Le feuilleton (radiophonique) existe encore. Si, si. Sur France Culture, tous les soirs à 20:30 depuis lurette. Feuilleton, un mot que la chaîne publique a réussi à ne pas éliminer de son vocabulaire quand, sur son site, à la page programme le mot podcast a remplacé celui d'émissions (1). Et, sans la promo tapageuse habituelle et l'auto-satisfaction récurrente, on peut au détour d'un programme changer d'univers, de tendance et de mode. Passer du supermarché du podcast, tout à 2 balles, à la jolie boutique du marchand de couleurs. Faire sonner la clochette de la porte et, dans cette boutique sonore, reconnaître sans hésiter la voix de Billie Holiday, s'asseoir sur le premier tabouret venu et laisser aller deux heures trente d'une histoire sensible.
À Greenwich Village… Billie y chante
pour la soirée d'ouverture
Sophie Lemp a écrit "Billie Holiday, night and day". Dès les premiers mots de son récit l'épure accroche l'oreille. Une conteuse nous parle. Billie nous parle. De l'essentiel. De l'intime d'une chanteuse qui n'en finit jamais de nous bouleverser. Une réalisation (Juliette Heymann) efficace, sobre, aussi épurée que le texte, en symbiose avec une histoire toujours ré-inventée. La voix de Billie (Sandy Boizard) est parfaite. On n'est même pas surpris que Billie parle si bien le français… Tout est juste. Tout de suite. Sans effets secondaires ou autres fanfreluches sonores.
Tout est juste pour ce vrai moment à savourer. Tissé de chansons en ponctuations feutrées. Images affluant sans qu'il soit besoin de les décrire. La magie de la radio opère. L'imaginaire est à l'œuvre et on se demande pourquoi cette magie-là a disparu du quotidien radiophonique. On ne se le demande plus quand on sait ce qui préside à la mue à marche forcée de la radio publique.
Dans la foulée, je n'ai pu m'empêcher de remettre le couvert et de réécouter 2h30 de pur bonheur auditif. Un bel objet ciselé. D'une écriture délicate, de voix qui captent l'attention, d'un rythme à la mesure du blues et des déchirements d'une vie. D'une distinction subtile pour cette chanteuse qui mériterait que le texte de Sophie Lemp soit publié. Pour le lire quelques soirs et quelques matins… Pour sortir du piège implacable de l'actualité.
(1) Sandrine Treiner, la directrice est passée maître (maîtresse ?) en mutation. Sous l'égide du grand ordonnateur Laurent Frisch, directeur du Numérique et de la production à Radio France, elle ne manque pas de zèle pour faire table rase du passé radiophonique de France Culture… et de fait de la radio de flux qui se suffisait à elle-même !
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