lundi 31 mars 2025

Plus fort que la fusion… la globalisation des audiovisuels publics !

Un homme avisé de la maison (ronde), qui a bien tourné, aujourd'hui loin de la radio, affirme que "la fusion ressemblerait plus à un faux-nez quand le véritable enjeu c'est la globalisation". Bien vu ! La fusion est une opération fonctionnelle. La globalisation touche à l'esprit et à la lettre de chacune des identités audiovisuelles publiques. Les penseurs de cette fusion sont juste des technocrates, des industriels, des comptables de la rationalisation au carré. Vouloir fusionner radio et TV alors que Giscard d'Estaing avait tout fait pour les dissoudre, avec sa loi du 7 août 1974 (1), c'est juste réinventer l'eau chaude avant d'administrer à chacun la douche froide. Ne rêvons pas, aucun risque de "reconstitution de ligue dissoute". Les managères de moins de cinquante ans qui revendiquent l'agilité vont surtout trancher dans le lard et infliger à chaque entité le régime maigre.











Dernier avatar de la holdingue : la DGMIC (Direction générale des médias et des industries culturelles au Ministère de la Culture) a adressé aux députés de la commission des Affaires culturelles une «étude d’impact» sur la réforme de l’audiovisuel public. A ce propos, la note affirme la capacité de France Médias à "créer à moyen terme de nouvelles filiales" (1)

  • "Concernant l’information, la constitution d’une filiale permettrait de « renforcer l’intégration du média global franceinfo » et d'approfondir les coopérations entre les composantes TV et radio," (2)
  • "S'agissant de la proximité, l’objectif serait de « réunir les ré‐ seaux France 3 et Ici » (ex-France Bleu) afin de répondre à "l’ambition de créer un média global de la proximité » qui implique « une ligne éditoriale coordonnée".(2)
Vous la voyez venir l'usine à gaz ? Non, pas celle qui siègeait quai de Passy (XVIè, Paris) en lieu et place de ce qui deviendra la Maison de la radio. Non, une méga usine à gaz, pilotée par un, une méga Pdg-ère. L'ORTF mais en beaucoup plus balèze. Une méta-organisation un peu comme une multi-nationale dans laquelle on se demande à quelles sauces seront mangés les créateurs de contenus.

La course effrénée vers les plateformes (celle de Radio France comme celle de France Télévisions) n'est-elle pas l'assaut final contre la radio hertzienne ? L'amalgame des audiovisuels publics n'est-il pas la meilleure façon de noyer le poisson ? Tout est dans tout et inversement. Qu'est ce qui dans ce magma, sonore et visuel, distinguera la radio ? Rien. Car très vite des images vont venir se coller aux sons, inéluctablement. Et à terme tout cela sera identifié sous la seule marque francemedia.fr. 

Anna Margueritat/Hans Lucas. AFP















Dans sa livraison de mercredi dernier, Télérama interroge l'écrivain italien Giuliano da Empoli. "Je crois que nos politiques et nos sociétés [font] la même chose avec les nouveaux prédateurs du numérique, ces jeunes gens qui semblent débarquer d’une autre planète avec leur sweat à capuche, parlent un langage qu’on ne comprend pas et paraissent maîtriser l’avenir. Ils nous expliquent qu’il ne faut surtout pas tenter de réguler leur industrie, parce qu’on n’y comprend rien. Ils ont l’air progressistes, leurs inventions sont épatantes,… On ne voit pas la part d’ombre qui les accompagne : le fait que ces mêmes inventions détruisent ce que nous avons en commun et transforment nos sociétés en gigantesque tour de Babel. Elles nous fragmentent et enferment chacun de nous dans une bulle de réalité totalement hermétique à celle de son voisin. " (3)


(1) France Médias ce serait donc : Radio France (sans franceinfo et ICI), France TV (sans franceinfo et ICI), Ina, France Info, ICI, soit 5 entités,
(2) Satellifacts, 26 mars 2025,
(3) Entretien par Olivier Pascal-Mousselard, Télérama n°3924,

jeudi 27 mars 2025

Sur les docks (3) : Baptême tzigane chez les Romanès…

Ça commence par chanter : Délia Moldovan avant de rencontrer Alexandre Romanes, chantait déjà. Ensemble ils ont fondé en 1994 le premier cirque tzigane d’Europe. Ce jour-là nous retrouvons le clan Romanès au nord de Paris, un matin, à l’heure où les enfants répètent le spectacle «Paradis Tzigane».









Délia ne se sent pas Roumaine, au risque d'avoir quitté la Roumanie (époque Ceaucescu) face au racisme envers les tziganes. Elle sentait qu'elle "allait mourir"… Se trouvant face à la Terre qu'elle imaginait à elle puisque "elle est à tout le monde"… Alexandre Romanès dit "Un cirque tzigane c'est terrible" quand il laisse à eux-mêmes les enfants pour répéter sans lui. "Le cirque Romanès c'est une trentaine de personnes. Le chapiteau à 300 places et on est trente à vivre sur ces 300 places et en Roumanie on en nourrit encore une bonne vingtaine !"

