Ce soir, cette nuit, - devrais-je dire ? - je sens bien que l'endormissement ne viendra pas. Instinctivement, j'allume "Les nuits" de France Culture. On verra bien. Et mieux, on entendra bien. Pile, c'est une voix familière du Pays d'ici qui, plus encore parce que c'est la nuit, donne le frisson. Rappel : "Le pays d'ici" c'est un manège, un carrousel de voix qui au long de l'année (1984-1997) nous balade de France en France. De chemins buissonniers, en départementales, de départementales en nationales. Un moment suspendu, un feuilleton, un long Tour de France que l'on doit à l'intuition de Jean-Marie Borzeix, directeur de France Culture (1984-1997) et à celle qui en fut la coordinatrice : Laurence Bloch.
Cette voix, celle de Marie-Paule Vettes, bouleverse quand, depuis tant d'années, on a pris l'habitude de cheminer avec elle, comme c'est le cas avec quelques autres du "Pays d'ici". Vettes c'est sa façon d'entrer dans le sujet, sa délicatesse aux mots prononcés, son empathie pour celles et ceux qu'elle rencontre. C'est une alchimie improbable et grisante. On marche. On irait même n'importe où, juste pour le plaisir d'être guidé et d'écouter sans ne plus rien dire.
Ces 30 et 31 juillet 1991, il y a pile trente-trois ans (on se pince !) "Le pays d'ici" faisait escale à Conques (Aveyron) et là on se dit "Il y a sûrement quelque chose à faire" comme le clamait Pierre Bellemare, bateleur d'Europe 1. Il faut y retourner. Prendre la mesure des changements, des évolutions, de tout ce qui en plus d'un quart de siècle a définitivement disparu et ce qui, malgré tout, est apparu. Faire comme pour les missions photographiques du Ministère de la Culture, rendre compte d'un nouvel état des lieux.
Je vais transmettre ce billet à Madame Emelie de Jong, directrice de France Culture, car le patrimoine ethnographique, sociologique, historique et géographique que la chaîne a accumulé mérite d'être confronté au présent pour en comprendre les mutations lentes et quelquefois très rapides qui ont marqué la "physionomie de la France". Si Borzeix avait su "déparisianniser" sa chaîne il faut à nouveau que France Culture sorte des studios et aille à la rencontre de celles et ceux des fins fonds des terroirs.
À Conques on peut déjà imaginer les bouleversements comme ce qui pourrait avoir subsisté. À l'écoute on mesure l'accélération "du monde" et comment l'identité d'un "pays" a pu basculer (violemment ?) dans la modernité du XXIè siècle. Deux jours plus tard (1er et 2 août 1991) Marie-Paule Vettes a couru vers l'Aubrac (et une nouvelle nuit d'insomnie, la nuit dernière). C'est le même enchantement à l'écoute des autres et à ce temps pris sur le temps pour décrire un "pays"singulier". "Tout ce qui subsiste d’intégralement exotique dans le paysage français me semble toujours se cantonner là. C’est comme un morceau de continent chauve et brusquement exondé qui ferait surface au-dessus des sempiternelles campagnes bocagères qui sont la banalité de notre terroir." écrit Julien Gracq au sujet de l'Aubrac.
Ça valait le coup de ne pas dormir et de s'offrir ce voyage en terre connue. Clin d'œil sympathique en fin d'émission, Marie-Paule Vettes désannonce en faisant la passe à Marion Thiba qui sera la semaine suivante à Paimpol. On ne quitte pas le manège enchanté !
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