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Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.
Le Livre blanc… |
19. Le ministre, la piscine et l'apprenti révolutionnaire…
Il y a cinquante ans, jour pour jour, le lundi 8 janvier 1968, le Ministre de la Jeunesse et des Sports du gouvernement de Georges Pompidou, François Missoffe, va "plonger dans la piscine" ou plutôt prendre un bain de jeunesse… sexuelle auquel visiblement il ne s'attendait pas. Son "Livre blanc de la jeunesse" publié depuis le mois précédent commencera par faire quelques vagues à Nanterre (92)…
Daniel Cohn-Bendit, étudiant (1) : "Monsieur le ministre, j’ai lu votre Livre blanc sur la jeunesse. En trois cents pages, il n’y a pas un seul mot sur les problèmes sexuels des jeunes." Après quelques répliques assez sèches de part et d’autre, le ministre s’échauffe : "— Avec la tête que vous avez, vous connaissez sûrement des problèmes de cet ordre. Je ne saurais trop vous conseiller de plonger dans la piscine. — Voilà une réponse digne des Jeunesses hitlériennes " (2). Ce bref "dialogue" au bord d’une piscine est resté dans la mémoire collective comme un des signes annonciateurs de Mai 1968. Tout concourut, il est vrai, à assurer à l’épisode une certaine postérité : le cadre, l’université de Nanterre le 8 janvier 1968, l’un des protagonistes qui se nommait Daniel Cohn-Bendit et enfin le sujet de l’altercation, la sexualité juvénile, qui ne pouvait que rencontrer un certain succès alors que s’imposait l’idée que Mai 1968 avait d’abord été une révolution des mœurs. (3)
Le décor est planté. Extrait de l'introduction du Livre blanc. "Certes les conflits de générations ont toujours existé et se sont presque toujours résolus sans conduire à des situations révolutionnaires (sic), celles-ci étant plutôt le résultat de conflits économiques dans lesquels les partis antagonistes se recrutaient parmi toutes les générations. Mais les problèmes économiques et sociaux qui se posent à l'humanité en ce derniers tiers du XXème siècle peuvent précisément donner aux vieux conflits psychologique une teinte particulièrement dramatique et une force explosive (re-sic) (page 12). "Explosive", en effet ! L'auteur de l'introduction ne croyait sans doute pas si bien dire !
Si Cohn-Bendit pointe bien la très grosse faille de l'état des lieux de la jeunesse française, il est intéressant, avec cinquante ans de recul, de se replonger dans sa lecture. Comme si l'ensemble des contributions avait permis d'évaluer en creux l'aspect insurrectionnel qui ne tardera plus à se manifester dans les mois à venir. Un extrait de la conclusion "On conçoit que la contestation des jeunes porte sur les structures morales, sociales, culturelles, etc. qui semblent caractéristiques du monde des adultes, et que le désir de s'émanciper des tutelles se manifeste dans l'originalité des manières d'être ou des manières de penser, parfois même dans des projets de transformation de l'ordre établi (sic), perçu comme anachronique, et appelant, sur le plan social par exemple, la nécessité d'un progrès général. (page 280)" CQFD.
Par contre sur la radio d'État (ORTF), France Inter, pas un mot dans les journaux du 8 ou du 9. On prendra la peine d'écouter le journal ci-dessous qui décrit bien la collusion du pouvoir et de l'information par un média public !
Merci à Céline Loriou pour son aide et l'accès au "Livre Blanc de la jeunesse" qui m'aura permis de rédiger ce billet… en connaissance de cause !
En exclusivité et intégralité jusqu'au 31 janvier
1) Besse Laurent, "Un ministre et les jeunes : François Missoffe, 1966-1968", Histoire@Politique, vol. 4, no. 1, 2008, pp. 11-11., consultable sur cairn.info,
3) Besse Laurent, "Un ministre et les jeunes : François Missoffe...", op. cit.
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