Jacques Blanc, directeur du Quartz de Brest, scène nationale, qui a souvent accueilli le Cirque Romanès, se sent un peu sur les marges de la famille, particulièrement quand il est le parrain d'Alexandra alors qu'il n'est pas tzigane lui-même. Et ça chante encore ! Puis la famille se rendant au baptême (catholique) de deux petits-enfants on apprend que le prénom d'un enfant n'est donné que quand on voit son visage, et pas avant la naissance comme c'est souvent le cas en France. La petite fille ressemblant à un soleil on l'appela Sorina (soleil en rom).

Le documentaire nous plonge dans une ambiance paisible, familiale, douce même. À l'image de la société tzigane où la famille et les enfants sont au cœur de leur vie. Laissant aux enfants beaucoup de liberté. Alexandre Romanès évoque l'évolution des modes de vie tzigane. Ceux qui ont fait le choix d'être sédentaires et qui se plient aux modes de vies occidentaux. Ceux qui sont restés en caravanes et qui se sont affranchis du système scolaire, de la réussite sociale, fiers de vivre à leur façon gitane. 

On l'entendra, sans détour, se dégage surtout de cette famille tzigane une grande humanité, simple et chaleureuse. Une immense fraternité qui télescope nos propres humanités repliées sur elles-mêmes. Une immense fraternité en chantant.

Un documentaire d'Irène Omélianenko, réalisation Nathalie Battus, prise de son Alain Joubert.

(À suivre)

Audiovisuels publics : une fusion avant la fusion…

Il y a trois ou quatre ans j'avais annoncé que dans quelques années, les noms des chaînes publiques de radio disparaitront au profit d'une seule marque Radio France. Mardi dernier, Madame Ernotte, Pdg de France Télévision annonçait : "Les logos de France 2, France 3, France 4 et France 5 disparaîtront de l'antenne à partir du 6 juin et seront remplacés par la "marque média unique" france.tv". Pourrions-nous douter que Radio France ne lui emboîte le pas dans un avenir très proche ?






Ce que la presse qualifie déjà de "petite révolution" en est une. Si pour un public de télévision l'identification à l'écran des chaînes qui diffusent un programme n'a peut-être plus d'importance (identifiable seulement par la télécommande), pas sûr que ce soit le cas pour la radio ?  Pour ce qui concerne une radio physique, un tuner, un autoradio ça risque sans doute de ne pas pouvoir se passer du nom des chaînes (qu'on abat) (1) ! Mais sur la plateforme Radio France oui. Laurent Frisch, Directeur du numérique, partage la même philosophie qu'Ernotte : une seule marque bien identifiée. 

Le principe des podcasts disponibles dans un grand magasin n'a pas tellement besoin de signifier le nom de la chaîne. C'est le sujet qui prime et peut importe la chaîne qui l'a produit du moment que Radio France peut en récolter les fruits. Comptons sur les gourous du numérique pour faire en sorte qu'il en soit ainsi à la radio. J'oubliais, Mme Ernotte a conclu pour la plateforme France Télévisions  : "Comment y intégrer du texte, de l'audio, des podcasts ? C'est la prochaine étape." Suivez mon regard… Une fusion des audiovisuels avant la fusion.

(1) Les chênes qu'on abat, André Malraux, 1971, 

mercredi 26 mars 2025

Sur les docks (2) : au village dans le Lot…

Je l'ai déjà écrit ! Ça vaudrait le coup de retourner dans tous ces lieux du "Pays d'ici" et "Sur les docks" voir un peu comment les choses ont bougé. En seize ans un exode accentué ou une extension pavillonnaire. Ici, à Douelle, un village du Lot on peut prendre les marques à un temps T, comprendre une ruralité ancrée dans ses rites et ses passages de témoin… et entendre le point de vue d'une jeunesse attachée à son terroir.

Douelle










Les vieux complètent le paysage… Les jeunes préparent la fête annuelle. Et quelques adultes se souviennent d'un passé d'autogestion pas si lointain et du slogan actif "Volem viure al païs" avec l'accent. Un témoin assure assure que l'attachement au village est toujours aussi fort même si beaucoup sont partis faire des études ou travailler ailleurs. Plusieurs activités de loisir ont disparu et le constat est imparable : "L'époque a changé"… Où l'on verra qu'un certain Aurélien Pradié (aujourd'hui député), 22 ans (en 2008), est élu pour son canton de Labastide-Murat en faisant sa tournée électorale… à mobylette ! 

(À suivre)

mardi 25 mars 2025

Sur les docks (1) : Camping du Perroquet…

Je vous dit tout. Quand j'ai cherché les archives du documentaire sur France Culture et de "Sur les docks" en particulier, j'en ai trouvé 711. Bigre ! Et me suis aussi dit que ce serait dommage de ne pas en remettre plusieurs en avant. L'émission a commencé en 2006 coordonnée par Pierre Chevalier. De 2009 à 2011, c'est Jean Lebrun (à contre-emploi) qui coordonne l'affaire. C'est lui qui annonce le doc que je vous présente ci-dessous. Je vais tenter, sans trop m'engager toutefois, plusieurs jours par semaine (sauf le lundi) de remettre en avant plusieurs de ces documentaires qui méritent de sortir de l'armoire…



