Louis Dandrel |
Il est fréquent que sur les "zozios socio" tel ou telle vienne plastronner pour conforter France Musique dans ses choix éditoriaux en agitant le mouchoir du cahier des charges qui, selon eux, imposerait à la chaîne la diffusion presque exclusive de musique classique (et d'un peu de jazz). D'où le sortent-ils ce Cahier des Charges ? On pourrait le voir ?
Le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel), qui doit savoir de quoi il parle, dans son "Rapport sur l’exécution du cahier des missions et des charges de Radio France" pour l'année 2016, écrit : "France Musique, un programme musical présentant les divers genres musicaux, favorisant la création musicale et s'attachant à mettre en valeur les œuvres du patrimoine et la musique vivante" (1). Les "divers genres musicaux" c'est clair et précis. Il n'est pas écrit les "divers genres musicaux… classiques" (2).
Pourtant il y a quelques années, libres et inventifs, quelques directeurs ont vraiment secoué le cocotier (classique). Au premier rang desquels Louis Dandrel qui, en deux trop courtes saisons (1975-1977), a su mettre tant de "s" à tant de musiques ouvertes aux quatre vents, aux six au huit, à tous les temps de la musique. Imaginez l'éveil par Caloni (Philippe), la chanson de midi, cinq tons différents pour le jazz, les musiques non-écrites de Pierre Lattes, le folk de Nicolas Cayla et les graffitis du dimanche de Pierre Bouteiller. Imaginez (3)
Et puis ce fut la pathétique polémique du crime de lèse-majesté qu'aurait provoqué Pierre Bouteiller (1999-2004) en ajoutant un "s" au Musique de France Musique. Sans doute le mélomane directeur pensait-il que cet ajout provoquerait la création et la diffusion d'émissions autres que celles consacrées au classique ? Et il fit derechef venir à l'antenne Ph. Manœuvre, le sémillant rock-critic. Bouteiller cultivait l'impertinence et ne se contentait pas de l'écrire sur un slogan ou de l'ânonner dans une conférence de presse.
Depuis c'est comme si "on" avait perdu la mémoire dans quelques greniers… On a surtout perdu la fantaisie, la joie, l'étonnement. Comme pour d'autres chaînes de Radio France on est passé à la norme, au standard, au lisse. Tout ça bien rangé dans des cases bien proprettes qui ne bousculent plus ni les sens, ni le désir de la découverte (4).
Quant au folk, au rock, au blues, au reggae ils n'ont droit de cité que l'été dans "Retour de Plage" de Valéro et Jousse. Cette émission, qui l'hiver pourrait s'appeler "Musique, Musiques", pourquoi n'existerait-elle pas en quotidienne sur la chaîne ? Le jazz a droit à deux heures quotidiennes, pourquoi les autres musiques n'auraient-elles pas droit chacune à leur heure quotidienne (5) ? Pour ça il aurait fallu savoir résister à la tyrannie éditoriale de Schlesinger (Directeur éditorial de Radio France, 2014-2017) qui a imposé à France Musique du classique, du classique et encore du classique. Avec juste une pincée de jazz obtenue de haute lutte !
Mais depuis que Schlesinger a déserté la Maison ronde pourquoi cet ostracisme pour les autres musiques ? Et qu'on ne vienne pas me roucouler que sur Inter ceci et sur Culture cela !!! Où sont-ils ces dimanches soirs où Michka Assayas nous entraînait dans sa ronde pop-rock du "Subjectif 21" (2008-2012) ? À trop privilégier un seul genre de musique l'objectif est clair de vouloir talonner le "modèle" Radio Classique, chaîne privée qui elle ose revendiquer dans son nom son orientation exclusive. C'est insupportable qu'avec pour titre "Musique" la chaîne publique s'enferme dans ce seul genre ou presque ! Si j'avais de l'humour je dirais aux "web radios" thématiques (de France Musique) ajoutons dès demain la "Classique" et proposons vite une grille qui reflètera "la chaîne de toutes les musiques" !
Aujourd'hui France Musique essaye d'avoir l'air mais n'a vraiment plus la… chanson !!!!
(1) CSA, juillet 2017, page 26,
(2) N'en déplaise aux aficionados de la chaîne, qui sur Twitter, en pâmoison permanente, ne supportent pas qu'on puisse solliciter une ouverture plus large à toutes les musiques ! Le CSA précise : "musique classique (environ 80 % du programme musical), dans toute sa diversité – musique ancienne, baroque, classique, contemporaine – et tous ses genres : musique de chambre, symphonique, religieuse, opéra, etc. ; jazz pour 10 % du programme à travers cinq émissions et concerts ; autres musiques pour 10 % du programme (chanson, musiques du monde, rock, comédies musicales),
(3) 1975-1976 : 7/9 "Quotidien musique" (Ph. Caloni), 12/12h30 "La chanson" (J. Erwan), 18h30/19 Jazz avec cinq producteurs tournant dont (Lucien Maison, Alain Gerber, Philippe Koechlin), 0/1heure Pierre Lattès. Samedi de 7/8h "Dans la rue" Nicolas Cayla. Dimanche 9/11h "Musical graffiti" de Pierre Bouteiller. Samedi et dimanche, 18h30/19h30, "La route des jongleurs" par Jean-Pierre Lentin (co-fondateur d'Actuel),
(4) Pour cette rentrée mes choix iront vers Valero ("Repassez-moi le standard"), Jousse ("Ciné Tempo"), Pénet ("Tour de chant"), Duteurtre ("Étonnez-moi Benoît", quand il s'agit de chansons)… Très maigre programmation autour de la chanson pour autant ! Et il n'y a plus d'émissions chansons en tant que telle ni sur Inter, ni sur Culture.
(5) Par exemple de 9 à 10 ou de 17 à 18 h. Et pourquoi pas un "En piste" aux thématiques différentes chaque jour de la semaine : lundi "chansons", mardi "folk", mercredi "latines" etc… ? Avec de fait des producteurs tournants ! Et des dimanches un peu plus swing et fantaisistes dans une grille pétillante !
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