Délégués syndicaux devant l'usine d’Amiens
Crédits : Julie Gacon - Radio France
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Sur ce seul titre "Sur la route des ouvriers de… Whirpool" j'avais envie de comprendre comment, l'émission hebdomadaire de Julie Gacon (Productrice) et Yvon Croizier (Réalisateur), allait "prendre le pouls" de ce "fléau social moderne" qui accable le nord de la France, une fois encore, une fois de trop. Et trop c'est trop. Après Goodyear et la liste infinie des fermetures d'entreprises, manipulées par le "jeu sordide" auquel se livrent les multinationales du profit et de la délocalisation.
"Sensing the difference", le slogan bien creux de la marque pour essorer les subventions publiques ne fait aucune différence avec les pratiques sauvages d'un capitalisme débridé, arrogant et sûr de ses méfaits. Méfaits bien sentis et tellement mal ressentis par des ouvriers, une population, des citoyens lucides et engagés sous la bannière "Picardie debout" du non moins citoyen François Ruffin, genre de Fakir (1) candidat aux législatives de juin prochain.
Une fois n'est pas coutume, dans un dispositif plutôt inhabituel, Gacon et Croizier, avaient réunis dans le studio de France Bleu Picardie deux syndicalistes, un CGT, un CFDT, Ruffin lui-même, après avoir recueilli les témoignages d'un ouvrier "du matin" à la sortie de l'usine, et celui d'Alain Gest, député LR de la Somme. Un seul ouvrier pour témoigner ? La productrice m'a signalé que les ouvriers n'en pouvant plus d'être sollicités par les journalistes et d'être "enfermés" dans la caricature du vote FN (2), ceux-ci avaient déclinés l'invitation à se rendre au micro.
©frantvinfo |
L'émission est intéressante pour le temps qu'elle laisse à chacun de s'exprimer, sans le stress des questions matraquées, oppressantes et brutales. À l'écoute les ouvriers pourraient "regretter" de n'avoir pas profité du micro qui leur était tendu. Mais en même temps redire la détresse, déplorer la fatalité, constater la reproduction infernale des "fermetures d'usines", s'inquiéter de l'avenir, avoir l'inquiétude au ventre, ça sert à quoi ? On comprend. La "simple" dignité et le respect dû imposent d'accepter les points de vue de ceux qui subissent l'infamie, la rage aux tripes.
Habitué aux ambiances qui ponctuent les documentaires et acceptant ici cette forme de reportage, que Julie revendique et dont elle doit faire avec les moyens dont elle dispose, j'ai regretté toutefois de ne pas assez entendre la sortie d'usine, les propos du "café du commerce", les cris des manifs et autres ambiances de travail. Mais la productrice de m'affirmer que son émission n'est pas du tout dans la temporalité du doc, ni dans sa forme éditoriale. Avec son temps "long" pour creuser un sujet, croiser les situations, monter et mixer l'ensemble. Ici on est en reportage.
Mais, mais, mais… France Culture sur un tel "enjeu de société" ne pouvait-elle comme elle sait si bien le faire pour l'histoire ou à Beaubourg, détricoter sa grille et consacrer l'après-midi de ce samedi en multipliant les angles autour d'une "Picardie aujourd'hui". L'urgence n'en vaut-elle pas la chandelle ? Et pourquoi ne pas réinventer un Pays d'Ici (3) hebdomadaire qui, chaque samedi "Sur la route" prendrait le temps et la mesure d'un pays, d'une ville, d'un village ? Je sais, je rêve, c'est beaucoup moins tendance que Beaubourg et que Jonathan Franzen, sise à New-York.
Le Nord, ses habitants, ses créateurs, ses artistes, ses ouvriers, ses pêcheurs, ses paysans, ses collégiens et lycéens, ses chefs d'entreprises, ses écrivains ont beaucoup de choses à dire et à partager. "Sur la route" pourrait dans une formule élargie renouer in situ, sur la longue durée, avec le hors-studio, au plus près du quotidien des Français. Sur la route, "petite goutte d'eau" deviendrait rivière et, très vite, le fleuve descendrait, furieux, sauvage ou tranquille le cours de nos samedis après-midi.
(1) Créateur et rédacteur du mensuel Fakir,
(2) Pratiques journalistiques bien connues dites du "cliché" et des "a priori" tenaces,
(3) Laurence Bloch à la Scam a même reconnu que le "Pays d'ici" avait une certaine forme documentaire,
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