Bray-Dunes a un petit goût de Front populaire… Et un vrai charme révèle Sandrine Rousseau. De caravanes à la bonne franquette au Camping du Perroquet. C’est un camping mythique. La classe ouvrière, certes résiduelle, de la région, s’y rend avec joie et dignité. Et voilà que le 7 septembre 2009 (une éternité), Olivier Chaumelle, producteur, plutôt habitué à l'étrange ou aux histoires cachées, s'est rendu au Camping de Bray-Dunes, accompagné de Nathalie Battus, réalisatrice. Il nous met vite dans l'ambiance des plages du Nord, de la Belgique toute proche, et de Dunkerque dont on peut "admirer" les fumées d'usine…

Et Chaumelle de poser la bonne question, dans cet environnement de "mobile-home" est-ce encore du camping ? En 2009, ce type d'hébergement de vacances n'a pas encore fait son revival des années 2020 et quelques clichés sympathiques s'accrochent aux lampions qui flottent au vent du nord. La belote, les rencontres à l'apéro, une bonne bière en Belgique et ses indispensables frites, les couchers de soleil et le long cordon dunaire qui mène "à l'étranger". Les habitués se fréquentent depuis des années avec leurs petites manies, leurs habitudes, et leur petit cocon de nature qu'ils ont fait à leur image.

Chaumelle d'en rajouter. Il s'interroge : "Le Perroquet, une utopie sociale ?" Hé ! hé ! Bien vu. Il y a sûrement un peu de ça. Dans une proximité conviviale où chacun peut, quand même, défendre sans bruit son petit carré (de verdure), son petit quant-à-soi, tout en cherchant la compagnie de ses semblables. Et voilà une bonne heure passée dans le calme, au rythme des congés payés même si ceux de 36 sont vraiment très très loin.

(À suivre)

lundi 24 mars 2025

France Inter : curieux… ils quittent l'amiral navire… Est-ce possible ?

Au début de son aventure la Maison de la radio était aussi appelée "Le palais gruyère"… Beaucoup, beaucoup de fenêtres ! Aujourd'hui on pourrait dire que c'est par la fenêtre ou les écoutilles que quelques uns quittent le navire… Quelques-uns ? Voyons plutôt…









Curieux, Curiel (Jonathan) le Directeur des programmes de France Inter retourne à M6 qu'il avait quitté il y a moins d'un an. De quels programmes s'agit-il ? Ceux en fin de saison dernière élaborés par Adèle Van Reeth (Directrice) et Yann Chouquet (Directeur des Programmes) ? Donc, depuis sept mois qu'a-t-il fait le Directeur Curiel ? Un stage d'observation ? Pour mieux diriger les radios du groupe M6 (RTL, RTL 2 et Fun radio) ? En tous les cas on ne pourra que féliciter la Directrice pour son flair. Déjà on se demandait bien ce qu'un cadre de M6 qui n'avait fait que de la TV venait faire à la radio ? Rien assurément ! Mais rien de rien ? Ou alors à la marge, genre organiser la grille pendant les congés de Noël et faire en sorte que Mathilde Serrell y gagne en visibilité ou re-re-re-re-re diffuser quelques Radioscopie de Chancel. Énorme la masse de travail que ça a du représenter.

À l'heure ou j'écris ces lignes (9h50) la Directrice s'apprête à recevoir le personnel d'Inter pour évoquer ce départ et les suites à donner… Quels programmes ? Pour les congés de Pâques, les ponts, et accessoirement la grille d'été ? Qui à la TV va bien pouvoir venir faire le job ? À la TV, car il est plus qu'improbable que soit recruté quelqu'un qui connaît la musique (lire "la radio"). Et encore moins quelqu'un de la maison, ça se saurait ! Et puis c'est bien connu, pour ajouter au désastre, Radio France est un incubateur de talents qui trop souvent sont récupérés par les radios privées, comme le constatait amèrement Jean-Luc Hees, ancien Pdg de Radio France (2009-2014).

Sinon plein d'autres bonnes nouvelles pour Inter. Léa Salamé irait rejoindre BFM TV. Étonnant non ? La journaliste déjà bankable a sans doute attendu de "faire sauter la banque" pour être accueillie sur la chaîne dont Rodolphe Saadé est propriétaire (CGA CGM BFM RMC). Si la chose est prochainement signée Adèle Van Reeth n'aura plus que "Lisieux pour pleurer" comme le claironnait Coluche. Autre départ d'Inter, Marc Fauvelle, Directeur de la Rédaction, pour BFM. Normal que Saadé en armateur avisé (et riche) récupère les amiraux d'un autre navire. On peut alors craindre le pire. Demorrand, Cohen, Nagui, Noël,… Gaffe, pourvu que l'esquif amiral (1) ne nous rejoue pas un remake du Titanique… 

Et vogue la galère…

(1) L'amiral Larima, Larima quoi la rime, à rien l'amiral Larima, l'amiral rien. (Jacques Prévert)

C'est quoi LSD ?

