Avant le débat télévisé Giscard/Mitterrand, avril 1974 |
Commençons par l'année 74. Giscard à peine élu (19 mai 1974) ne laisse s'installer aucune tergiversation pour réformer l'Office de Radio et Télévision Française (ORTF). L'ex-ministre des finances (1969-1974) de de Gaulle et de Pompidou a "dès le 30 mai [68] fait une déclaration et propose l'élaboration d'un nouveau statut [pour l'Office] et le programme électoral de son parti le prévoyait expressément" (3). L'opposition qu'on appellera "la gauche" a beau s'indigner (voir la vidéo Ina ci-dessous) rien n'y fera. Les Français sont en vacances et les parlementaires ont hâte de prendre les leurs.
Spécial ORTF, J.T. de 20h, Antenne 2, 22 juillet 1974,
(en exclusivité et intégralité pendant un mois…)
Avec par ordre d'apparition à l'écran : André Rossi porte parole du gouvernement, Roger Chinaud secrétaire général des Républicains indépendants, Claude Estier, Comité directeur parti socialiste, Jack Ralite (PCF) membre de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, Joël Le Tac, rapporteur du budget ORTF. Si plusieurs intervenants évoquent "six sociétés indépendantes pour remplacer l'ORTF "c'est que deux jours avant la loi personne n'a pensé aux archives et à la création de ce qui deviendra l'Ina…
Dans un article du Monde diplomatique (4), Marc Endeweld précise que dans l’article 2 de la loi du 7 août 1974, il est spécifié « L’ORTF est supprimé ». Il écrit : "Par cette décision [la loi d'août 74], le nouveau pouvoir entend surtout rompre avec un symbole gaulliste, tout en poursuivant deux objectifs : l’affaiblissement des syndicats et le contrôle de l’information. Deux cent cinquante journalistes sont licenciés ; des centaines d’autres se retrouvent au placard."
Donc, une fois l'édifice à terre (pas la maison de la radio bien sûr) à chacun des dirigeants des sept sociétés créées de se "débrouiller" pour une éventuelle coordination. Soit, en tous cas, les effets d'un libéralisme sauvage pour donner un orgasme à tous ceux qui pensaient enfin pouvoir être débarrassés des syndicats et du Parti Communiste Français (PCF) qui "dirigeaient" l'ORTF (5). Mais en 74 la radio et la TV étaient indépendantes l'une de l'autre et n'avaient pas le projet "forcené" de travailler ensemble et surtout de se mixer au point de se fondre ou de se diluer dans le magma télévisuel.
Tandis qu'aujourd'hui l'effet "média global", tarte à la crème tendance en baisse, impose de tout repenser au risque non pas de faire, dixit Riester "une révolution à 360°" (ce qui fait revenir au point de départ et ne révolutionne rien) mais bien plutôt à 180° et bouleverser l'ordre des choses : mettre de l'image sur la voix, "tuer" la radio ou très vite la muter en "audio" pour des stories, des podcasts natifs, des capsules "culture prime", des trucs et des machins, et acter à moyen terme la disparition des grilles de programmes élaborées sur 24h et sur 7 jours, pensées aux origines du média dans sa globalité et son autonomie absolue.
Et je n'ai encore rien dit des risques de "remettre tout l'audiovisuel public dans les mains d'une seule personne [la/le super Pdg de la holding], soit mettre en péril l'indépendance de chacun des médias" [associés], comme me le susurre une amie journaliste avertie ! On en parlera dans l'épisode 3 qui ne saurait tarder à être publié !
(À suivre)
(1) Clin d'œil à Jean-Noël Jeanneney, producteur de l'émission du samedi "Concordance des temps", France Culture, 10h, depuis 1999,
(2) Suite à l'article du JDD de dimanche 10 mars 2019 de Renaud Revel dans Les Échos,
(3) in Persée, La grève de l'ORTF vue à travers la presse hebdomadaire locale, Marc Martin, Matériaux pour l'histoire de notre temps, Année 1988, pp. 230-237,
(4) Avril 2012,
(5)"De 1950 jusqu’aux premières années de la décennie soixante-dix, les réalisateurs communistes étaient nombreux à la télévision française. Stellio Lorenzi, Marcel Bluwal, ont été, dès 1950-1951, les chantres des « dramatiques » tournées en direct, adaptations de classiques de la littérature française, faisant appel aux comédiens formés par le théâtre populaire. Fer de lance de ce que l’on a appelé l’École des Buttes Chaumont (qui comprenait d’autres réalisateurs, non communistes, comme Claude Barma, Claude Loursais, Claude Santelli, etc.)…", in Cairn, "Les réalisateurs communistes à la télévision. L'engagement politique : ressource ou stigmate ?", Isabelle Coutant, dans Sociétés et Représentations 2001/1 (n° 11), pages 349 à 378,
(4) Avril 2012,
(5)"De 1950 jusqu’aux premières années de la décennie soixante-dix, les réalisateurs communistes étaient nombreux à la télévision française. Stellio Lorenzi, Marcel Bluwal, ont été, dès 1950-1951, les chantres des « dramatiques » tournées en direct, adaptations de classiques de la littérature française, faisant appel aux comédiens formés par le théâtre populaire. Fer de lance de ce que l’on a appelé l’École des Buttes Chaumont (qui comprenait d’autres réalisateurs, non communistes, comme Claude Barma, Claude Loursais, Claude Santelli, etc.)…", in Cairn, "Les réalisateurs communistes à la télévision. L'engagement politique : ressource ou stigmate ?", Isabelle Coutant, dans Sociétés et Représentations 2001/1 (n° 11), pages 349 à 378,
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