mardi 25 juillet 2017

Vers Bruce Springsteen : grande traversée… (2/5)

Deuxième volet de la Grande traversée avec le Boss. Judith Perrignon tourne autour de son "sujet" et tourne bien. On entre vite dans la ronde et, ces heures de matin d'été, nous pouvons les consacrer à l'écoute exclusive d'un chant et contre-chant des États-Unis que Springsteen a sublimés… (1)


Avec Vini Lopez au Convention Hall, ©Judith Perrignon
Radio Fañch : Sans l'avoir rencontré vous continuez à développer notre/votre imaginaire autour du bonhomme Springsteen…
Judith Perrignon : Oui, je pense qu'il nous laisse assez d'indices dans ses chansons, des petits cailloux pour connaître le chemin, pour prendre le bon chemin. Dans cette "Grande traversée" il y a des voix et des personnages qui sont dans ses Mémoires. Ils ont pris "cher" au micro car nous avons passé beaucoup de temps avec eux, quitte à rentrer dans l'histoire de ces personnages aussi. Ils sont de la même génération, ont croisé la guerre du Vietnam, ont eu des pères compliqués. Et on retrouve comme ça toute une époque et toute une génération à travers eux. Même si ce sont des personnages de l'ombre. On était très très émus en les écoutant et on a beaucoup ri aussi.

R.F. : Comment décririez-vous "sommairement" (c'est horrible de dire ce mot) Springsteen, c'est quoi votre image sensible ou les mots qui "brut de décoffrage" décrivent le "mieux" le chanteur et l'écrivain de chansons ?
J.P. : Un mot c'est compliqué ! Il y a quelque chose de très viscéral chez lui auquel je suis très sensible. Il y a quelque chose presque de laborieux [pour son écriture, ndlr] au bon sens du terme. C'est quelqu'un qui travaille énormément, qui écrit sans cesse. C'est pas quelqu'un de léger en fait. Moi j'aime ça. Il a une place à part dans le rock. Il ne peut pas être déjanté, c'est pas possible. Quelqu'un nous a expliqué qu'il est né outsider et moi j'aime ce type qui s'accroche. J'ai mis des mots sur des choses que je sentais que je n'aurais pas réussi à nommer. Il a fallu travailler toutes ces heures d'écriture car j'ai encore beaucoup écrit pour cette "Grande traversée" et j'ai réussi à formaliser, à verbaliser ce qu'il pouvait être et pourquoi j'étais aussi attachée à lui. Je sens même des ressemblances dans sa façon d'écrire…
Suite de l'interview, demain…


"Tout ici oscille entre l'invisibilité et le grand écran…" Quand Judith a dit ça hier je ne savais plus moi-même où j'étais. Au cinéma, sur la route, backstage, ou sur un banc, paumé à Asbury Park. Guettant le passage improbable du Boss. Je n'ai rien voulu écouter, dans l'intervalle, de sa musique avant l'épisode d'aujourd'hui "Jusqu'à 13 ans j'étais mort". Je suis dans le game lancé par Judith. Je ne sais rien. J'écoute. Elle a les clefs. Il a les mots. Vingt-deux heures c'est long et… c'est court quand on a décidé que rien ne nous fera sortir de l'histoire. L'attente, merveilleuse quand il y a au bout la promesse du retour, permet aussi de réécouter le début de l'histoire.

Chante Judith. Tu dis si bien, sans rien falsifier, sans rien trahir les émotions d'un Bruce pour un quotidien désenchanté et quelquefois anéanti. Avec ces mots à fleur de peau, les siens, les tiens, les nôtres qu'il arrive à cristaliser au point ultime de l'émotion. Après ça plus possible d'écouter Springsteen comme avant. Et, quand Judith parle de "The river" (double-album, au temps du vinyle) et de cette chanson qui donne le titre à l'album, en face B du premier disque, on reste un peu figé. Tant sa façon de la faire s'enchainer avec "Point blank" (le 1er morceau de la face A du deuxième disque), nécessitait de se lever, de rouvrir les yeux et de rompre avec un état sublime que la technique obligeait d'interrompre, ressemble à la nôtre pour tant d'autres enchaînements précieux. Détail sensible, vécu, pour accompagner "la mélancolie qui se cherchait une mélodie pour l'accompagner". Il faudra bien un jour que le Boss découvre ce petit rituel de complicité subtile qui ne peut appartenir qu'à une fan. Émouvante de sincérité…

"Est-ce qu'un rêve est un mensonge s'il ne se réalise pas ou pire encore ?"



(1) France Culture, du 24 au 28 juillet, 9h-11h, réalisateur Gaël Gillon,

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