Le documentaire se portait bien sur France Culture dans la case "Sur les docks" (2006-2016) initiée par Pierre Chevalier. Mais tout ça c'était avant le drame. Une secousse magnétique a percuté les programmes à la rentrée 2016. Un coup de balai opéré par Sandrine Treiner, Directrice de France Culture depuis août 2015, à la suite du limogeage d'Olivier Poivre d'Arvor par Mathieu Gallet, Pdg de Radio France. Treiner a beau être rentrée à France Culture en 2011 elle ne connaît rien à la radio… 









Les injonctions financières des tutelles plus celles du Directeur éditorial de Radio France, Laurent Frisch, lui donnent des ailes pour casser la dynamique historique des producteurs tournants. Dans "Sur les docks", comme dans "Le pays d'ici" ou "La matinée des autres", de nombreuses productrices et producteurs interviennent régulièrement à l'antenne. Dans l'absolu pour quarante-quatre semaines de grille "d'hiver" et quatre jours par semaine. Pour "Sur les docks" cela représente donc 176 jours de prod. Bien sûr certaines productrices ou producteurs en font plus que d'autres. Mais l'étendue des points de vue est large.

Treiner décrète donc du haut de son autorité que dorénavant productrice ou producteur se verront confier 4h pour un doc ou… rien. Plus possible de faire, une, deux ou trois heures. Et comment faire si jamais on n'a pas de quoi en dire pendant quatre heures ? On comble ? De la création normée (normalisée ?) qui rentre bien dans la case (c'est le cas de le dire) d'une radio rationalisée. Moins de personnel à gérer. Maximum quarante quatre productrices ou producteurs.

Dans le cinéma, au théâtre, en musique, personne ne décide du format. On imagine mal Picasso s'entendre dire que Guernica devra être au format 100x70. Le système de la radio publique impose aux créateurs de se plier aux desiderata du producteur Radio France. Ce qui était le cas pour "Sur les docks" et n'empêchait pas de varier les formats.

Si le nombre des productrices et producteurs a diminué comme peau de chagrin que dire de l'éventail des sujets qui lui aussi a diminué au point que de nombreuses semaines consécutives s'enchainent des documentaires exclusivement sous l'angle sociétal d'actualité récente. Presque plus rien sur la vie quotidienne des Français, la géographie, l'histoire, les animaux, la poésie, les faits d'hiver et quelques pas ce côté… Pour s'en convaincre quelques exemples de docs des derniers mois de la saison 2016 (1).

Les frères Jacques 








Alors c'est bien le titre "Neige, échos d'une disparition" qui m'a donné envie de retourner sur LSD et je n'ai pas été déçu de mon choix. J'oubliais, Treiner qui avait à peu près autant d'humour que Raymond Barre ne s'est pas contentée de fusiller l'esprit de "Sur les docks" que personne n'a jamais appelé SLD. Pour faire croire que "rien n'allait changer" elle a du trouver tordant (et has been) d'appeler la nouvelle case LSD. Ce qui a eu pour effet de nous désespérer grave !

C'était une très mauvaise idée de confier une chaîne de radio à quelqu'un, à qui, même la fabrique de la radio échappait. Mais Mathieu Gallet a eu beau faire, la personne à qui il voulait confier la direction de France Culture a décliné. Par défaut, il a choisi Sandrine Treiner, à l'époque Directrice éditoriale de la chaîne. Par défaut !

(1) Un jour sur Mars, chronique villageoise, (27 juin 2016). Le dernier sonneur de cloches du Vaucluse (30 mai 2016). Les années Lazareff de France Soir, entre 1949 et 1972 (lundi 2 mai 2016). L’œuvre disséminée de René Vautier (11 mai 2016). Jour et Nuit Debout (12 avril 2016).

Neige, neiges… Un très bon documentaire sur France Culture !

Neige, ce mot magique qui, au-delà des montagnes (à ski) pose sa part de silence et de paix. Silence et paix, deux mots incongrus dans ce premier quart de siècle déchiré par la folie humaine. Pourtant, dans la tourmente, Quentin Tenaud et Agnès Cathou ont réussi dans un joli documentaire à présenter plusieurs facettes de cette neige - merveilleuse et en voie de disparition - son  histoire, ses réalités, ses enjeux et quelques perspectives. Les unes encourageantes, les autres déprimantes. Les angles réalistes et pluridisciplinaires de leurs interpellations brossent un panorama qui a le mérite de poser les alternatives indispensables à mettre en œuvre une autre politique de la montagne. Volontariste et lucide. À contre-courant de la spirale spéculative et financière de l'or blanc.

En Lozère









Tenaud et Cathou commencent par un pas de côté subtil et délicat. Ils observent et recueillent les témoignages de ceux qui vivent avec la neige en Lozère. Et particulièrement les élèves de l’école Marthe et Pierrette Dupeyron à Bagnols-les-Bains qui, avec beaucoup de bon sens et de lucidité, appréhendent bien l'évolution des saisons et des hivers de moins en moins neigeux. IIs font vraiment plaisir à entendre. Plaisir aussi d'écouter la poésie

La neige au village

Lente et calme, en grand silence,

Elle descend, se balance

Et flotte confusément,

Se balance dans le vide,

Voilant sur le ciel livide

L'église au clocher dormant… (1)


Ce pas de côté nous aurions aimé qu'il se prolonge sur tout l'épisode et que ce qui concerne les avalanches s'exprime dans un autre. Car on était bien en Lozère, avec des gens simples et surtout avec une autre façon de vivre la neige que dans le lieu sublimé des Alpes.


