Il arrive qu'au détour d'un festival de radio, on croise des gens de radio, ceux qui font la radio, au micro et… dans l'ombre. On écoute beaucoup. On cause beaucoup. Si l'un d'entre eux, l'une d'entre elles vous demande "T'as écouté mon dernier doc ?" et, si ce n'est pas le cas, vous pouvez, confus, les assurer que vous ne manquerez pas d'écouter. Promis, juré. Autrefois pour "Sur les docs" (1) ça ne me serait jamais arrivé. La formule "LSD" et ses quatre heures obligées a non seulement fait diminuer le nombre des productrices et producteurs mais n'a surtout pas levé l'équation "pourquoi faire quatre heures quand on a seulement deux heures solides ?" et "pourquoi faire quatre heures quand six seraient nécessaires ?
Véronique Sanson "De l'autre côté de mon rêve" 50ème anniversaire |
Jérôme Sandlarz, documentariste, dont il m'est arrivé d'évoquer ici les réalisations, m'avait donc en février dernier incité à écouter sa série "Les tubes de ma vie". Rien que le titre donnait envie de s'y plonger quand, comme pour moi, les tubes de ma vie ont été les marqueurs indélébiles de mes époques. Voyons comment ce jeune homme va nous inciter à remonter le temps.
Ça commence très bien puisque "pour une fois" Véronique Sanson ne "chante pas" se contentant sur "Chanson sur ma drôle de vie" (2), au piano, de fredonner sur sa musique. Très bonne intro et déjà joli clin d'œil aux années 70 qui posent l'ambiance et une délicate légèreté qui, non seulement donnent envie de chanter mais aussi de sourire. C'est un peu ça le charme d'un documentaire, vous attraper immédiatement par l'oreille et ne plus vous lâcher jusqu'à écouter les quatre épisodes en continu.
Alors, forcément, pour le premier épisode, de "Belles, belles, belles" (Claude François) à "Banana split" (Lio) il y a de quoi faire virevolter la mémoire. Constater qu'on n'a pas oublié les paroles des plus grandes scies (tubes) comme des chansons un peu oubliées mais si présentes quand, dès l'intro, on chante. La bonne affaire qu'ont mis en place Sandlarz et Agnès Cathou, sa réalisatrice, est d'avoir été chercher l'origine des chansons. Le parolier, l'arrangeur, l'interprète. Cette fabrique-là et ses petits secrets font un joli tout, précieux qu'on rangera bien vite dans une boîte (à musique) pour n'en rien oublier.
Toute la série file ce bon coton-là. Les émotions sont fortes. Comme Sandlarz le dit si bien, on y retrouve ses propres larmes et ses joies furtives. Tant d'instantanés portés en sautoir autour du cou. Prêts à raconter "la première fois que j'ai entendu cette chanson…" et surtout à se laisser bercer par l'époque fut-elle quelquefois tragique ou sombre ?
Ces "lieux de mémoire" mériteraient une quotidienne, un clin d'œil de 10/12 minutes, s'intercalant dans une grille de programme à laquelle manquent aujourd'hui la légèreté et un pas de côté salutaire et vital. Comme ont pu le faire, en hebdo, sur France Culture François Régis Barbry et "La mémoire en chantant" ou Karine Le Bail et "Les greniers de la mémoire" sur France Musique.
Une pastille pour conjurer le sort d'un monde en perdition. Sandlarz pourrait postuler. Il a sûrement dans sa malle à chansons des trésors et des trouvailles qui, avec celles de Fanny Leroy, collaboratrice d'écriture, donneraient de quoi flâner, fredonner une saison entière et plus… si affinités.
(1) À la rentrée 2006, l'émission documentaire est créée par Pierre Chevalier (venu d'Arte). Elle a lieu du lundi au jeudi d'abord à 16h puis à 17h sur France Culture. Le directeur de la chaîne est David Kessler (2005-2008) qui a succédé à Laure Adler (1999-2005). Longtemps coordonnée par Irène Omélianenko, elle prendra fin en juillet 2016. SLD deviendra LSD (on pleure encore d'une trouvaille aussi bidon). la directrice de l'époque S. Treiner imposera aux productrices et producteurs "quatre heures obligatoires" pour proposer un documentaire. Autant dire que cet impératif - anti créatif - cachait l'idée formelle de diminuer de façon drastique les documentaristes !
(2) Maquette de 1972
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