Bon ça fait neuf ans, neuf ans qu'année après année, je suis les "Retour de plage" de Thierry Jousse dans le programme d'été de France Musique. Je me régale toujours et découvre - encore surpris - des choses qui m'avaient échappées. Mais hier soir je pense qu'on a atteint le Graal. Le haut du panier. La crème de la crème. Il se trouve que Jousse proposait la première émission d'une série de trois sur l'année 1974. Et il se trouve que cette année-là je m'en souviens particulièrement bien. J'étais jeune (et fringant) et je passais beaucoup de temps à écouter de la musique.
Jousse a tiré le fil de sa pelote. Calmement, sans aucun accroc avec des enchaînements qui m'ont laissé baba. Mais pas baba comme un ravi de la crèche, baba comme un aficionado qui connaît ces musiques-là et qui n'avait pas encore eu l'occasion de les enchaîner de cette façon-là. Allez on commence avec le "Sweet thing" de David Bowie le bon socle pour entamer un tour de piste dans les étoiles. On poursuit avec son pote Lou Reed qui malgré son titre "Ennui" est dans la bonne veine d'une balade à la mode des années 70. On reste dans le ton avec John Cale "Ship of fools". Jousse n'a pas démarré sur les chapeaux de roue d'un rock rageur mais a osé sortir des sentiers battus.
Et bam, arrive John Lennon qui (pov' chéri) ne s'en remet pas d'une séparation avec Yoko Ono et qui lui susurre 'Bless you" (Sois bénie). Alors forcément on ne pouvait pas, derrière, ne pas enchaîner avec un George Harrison, "Far east man", cool, définitivement imprégné de la philosophie du Maharishi Mahesh Yogi, gourou des Beatles. Tout ça ne pouvait mener qu'à "Get ready" de Mr. Eric Clapton lui-même. On était prêt à se planter sous la lune Cajun (Cajun moon) de J.J. Cale. Et si toutes les lunes se ressemblent la "Spanish moon" de Little Feat marque sa différence. Peut-être parce que celle-ci était… nouvelle.
On en vient à une des pépites qui illustre ce billet le "Pretzel logic" de Steely Dan. Et comme le notait à juste titre Jousse, ce disque comme quelques années plus tard "Aja" puis "Gaucho" donne le ton des Californiens au summum de leur art. On trouvera futé que le producteur enchaîne avec Linda Ronstadt "You're no good", Ronstadt que Bernard Lenoir me fera découvrir dès 1978 dans Feedback sur France Inter. Subtil d'enchaîner avec Joni Mitchell, "Court and spark" dont à la première écoute j'ai trouvé la voix plus grave que pour ses enregistrements suivants.
Ça y est on a débarqué à Laurel Canyon (quartier de Los Angeles), repère hippie et de musicos des belles années d'avant la moitié des 70'. Là, Neil Young se la joue farniente avec son "On the beach" enchainé par "Diamonds on my windshield" de Tom Waits. Et quel plaisir d'attraper au vol "Tamp 'em up solid" de Ry Cooder. Tout est raccord et fluide. Logique ! Autant que "Hold on i'm comming" de Jerry Lee Lewis comme le "When i was young" de Memphis Slim. On passe allègrement du folk au rock en passant par le blues. On est tellement dans l'époque. Tellement en 1974 que les cinquante années qui nous en séparent semblent datées juste d'avant hier.
Et voilà Boz Scaggs et son "Hercules", ce Boz qu'à nouveau l'ami Lenoir m'avait fait découvrir en 1980 avec "Jojo" et la fabuleuse pochette de son 33 tours "Middle man" signée Richard Avedon. Johnny Bristol que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam fait le job avec "On in there baby". Pour mieux se fondre avec Bobby Womack "I don't wanna be hurt by ya love again" de quoi faire un clin d'œil à son "Across 110th street" qui ouvre magnifiquement "Jackye Brown" de Quentin Tarantino. Bill Withers viendra agréablement ponctué l'affaire avec "Can we pretend" qui annonce "The edge of a dream" de la grande Minnie Riperton. Je ne savais rien d'Otis Shuggie "Rainy day" mais c'est parfait et subtilement dans le ton de Minnie.
Jousse quand on croit "tout connaître" nous débusque de derrière les fagots Little Beaver et un "Let the goodtimes roll", sûr qu'en ce moment on aimerait laisser le bon temps rouler. Cerise sur le gâteau les Isley Brothers nous mèneront doucement vers la fin de l'émission avec "Hello it's me" que "Caroline" de Gladys knight and the pips allonge délicatement. Et pour finir Thierry Jousse conclura avec une de ses idoles, Curtis Mayfield "Ain't go time". Ce n'est pas le moment et ce ne serait jamais le moment de conclure. Rendez-vous aujourd'hui à 18h pour la suite de la série 1974 et félicitations à Thierry Jousse pour sa programmation "on the top".
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