Après on entre dans le dur pour comprendre ce qui a procédé à l'élaboration du "Plan neige" dans les années 60 et la folie furieuse du béton et d'un aménagement focalisé sur les sports d'hiver. La multiplicité des points de vue montre la difficulté de s'engager dans une mutation inéluctable en faisant des choix qui remettent en question des années de "dolce vita". Le troisième épisode sent la poudre à canons… de neige. J'ai trouvé courageux de la part du producteur et de la réalisatrice de nous donner à entendre le pointe vue de Lara et Dédé, millitants d'Extinction Rebellion, Mont-Blanc et No JO 2030. Ces J.O. apparaissant comme une fuite en avant qu'aucun politique ne semble vouloir freiner. Là encore les points de vue croisés des chercheurs permettent d'apprécier les conséquences directes du réchauffement climatique et de la diminution de l’enneigement.


"Les après-ski", titre subtil pour ce quatrième épisode qui pose les bonnes questions pour tenter de faire évoluer les mentalités et les pratiques : "Comment faire évoluer les imaginaires liés à la neige ? En Savoie, quelques avant-gardistes tentent d’imaginer la montagne de l’après-ski, pendant que d’autres recyclent un vieil imaginaire olympique." Pour ceux à qui ça peut parler, ce documentaire à l'esprit d'ouverture des meilleurs Pays d'Ici, en choisissant de croiser de nombreux points de vue, d'entendre les scientifiques comme les femmes et les hommes qui vivent de la neige. Avec les perspectives à découvrir et à suivre pour ceux qui s'engagent vers des alternatives post-ski comme à Bourg-Saint-Maurice.


On a senti la neige sous nos pas ! Merci à Quentin Tenaud et Agnès Cathou, aussi à Nathalie Kanaoui pour ses lectures et à Annelise Signoret documentaliste à Radio France. Merci aussi pour avoir régulièrement cité à l'antenne le nom des intervenants. Bon, même si mon besoin de neige est vital, je ne suis pas pour autant prêt à aller en Tarentaise tant qu'il n'existera pas de formules - chaleureuses - d'accueil pour découvrir la montagne et ses habitants, hors sport et tourisme de masse. La Lozère allant beaucoup mieux à mes aspirations (2)


                                                                                                                              C'est quoi LSD ?

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(1) Francis Yard (1876-1947), de son vrai nom Athanase François Yard, instituteur normand, était surnommé "le poète des Chaumes", pour ses écrits, poèmes, contes, récits , descriptions et études linguistiques de Normandie,

(2) Lire "Institutrice de village" d'Huguette Bastide, 










vendredi 21 mars 2025

21 mars 1968… quelque chose va se passer !

Aucune chance que les petits perroquets de la TV qui comme des ânes répètent, à qui veut bien les voir/écouter, que c'est le printemps, aucune chance qu'ils rappellent aux masses laborieuses qu'il y a cinquante-sept ans "l'Association des résidents de la cité universitaire [de Nanterre, ndlr] organisait une conférence sur la Révolution sexuelle de Wilhelm Reich" (1). Le 21 mars 1967, "Il est vrai aussi qu’un certain nombre d’étudiants avaient décidé de mettre la théorie en pratique. Plusieurs dizaines d’entre eux, passant outre le règlement qui interdisait aux garçons d’aller le soir dans la résidence des filles, y avaient passé la nuit. Au petit matin, la police était venue pour les déloger, mais les garçons étaient sortis sans qu’il y ait d’incident, contre la promesse qu’il n’y aurait pas de sanction…” (1)

©Marc Riboud, 1968












Pourquoi je vous raconte tout ça, alors qu'il n'y a aucune chance que les médias se plongent dans la commémo de ce qui présida dès le 22 mars 68 au joli Mai de la même année ? Il se trouve que j'ai un ami, né le 21 mars 68, et que depuis quelques années, on égrène quelques souvenirs "d'anciens combattants" (moi surtout, adolescent à l'époque :-)… C'est pas qu'on attend le grand soir, non, mais ça fait du bien d'imaginer qu'une conscience collective a pu renverser quelques mois le progrès survitaminé du consumérisme et une société corsetée dans ses certitudes réactionnaires.

Ici, en Finistère, c'est gris, c'est froid, c'est venteux, alors les marronniers à la con des médias on s'en tape le coquillard. Ce matin, j'ai eu une frénésie de rangement de ma petite carrée ou de ma cagna comme disait Giono. Et en rangeant je me suis mis une de mes playlists aux p'tits oignons qui a commencé par London calling/Clash, L'espoir/Frasiak, Every wants to rull the world/Tears for fear, Gypsy/Fleetwood Mac, Brass in pocket/Pretenders (me souvenant que Scarlett Johansson l'interprétait en karaoké dans Lost in translation/Sofia Coppola), To carry many small things/Mina Tindle, Hey nineteen/Steely Dan, Gentle on my mind/Seasick Steve et, pour m'en tenir là, La mère à Titi/Renaud…

Le 21 mars 1968, Jean Garretto et Pierre Codou, géniaux producteurs mettaient une "dernière main" au programme de TSF (futur L'Oreille en coin), qui prendra l'antenne le samedi 30 mars à 14h…

(1) Catherine MilletCritique d’art et commissaire d’exposition, Libération, 29 avril 2018,

mercredi 12 mars 2025

Pagnol… la gloire de son père !

