mercredi 26 avril 2017

Dans la famille Mercato je voudrai… le Roi (1)

Chaque hiver la famille Mercato (Radio) hiberne. Chacun dans son refuge. À l'abri des transferts et des affres de l'hiver. Et puis subitement quelqu'un décide de réveiller les endormis. Il y a trois ans, en mars 2014, Christopher Baldelli, patron de RTL, débauchait Laurent Ruquier, d'Europe 1, où ce dernier animait depuis quinze ans un show burlesque en fin d'après-midi. Exit Bouvard le patriarche des Grosses têtes. Vive le freluquet rigolo. Tant pis pour toi Europe 1 qui dormait sur tes lauriers. Et l'effet domino de se mettre aussitôt en branle pour le plus grand plaisir des journalistes médias qui n'eurent plus qu'à supputer, fantasmer et quelquefois ironiser sur le remplacement de telle ou tel, et ce pendant de très/trop longues semaines. Les soap opéras à côté c'est du pipi d'chat ! Cette année-là Baldelli fût sacré Roi. Turlututu chapeau pointu.




La nouvelle est tombé hier après-midi sur les téléscripteurs du monde (médiatique) entier : Frédéric Schlesinger, actuel numéro 2 de Radio France allait prendre les reines d'Europe 1. Schlesinger n°1. Le sommet/summum pour la carrière d'un homme qui connaît bien la radio et qui a notamment dirigé RFM et Europe 2. Deux stations du groupe Lagardère auquel appartient Europe 1. Alors le Roi du mercato ce printemps est incontestablement… Arnaud Lagardère (Pdg) qui, n'en pouvant plus de voir sa station chuter dans les sondages (7,7% de part d'audience, 6ème place derrière RMC), a débauché l'homme qui, à Radio France depuis le printemps 2014, aurait redonné du lustre à France Info et France Inter. Et par effet induit à l'ensemble du groupe public Radio France.

"Vous êtes formidable" (1)
Venu avec Mathieu Gallet (Pdg actuel de Radio France) prendre la responsabilité éditoriale des sept chaînes de la Maison ronde, Frédéric Schlesinger vient remplacer "au pied levé" un Denis Olivennes qui pendant sept ans n'aura eu de cesse de bricoler Europe 1. Sans vision, sans passion, sans âme. Jusqu'au point ultime où l'ensemble des personnels de la chaîne présenta fin janvier une motion. Le moins qu'on puisse dire c'est que Lagardère aura été patient. En sept ans Olivennes aura ruiné une chaîne qui fêtait ses soixante ans l'année dernière. Adieu veaux, vaches, cochons, couvées… Olivennes a tout salopé. Avec morgue, mépris et suffisance. Schlesinger a maintenant la belle tâche de tout réinventer.



"Histoire d'un jour" (2)
Et c'est là que les gazettes entrent en transe. C'est parti pour dix semaines de folie. Pire que les soldes. Alors qu'on vient de bouffer depuis des mois, nuits et jours, la campagne électorale, on offre aux journalistes média de quoi agiter le hochet pour tenir jusqu'à l'été et radoter quelques questions fondamentales du style :
- Qui remplacera Schlesinger à Radio France ?
- Mathieu Gallet pourra t-il longtemps se passer d'un n°2 ?
- Schlesinger débauchera t-il Patrick Cohen de la matinale d'Inter ou Léa Salamé, ou les deux ?
- L'actuel directeur des programmes d'Inter, Emmanuel Perreau, sera t-il aussi du transfert ?
- Nagui, comique troupier bénévole, trouvera t-il enfin à Europe un CDI ?

"Il y a sûrement quelque chose à faire !" (3)
Et d'autres questions tout aussi existentialistes :
- Peut-on, sans vergogne, déshabiller le (service) public pour habiller le privé ?
- Le privé ne devrait-il pas acheter ses "joueurs"  quand il pioche dans Radio France ? (Le montant du transfert abonderait les caisses du service public)
- Pourquoi ne pas oser un vrai Mercato plutôt que d'assister K.O. à la dépouille de la "réserve" publique,
- L'État, après avoir poussé Radio France à entrer dans le bal médiamétrique et publicitaire ne doit-il pas assumer pleinement la logique financière qu'il a ainsi induit ?



J'en passe et des meilleures. Autant de papiers anglés et passionnants, de gloses superfétatoires, de prévisions qui auraient désespéré Madame Soleil, la madame Météo de feu Europe N°1. Europe N°1 qui, aujourd'hui, porterait fort mal son nom ! Voilà donc mes chers auditeurs comment la radio va dans les jours qui viennent se donner en spectacle. Pour résumer, RTL fait son marché à Europe 1, Europe 1 à Radio France et ensemble de chantonner "Je te tiens, tu me tiens par la calculette…"

Et comme l'a dit Ivan Levaï, journaliste, ex-Europe 1, le jour des soixante ans de la chaîne "Salut les Copains" (4). Enfin ceux qui restent !
(À suivre)



Un grand patron de l'info et d'Europe n°1, Maurice Siegel, limogé par Chirac en 1974, raconte à Jacques Chancel, le 27 octobre 1975, son départ forcé de la chaîne. (À l'oreille vous reconnaîtrez la gouaille parisienne du journaliste et une certaine ressemblance avec la voix de Serge July, Libération).




(1) Émission du mythique Bellemare (Pierre), 1956-1960,
(2) Émission de Philippe Alfonsi, 14h/15h, 1973-1980,avec l'utilisation d'archives sonores pour raconter une journée dans l'histoire, 
(3) Slogan de Bellemare pour ses émissions d'entraide,
(4) Émission de Daniel Filipacchi, 1959-1969, (17h-19h).

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