À la radio publique la séparation entre programmes et information a toujours été claire. La directrice, le directeur des programmes n'a pas de "pouvoir" sur la rédaction (1), même si Laurence Bloch est partie prenante du choix des invités de la matinale. Cette séparation entre saltimbanques et journalistes plusieurs responsables ont fait des pieds et des mains pour "rapprocher les programmes de l'info". En vain. En recevant Élisabeth Lemoine dans L'Instant M sur France Inter vendredi dernier, Sonia Devillers a commencé par l'interroger par un incident récent qui met en jeu la rédaction de "CàVous" et la rédaction de France Télévisions.
Les journalistes de cette rédaction de télévision ont posé une motion de défiance à l'égard du Directeur de l'information Laurent Guimier. En cause, pour le déplacement récent d'Emmanuel Macron en Ukraine, la rédaction nationale de France Télévisions n'a pas été invitée à suivre le chef de l'État. Le Syndicat National des Journalistes (SNJ) de FTV considère que C à Vous n'est pas une émission d'information et que l'émission n'appartient pas à la rédaction de FTV. Lemoine s'explique clairement et précise que C à Vous est produite par une société privée (2) et considère être une émission d'information.
Si je relève cette anecdote télévisuelle c'est que, sur le sujet des territoires de l'information et des chasses gardées, il y a eu des précédents à France Inter au début des années 80. Les journalistes déniant aux saltimbanques de "marcher sur leur plates-bandes"… C'est une autre histoire (et je la connais) ! Depuis, quelques prophètes ont tenté, la fusion. Sans succès.
Ce qui n'en est pas une histoire c'est le principe de programmes - ici d'infos - fabriqués en interne par des salariés de France Télévisions (3) qui, au rythme des chaînes et des programmes de France Télévisions, sont diffusés à côté des programmes (divertissement et infos) achetées aux sociétés de production privées. L'incident pose la question "France Télévisions peut-elle confier des émissions d'information à des prestataires extérieurs ?".
Delarue,Elkabbach, Arthur |
Si je relève aujourd'hui cet état de fait c'est qu'il en ira bientôt de même pour la radio. Comment ? Dès que la co-production avec des studios privés de création audio sera ouverte à Radio France. Cette co-prod, à géométrie variable (4), sera immédiatement en concurrence avec les "productions maisons Radio France". Les productrices-producteurs, réalisatrices-réalisateurs, techniciennes-techniciens sons verront leur charge de travail diminuer et peut-être à terme, comme c'est arrivé pour la TV, il n'y aura plus que des productions externes qui seront diffusées sur le service public (5).
Je n'agite pas le chiffon rouge pour faire du catastrophisme. L'éparpillement façon puzzle de l'ORTF par Giscard, en 1975, en créant sept sociétés publiques indépendantes a vu progressivement une diminution des commandes de la TV publique à la SFP (Société Française de Production) au bénéfice des sociétés privées. Les fameuses patates des producteurs (Arthur, Nagui, Delarue) moquées par Les guignols de l'info et qui, dès 1996, ont changé la donne de production.
Il pourra alors y avoir à la radio des émissions d'information produites par des journalistes (avec ou sans carte de presse, la CP n'étant pas le préalable à l'embauche) pour une société privée qui aura signé un contrat de diffusion avec Radio France. Voilà en quelques lignes les effets délétères du libéralisme de Giscard et de ce qui risque d'être la politique du nouveau gouvernement. En annulant la CAP (Contribution à l'Audiovisuel Public) les resources de l'audiovisuel public sont fragilisées et leur pérennité aléatoire. Ce sont les principes mêmes de la création publique qui sont remis en cause. CQFD !
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