Que du bonheur ! Ce Marcel qui nous enchante depuis la nuit des temps vient de remettre le couvert (sous le figuier) si je puis me permettre de galvauder la transcription sonore du premier tome de ses souvenirs d'enfance : la gloire de mon père. Tout a commencé en 1958 et 1959 quand Pierre L'Hoste (journaliste de radio) enregistra, en dix-neuf épisodes, Marcel Pagnol lisant "La gloire de mon père". Et puis en 1991, au mois d'août, Claire Chancel, productrice à France Culture, en fit un redécoupage et en vingt-cinq épisodes nous accompagna dans les garrigues (1). Commencer chaque matin par ce feuilleton était un vrai régal…











Et voilà qu'en mars 2025, France Culture a eu la bonne idée de remettre sur le métier, la gloire de ce père que Marcel vénérait. Sans l'accent cette fois-ci, les extraits choisis sont lus par Hervé Pierre de la Comédie Française (2). Particulièrement si l'on a pu écouter la série de 1991, on entre vite dans l'histoire, car ces souvenirs d'enfance ont quelque chose d'universel et de singulier. Singulier pour l'époque, le tout début du XXè siècle. Singulier pour la vie d'un enfant dont le père instituteur est son plus grand héros. Singulier pour la vie provençale à la ville et à la campagne. Universel pour l'innocence et les émerveillements d'un enfant face à la vie (3).

On se régale encore et la tentation a été grande d'écouter les cinq épisodes à la suite, tant la langue de Marcel Pagnol est fluide, imagée, coulant de belle source provençale. J'ai coupé en deux et terminé ce matin aux aurores. Haletant pour la partie de chasse dont j'avais oublié l'issue, je ne dirai rien ici. D'ailleurs, j'ai dû consulter mes propres archives pour mieux me rappeler comment la partie de chasse se termina version Claire Chancel. Voilà donc une occasion pour vos soirs, vos nuits d'insomnie ou vos petits matins libres, de prendre une immense bouffée d'humanité, de soleil et de calme. Toute chose indispensable à nos quotidiens perturbés.

Ajout de 15h
Il m'était impossible de ne pas suivre la série suivante "Le château de ma mère". Où l'on est toujours émerveillé de voir comment Pagnol par un luxe de détails étire le temps au point de se sentir le vivre avec lui. Un temps aussi où le simple n'a pas besoin de se frotter à la concurrence de complications qui n'envahissent pas encore la vie des Provençaux. L'amitié de Marcel avec son meilleur ami Lili est touchante et ralentit encore mieux le temps des adultes qui ont peut-être oublié les bonheurs de l'enfance. Quant aux complicités de la petite famille de Marcel, elles ne sont pas justes touchantes elles disent quelque chose d'un temps suspendu à la tendresse et à la joie.

(1) "Tourbillon. Tourbillon de la langue. De l’accent. De pages souvenirs où bruissent le vent et les cigales dans les oliviers. De paysages de garrigues. D’un temps ralenti. À la mesure d’un soleil qui écrase tout disait Giono. Pagnol, 62 ans, enregistre au micro de Pierre L’Hoste ses souvenirs qu’il vient de publier ", in "Fañch Langoët, 60 ans au poste. Journal de bord d'un auditeur" L'Harmattan, février 2023,

(2) Conseillère littéraire : Emmanuelle Chevrière, extraits choisis et réalisation par Juliette Heymann. Prise de son, montage et mixage : Claire Levasseur et Antoine Viossat, Claire Chaineaux,
(3) Comme Zézé dans "Mon bel oranger. José Mauro de Vasconcelos", 1968.

mardi 11 mars 2025

Holdingue audiovisuelle : le serpent de mer… sort la tête de l'eau

Cette fois-ci on l'aurait juré le projet de holding était proche de l'asphyxie. Alors que la loi devait être examinée au Parlement initialement les 10 et 17 mars puis renvoyé à un hypothétique 7 avril, on considérait dans "les milieux autorisés" (classe la formule) qu'après trois essais infructueux l'affaire était pliée ou sur le point de l'être. Mais c'était sans compter avec les talents de magicienne de Madame Rachida Dati, Ministre de la Culture. Entre deux, lundi 10 mars, elle nous sort du chapeau… sa botte de Nevers. On en reste pantois ! Elle vient de nommer Laurence Bloch pour une mission d'accompagnement de la future-potentielle holding…

Laurence Bloch, Michel Euler Crédits : AP










Bloch, la même qui a fait toute sa carrière à Radio France. Reporter, documentariste, coordinatrice de programmes, adjointe de Direction de plusieurs directeurs de France Culture (dont la Directrice Laure Adler), adjointe de Philippe Val, Directeur d'Inter et Directrice d'Inter de 2014 à 2023. Et puis, bâton de Maréchale, Directrice éditoriale des sept chaînes de Radio France  jusqu'à sa retraite fin juin 2024. Le communiqué du Ministère de la Culture : "Dans la perspective de la confirmation d’un nouveau débat sur le texte à l’Assemblée nationale, une mission d’accompagnement est confié à Laurence Bloch, afin de contribuer à la réflexion sur la mise en œuvre des coopérations, les possibilités nouvelles et concrètes de Coordination et en particulier les possibilités de renforcer la visibilité des offres de service public auprès de tous grâce à ce cadre de gouvernance nouveau."

