lundi 7 février 2022

Le bon plaisir : Monica Vitti, Francesca Piolot, Monique Veilletet…

Monica Vitti est décédée ce 2 février 2022 à 90 ans… Comme toujours les médias rivalisent d'articles, de photos ou de reportages pour fixer "une dernière fois" celle qui a enchanté le cinéma italien et l'Italie toute entière. Et le reste du monde. France Culture n'est pas en reste. Elle ressort de ses archives ce long documentaire de 3h "Le bon plaisir" de Francesca Piolot et Monique Veilletet, réalisatrice. Quelle chance de pouvoir réécouter cette archive de 1996. Ça ne sera jamais assez long pour mieux connaître la Vitti et l'entendre encore et encore de son bel accent italien…

Trastevere, Rome, Nov 2021
© Anaïs Ginori




















Pourtant une telle émission, inventée en 1984, par François Maspero et soutenue par le Directeur de la chaîne Jean Marie Borzeix (1984-1997), n'aurait jamais existé sans la volonté de ces deux hommes. En 13 ans, France Culture a produit plus de 500 "Bon plaisir" et occupé les samedis après-midi jusqu'à 3h30 consécutives. Ce temps long, en arrivant à France Culture, Patrice Gélinet commencera par en raboter 1h30. Laure Adler (1999-2005) dès sa première grille, à la rentrée 1999, aura passé "Le bon plaisir" par pertes et profits. 

On ne rappelle pas assez souvent à Madame Adler la casse qu'elle a opéré sur cette chaîne en déclarant, de façon péremptoire, que dorénavant elle souhaitait plus de direct et d'émissions moins longues. Si l'on n'était pas désespéré d'un tel postulat on se taperait sur les cuisses. Des émissions moins longues alors que pendant plusieurs années "Les nuits magnétiques" l'avaient fait vivre. Ce programme, inventé par Alain Veinstein (1978), c'était souvent quatre émissions consécutives d'environ 80' chacune. 

Quant au direct, sa décision est aussi pathétique ! Alors que depuis sa "création" en 1963 (1), France Culture enregistrait documentaires, dramatiques et autres émissions "élaborées". On pourrait dire que Madame Adler a la mémoire courte. C'est plus subtil que ça. À peine nommée à ce poste (février 1999) Adler trouve sur son bureau le rapport Ténèze (2), intitulé " France Culture. Mission de réflexion. Janvier à avril 1997". Nous verrons que Gélinet et Adler ont été de zélés petits soldats en appliquant, presque à la lettre, les modalités de ce rapport dont les attendus étaient ni plus ni moins que de banaliser la chaîne au point de la presque faire se ressembler à France Inter.

Qui est donc Ténèze, ce "cadre destructeur" et comment à lui tout seul peut-il décider d'orienter et ici de désingulariser France Culture ? Mais ce n'était pas la première fois que le bourreau était à la manœuvre ! C'est Roland Dhordain qui, dans son "Roman de la radio" nous apprend (3) "Vers 1973, la réforme de France Culture mise en chantier avant mon départ (4) avec Arnaud Ténèze entre peu à peu en application. La station se met en direct et à l'improvisation (sic)"

Tenèze est tenace pour ne pas dire acharné. Pour autant il semble bien qu'avant 1999 le direct ne soit pas la forme de diffusion principale choisie par France Culture. Et si Ténèze avait sévit avant 1984 il n'y aurait jamais eu de "Bon plaisir". Et s'il n'avait pas trouvé l'oreille d'Adler les changements de 1999 auraient - peut-être - été moins brutaux !

Je crois pouvoir dire que Ténèze a non seulement fait un rapport à charge non sans tenir compte de la prédétermination de la commande de la Présidence, mais qu'il y a ajouté quelques bonnes pelletées d'a-priori et d'intuitions non fondées sur des études rigoureuses. Sa phrase de fin d'introduction vaut son pesant de carottes "Il a donc été exclu que ces caractères fondamentaux ne soient pas conservés" (5). "Exclu", "ne soient pas" trahissent bien la volonté du rédacteur d'exclure et de ne pas conserver, comme le prouveront les quatre-vingt-seize pages de son rapport à charge ! Juste pitoyable ! 

Merci à François Maspero, Jean-Marie Borzeix, 
Francesca Piolot, Monique Veilletet pour ce "Bon plaisir, Monica Vitti".

