrice Sonia Devillers, de prolonger a minima une saison supplémentaire ? Particulièrement, si à l’écoute, on constate que Salamé fait strictement la même chose que sa consœur. Avec un tout petit peu moins d’empathie et quelquefois plus de distance avec son sujet.
Frédéric Potet dans Le Monde (1) a trouvé le bon verbe pour qualifier le déplacement dans la grille de l’humeuriste belge. «Délogée par la direction de France Inter de son créneau de fin d’après-midi, l’humoriste et journaliste belge occupe pourtant plus que jamais l’antenne de la radio publique». Donc Devillers aura donc été délogée mais, à la différence de sa consœur belge, on pourrait écrire «elle occupe moins que jamais l’antenne de la radio publique». Ça mange du pain ! Et le seul argument d’une bonne exposition médiatique apparait un peu dérisoire si le sifflet a été coupé.
Léa Salamé n’aura pas beaucoup eu besoin d’intriguer pour se voir offrir deux émissions supplémentaires, Adéle Van Reeth sûrement sous le charme de la journaliste exposée à la télévision (2) et très courtisée par la concurrence radiophonique. Les exemples de « changement de cases » ne manquent pas à France Inter et plus récemment à France Culture (3). Un big-bang était intervenu quand en 1983, Jean Garretto (4), nouveau directeur d’Inter avait déplacé les barons de l’antenne dans des cases inattendues. Arthur, Bouteiller et Chancel pensaient les leurs immuables. Associés à Claude Villers ils ont mené une fronde que, six ans plus tard, Bouteiller devenu à son tour directeur d’Inter, fera payer très cher à Garretto en retirant des programmes de fin de semaine L’Oreille en coin.
Plus proche de nous, en 2021, Katleen Evin a du céder son Humeur vagabonde et sa place quotidienne à 20h15, à Laure Adler, diva absolue de Radio France. Mermet avait du subir sa relégation à 15h après nous avoir quotidiennement emmenés Là-bas à 17h. Vanhoenacker a perdu quatre chroniques matutinales à 7h55, puis la case du 17h ! Lebrun sa quotidienne Marche de l’histoire pour une hebdo le samedi. Vous en voulez encore ?
En conclusion, la journaliste Léa Salamé a beaucoup plus de pouvoir qu’Adèle Van Reth en imposant plus d’une heure dans le 7/10 d’Inter. L’esprit de corps a du disparaître et c’est sans scrupule que Salamé peut pérorer en lieu et place de Devillers, délogée/reléguée à jouer les bons offices, pouvant espérer (peut-être) recevoir la médaille en chocolat des audiences Mediametrie ! En novembre, les résultats de cet institut de sondage confirmeront les bonnes ou mauvaises exigences de Salamé et la bonne ou mauvaise décision de Van Reeth de s’y plier.
(1) «Un apéro avec Charline Vanhoenacker », 21 septembre 2023,
(2) À France Inter ça a de tout temps motivé les directeurs de programme et particulièrement Laurence Bloch convaincue qu’on fait de la bonne radio si on existe à la TV. Pourtant la misère éditoriale de l’émission d’Antoine de Caunes ou la facilité de la bande pas du tout originale d’un Nagui démontrent le contraire !
(3) Mais aussi inter-chaines de Culture à Inter, d’Inter à Culture, de Culture à Musique, de Musique à Inter et ainsi de suite…
(4) Co-créateur avec Pierre Codou sur France Inter de l’Oreille en coin (1968-1990) et de Fip (1971),
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