Dès hier, Sibyle Veil se fendait d'un commentaire minimaliste à l'AFP : "Bonne nouvelle qui permettra de mettre la radio au cœur des réflexions sur l’audiovisuel public”. Ce commentaire ressemble fort à celui du petit télégraphiste ! Comment imaginer Bloch être influencée par son ancienne patronne à Radio France. Bloch a la “chance de sa vie“, pouvoir peser sur l’avenir de l’audiovisuel français. Elle a montré sa capacité à muter la radio, par exemple et entre autres, quand elle était Directrice d’Inter, en faisant des boulevards à Philippe Collin pour sortir de l’antenne et plonger dans le nouveau dieu sonore : le podcast. 

Non figée dans des postures corporatistes Bloch s’attachera sûrement à engager l’audiovisuel dans une nouvelle ère moins segmentée média par média. À son influence sur la partie technique d'organisation devraient s'ajouter quelques prises de contacts formelles et informelles avec les groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat pour mesurer les soutiens au projet de holding à court, moyen et long terme.

Bloch se serait-elle engagée dans une telle mission si comme les trois fois précédentes le projet de holding était voué aux gémonies ? Une belle occasion pour la jeune retraitée d'obtenir son deuxième bâton de Maréchale quand, pour cet attribut, les Maréchaux s'en contentaient, eux, d'un seul.

Ce billet a été rédigé sans avoir recours à l'I.A.

samedi 8 mars 2025

Femmes de Sardaigne : la matinée des autres…

4h47, ce 8 mars, sur France Culture c'est la nuit et c'est aussi le jour international des droits des femmes. Ce documentaire de 1984 de la "Matinée des autres" (réalisé par Arlette Dave) fait le voyage en Sardaigne et dresse un long panorama de l'histoire des femmes sur cette île italienne. Où l'on entend parler Sarde (sûrement) et l'Italien dans une belle harmonie de mots qui chantent et pour lesquels les productrices, Maria Manca et Diane Secci. ont eu la belle idée de ne pas les traduire en simultané, mais d'en proposer la traduction en différé. De quoi s'imprégner d'une langue vibrante et ronde mais aussi de s'immerger quelques instants auprès des femmes qui témoignent et chantent quelquefois.

Une femme fait le pain de façon traditionnelle 
à Esterzili en Sardaigne. ©Getty








J'ai déjà eu l'occasion d'écrire que "La matinée des autres" est une émission incarnée. Où chaque sujet est approfondi et où la parole est bien celle des autres. De tous les autres qui ont fait les belles heures des mardis matins de France Culture depuis 1977. Reconnaissons à Laure Adler d'avoir remis à l'antenne "La matinée des autres" (de 1999 à 2002) quand Patrice Géninet (1997-1999) l'avait supprimée. Soit les effets délétères du rapport Ténèze (1) qui préconisait de contenir les émissions en 60 minutes et de privilégier le direct.

Écouter "La matinée des autres" c'est se mettre en condition de ne pas faire autre chose en même temps. Faire la vaisselle ou laver les carreaux est incompatible avec une écoute nécessairement attentive et soutenue. Je n'en imagine pas une seconde l'écoute dans les transports en commun ou le jardin public. Il faut que rien ne s'agite autour de soi. Le noir profond est idéal. La lumière jaune du salon peut convenir à condition de ne pas se laisser distraire. Fermer les yeux s'impose.

"Les filles ne respectaient pas les vieux quand ceux-ci méritaient une correction. Il n'y avait pas de maître qui tienne. Les femmes avaient le dessus sur les hommes, patron ou pas." On entendra ce type de témoignages et la puissance et la détermination des femmes qui devaient seules élever les enfants, gérer le budget et faire les démarches administratives quand leurs hommes bergers étaient loin à faire paître brebis et moutons lors de longues transhumances. Leur force de caractère leur permettaient aussi de se défendre, de s'affirmer et de s'affranchir d'un patriarcat latent. "Les hommes travaillaient mais ce sont surtout les femmes qui commandaient. Une sorte de matriarcat. De cette position la femme a trouvé une sorte d'indépendance et de liberté qui est supérieure à celle d'autres femmes de Méditerranée. Elle garde par exemple son nom de naissance même une fois mariée."

Vous passerez un bon moment avec ces femmes de Sardaigne. Mais on aimerait bien savoir aujourd'hui comment cette société sarde a évolué et quelle place la femme a-t-elle pu trouver au sein de la famille comme au sein de la société ?

