Les futures plateformes audiovisuelles… en mer |
Plateformes au risque de plates formes
Guilleret, primesautier, Mathieu Gallet, Pdg de Radio France annonçait le 30 août, lors de la Conférence de Presse de rentrée, la création d'une plateforme "France Musique" au mois de décembre. Vidéo, captations des concerts des orchestres maisons, ceux de l'auditorium, une offre classique… enrichie (sic). Et le rapprochement France Culture/Arte.
Le lendemain Mme Ernotte, Pdg de France Télévisions, pour ne pas être en reste, annonçait, lors d’un déjeuner avec l’Association des journalistes médias (AJM) "France Télévisions et Radio France vont lancer une «grande plate-forme numérique d’offre culturelle». Ce projet sera piloté par Sandrine Treiner, la directrice de France Culture et Michel Field, l’ancien directeur de l’information de France Télévisions, a-t-elle précisé." (2) Vous aurez noté que Gallet a évoqué Arte et France Culture. Ernotte, des collaborations plus larges, mais sans Arte dans son propos. Chacun de pousser ses pions.
Ça commence bien ! Voilà une communication par paliers ou par … plateformes, c'est selon. On résume : une plateforme France Musique, une plateforme Arte/FC, une plateforme culturelle. Trois plateformes donc, prêtes sur la… plateforme de lancement. Ben oui faudra bien vous y faire. La radio c'est fini, la télé aussi. Vive la plateforme. C'est chic non ?
- "T'as regardé quelle plateforme hier soir ?
- La deux,
- La deux ? Tu veux dire FCACBINA (comme ça se prononce) (3)
- C'est ça, mais à un moment j'ai zappé sur la Une…"
Et l'État va certainement, béat et admiratif, laisser faire de belles usines à gaz, qui vont se superposer, se concurrencer, se damer le pion et plus si affinités. Les nouveaux apprentis sorciers de l'audiovisuel, Ernotte et Galet l'ont dit, ne veulent pas d'une "BBC à la française" (4), pas plus que de "France Média" le projet Macron d'un audiovisuel à une seule tête. Comprendre une seule structure globale : économies d'échelles, rationalisation des savoirs-faire, collaborations obligées. À la casse les doublons, triplons et autres quarterons de Pdg en retraite (forcée) (5)…
Signature du Com 2015-2019, Azoulay/Gallet |
Plates formes budgétaires
L'annonce du gouvernement et les 80 millions de budget en moins pour l'audiovisuel public vont sûrement mettre à plat, pour Radio France, les budgets, les beaux projets, les belles plateformes, la Radio Numérique Terrestre (dont Gallet ne parle jamais). Le Pdg va pouvoir exécuter les basses œuvres en continuant à diminuer les moyens de production, en accélérant les "mutations" des métiers (par exemple en mixant les métiers de réalisateur et de technicien-son, en technico-réalisateur), en radicalisant les émissions de studio, en diminuant drastiquement la fiction, les dramatiques, le documentaire.
Plus grave, par cette action brutale, l'État se déjuge. Il signe avec les sociétés audiovisuelles publiques des Contrats d'Objectifs et de Moyens (Com) quinquennaux et, ici, d'un gouvernement à l'autre, s'autorise de modifier les conditions d'engagement prises sous un autre gouvernement (6). Scandale moral au minimum. Forfaiture au maximum. Comment gérer sereinement des entreprises avec de telles épées de Damoclès au-dessus de la tête ?
Mais ne serait-ce pas à terme une bonne stratégie et la bonne opportunité pour l'État de mettre les sociétés audiovisuelles au pied du mur ? En constatant que si chacun ne peut participer à l'effort collectif de 80 millions, il est temps de créer France Médias qui, de fait, dégagera beaucoup plus que ces 80 millions d'économies en dégageant les fameux doublons, triplons qui se constateront d'eux-mêmes.
En 1973, Arthur Comte, premier Pdg en titre de l'ORTF (Office de Radio et Télévision Française) démissionne sur un désaccord profond avec la tutelle, reprend sa démission et est finalement "démissionné" par le Premier ministre de l'époque, Pierre Mesmer, après seulement seize mois de présidence (Juillet 1972-Octobre 1973). Les paris sont ouverts ! Les Pdg actuels de l'audiovisuel public démissionneront-ils demain en grande pompe et tous ensemble ? Vous le saurez en suivant notre grand radio-feuilleton "Ça va bouillir" (7)…
Ajout du 15 septembre
Mme Nyssen, Ministre de la Culture, a annoncé que l'effort budgétaire pour les quatre sociétés de l'audiovisuel public ne serait "que" de 36 millions.
Arthur Comte, Jacqueline Baudrier, derrière elle Jacques Sallebert, à droite Pierre Sabbagh, ©Philippe Le Tellier |
(1) "Audiovisuel public : le gouvernement demande d’importantes économies supplémentaires", Le Monde, 12 septembre 2017,
(2) "Télés et radios publiques appelées à plus collaborer", Alexandre Piquard, Le Monde, 1er septembre 2017,
(3) France Culture-Arte-Culture Box-Institut National de l'Audiovisuel,
(4) Formule revendiquée et prônée, entre autres, par Franck Riester (Les Républicains-tendance Combatifs) ,
(5) Pour paraphraser Charles de Gaulle qui dans un discours célèbre pendant la guerre d'Algérie fustigea les généraux félons (Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller),
(6) Pour Radio France : 2015-2019,
(7) Feuilleton de Zappy Max sur Radio-Luxembourg (future RTL), sponsorisé par la lessive "Sunil" d'où le titre…
Ah ben je comprends mieux pourquoi les podcasts des Nuits de France Culture en général et des entretiens avec Léautaud commencent maintenant par une pub tonitruante pour Toyota !
RépondreSupprimerIl est temps de suggérer aux concepteurs de lecteurs de podcasts d'imaginer des adblocks audio.