(1) Fin des années 40 : Programme national, 1957 : France III-National, Octobre 63 : RTF-Promotion, Novembre 1963 : France Culture,
(2) Chargé de mission par la Présidence de Radio France. Ancien membre de l'équipe Dhordain. En 1971, "Chef des Services artistiques" à l'ORTF,
(3) "Le roman de la radio", La table ronde, 1983, 

(4) En 1962, au sein de la RTF, il est en charge de la réforme de la radio. Novembre 1963, Paris-Inter devient France Inter et crée France Musique et France Culture. Il est ensuite nommé directeur des programmes de la RTF, puis directeur de France Inter. Il quittera l'ORTF en mars 1967. En juin 1968, il devient directeur de la radio-diffusion de l’ORTF.

(5) "Les orientations et les méthodes préconisées découlent du postulat que France Culture est à plusieurs titres, un produit radiophonique unique en Europe, un distributeur  exceptionnel de la connaissance et des courants de pensée, un générateur permanent de la mémoire sonore de notre époque", in rapport Ténèze, avril 1997,

9 commentaires:

  1. France Culture "n'est pas en reste" ? Elle n'a rien fait du tout ! Ce Bon plaisir a été mis en ligne le 9 juillet 2020. Juste un renvoi vers la page et le tour est joué.
    De toute façon, cela ne change pas grand chose au fond du problème : la nullité des programmes actuels de cette chaîne est en train de construire petit à petit de pathétiques "mémoires radiophoniques". Ce bon plaisir est là pour nous rappeler ce grand écart qualitatif. Les ambitions ne sont plus les mêmes...
    Toujours bien cordialement,
    Curly de-chez-Regard-sur-France-Culture-d'en-face

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    1. Que ce soit en juillet 2020 ne change rien ! Remettre en avant des créations d'avant 1999 n'est pas très créatif. Créer des émissions patrimoniales est une autre affaire. On sait depuis 1999 qu'elles se raréfient plus vite que le stock disponible depuis 1963. Il faudrait un label de Haute Qualité Radiophonique ! Autant rêver. Bien cordialement.

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  2. Pas très créatif, mais édifiant. Ces riches émissions, celle-ci et celles diffusées dans les Nuits de France Culture, permettent de mesurer l'écart qualitatif. Le bon plaisir ferait un podcast d'excellence, bien mieux que les chroniquettes de Géraldidine Mosna-Savoye et consorts.
    Avoir remis le bon plaisir de Monica Vitti en ligne en 2020 : pour la disparition de l'actrice, France Culture n'a rien fait. De toute façon, à part l'actualité, il ne traitent plus rien d'autre.
    D'accord avec la période 1963-99 : plus on s'en éloigne, plus le non-renouvellement, l'appauvrissement des programmes est visible. Période 1999-2022 : une progression vers le tout promo tout info.
    Toujours Curly de-chez-etc-etc...

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    1. Gaffe ! A force ça va finir par se voir le gouffre entre "Les nuits" de FC et les jours qui sont de plus en plus pauvres ! Mais comme de toutes façons à court terme les archives vont rejoindre une banque de données où l'on pourra picorer à loisir. Sans éditorialisation, sans contextualisation !

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    2. L'éditorialisation et la contextualisation sont déjà minimalistes. Les 3/4 des pages des Nuits sont vides de toute présentation.
      Savez-vous si ces banques d'archives seront diffusées aussi en flux comme c'est le cas actuellement, ou si le flux des nuits de France Culture va se mettre à rediffuser des émissions de la journée comme c'est la cas sur France Inter ?

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    3. Ce serait plus sympa de savoir à qui je réponds ;-) À la place que j'occupe je ne peux pas savoir ce qu'il va advenir. Mais l'équipe de Garbit faisait en sorte à l'antenne de présenter l'émission en réécoute. Une petite équipe mais avec des coûts. Un projet potentiel de banque de données n'offrira pas ce type de "service" ou tout au moins c'est assez peu probable ! Et puis à terme si l'audiovisuel public est rassemblé dans la même structure "France Médias", l'Ina jouera peut-être en accord avec Radio France cette fonction d'éditorialisation. Tout est possible ! Wait and see ! ;-)

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  3. Bonjour. J'ai bien connu Maxime PIOLOT lorsqu'il était à Laboissière en Thelle. Son épouse Francesca et son fils Tristan. Du coup je me demande (par curiosité) si Francesca PIOLOT de France Culture n'est autre que l'épouse de Maxime PIOLOT (à cette époque - années 78-83...) C'est à dire Eliane Françoise BORDONE ? cordialement.

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    1. Bonjour, de ce que j'en sais oui elle était l'épouse de M.P., ou plutôt elle portait son patronyme ! Il y avait bien une relation entre ces deux adultes !

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