(1) "France Culture. Mission de réflexion. Janvier à avril 1997", publication interne Radio France. Arnaud TénèzeChargé de mission par la Présidence de Radio France. Ancien membre de l'équipe Dhordain. En 1971, "Chef des Services artistiques" à l'ORTF,

mardi 4 mars 2025

Claude Giovannetti… in memoria

C'est une mauvaise nouvelle. Mauvaise car même si un nom de radio reste toujours en onde, le décès de Claude Giovannetti ce dimanche 2 mars, réalisatrice à Radio France, donne un coup dans le ventre. Claude, humble, discrète et je dirai même effacée avait fait toute sa carrière à la radio publique. C'est d'abord à elle que je pense avant d'évoquer son binôme avec Yann Paranthoën. Avec sûrement quelque chose de Corse dans sa réserve et sa pudeur. J'ai pu échanger avec elle de nombreuses fois au téléphone. Pour parler radio bien sûr. Pour mieux comprendre sa fabrique. Pour essayer de lui faire parler d'elle. Pour lui reconnaître toute sa place quand l'auditeur attentif entend désannoncer son nom.











C'est elle qui m'avait donné envie de me procurer le n° 4 (avril 1985) de "L'autre journal" (1) de Michel Butel où Alain Veinstein (Producteur des "Nuits magnétiques" de France Culture), sur quatre pages et huit colonnes s'entretenait avec Yann Paranthoën. Elle avec qui j'avais beaucoup évoqué "Vincent Lavenue, dossard 157" ou un retour sur le Tour de France 1992", comme sur bien d'autres documentaires qu'elle avait réalisés avec le chef-opérateur du son. Et souvent elle "contestait" ce titre de réalisatrice, arguant du fait que Paranthoën ne faisait pas que le son ou la production. Comme le montre la photo ci-dessus (je n'en ai trouvé aucune autre) Claude est en arrière-plan, floue. La position qu'elle se sentait occuper avec Yann.

En 2024, Bastien Lambert nous donne à entendre "Carte postale de Centuri" où Claude raconte différents souvenirs corses avec Paranthoën. C'est bon d'entendre sa voix. Un jour, Kriss dit à un ami physicien «Les gens de radio sont comme des éphémères qui ne volent quun jour et disparaissent ». «Cest faux, lui a-t-il répondu. Tout ce qui existe est détruit par le temps. Les monuments les plus beaux, les livres, la planète elle-même disparaîtra. Mais vous, les voix de radio, vous êtes éternelles. Vos paroles emportées par les ondes hertziennes voyageront dans lunivers aussi longtemps quil existera» (2)

Claude, on ne s'est jamais rencontré, ni en Corse, ni à Paris et pourtant j'avais l'impression de te connaître un peu. Merci pour toute ta création radiophonique (3). Sois en paix…

(1) Dans ce numéro outre Alain Veinstein on retrouve des articles signés par Jean Daive, Jean-Pierre Milovanoff et Olivier Kaeppelin, autant de producteurs de France Culture,
(2) Kriss, La sagesse d’une femme de radio, L’œil neuf, 2005,
(3) Sur France Culture : "L'heure du laitier" (matinale de l'été 1975), "Bonjour Mademoiselle Ruault" Série de 10 émissions enregistrée de novembre 1979 à janvier 1980 et diffusée du 3 au 14 août 1981 à 19H30, de nombreux Ateliers de Création Radiophonique, "Les vacances de Mr Polmar", quelques "Mardi du cinéma" et "Matinée des autres"…

L'autre journal


lundi 3 mars 2025

Radio 1965-2025 : les anciens et les modernes !

J'ai terminé la lecture il y a quelques jours de "Bob Dylan électrique" (1). Un immense plaisir à lire un travail scrupuleux autour d'un mythique festival folk aux États-Unis de 1958 à 1969. La fracture folk/rock de 1965 m'a évoqué celle qui nous bouscule au niveau de la radio publique. Les anciens, incapables de se réjouir de l'avènement du podcast et de la diminution drastique du temps d'antenne consacré à des programmes frais. Les modernes, passionnés par un accès permanent à des émissions détemporalisées (2). Les anciens Pdg de Radio France (1975-2014) s'attachant à faire vivre la radio publique au quotidien, les nouveaux (2014-2025), manageurs de la mutation de la radio en audio.

Maison de la radio publique, Paris

Dans cette affaire, bien sûr, j'ai choisi mon camp ou, plutôt, il est si facile pour mes détracteurs de me ranger dans la case "has been, nostalgique, rétrograde,…" et plus si "désaffinités" ! Sauf que, biberonné pendant 60 ans (4) à la radio, à des programmes d'"hiver", à des programmes d'été, à des voix régulières à l'antenne, j'avale assez mal la couleuvre de la mutation à marche forcée d'une riche histoire humaine autour de la création radiophonique, de sa fabrique quotidienne par les différents métiers utiles à sa diffusion, de la casse du processus de production. Tout ça absolument motivé par les injonctions de la Cour des Comptes et du Ministère de l'Économie dans le but de réduire drastiquement la masse salariale et, ce faisant, casser l'indispensable existence d'un service public de l'audiovisuel.

Un exemple, l'intuition et la volonté de Laurence Bloch quand, Directrice de France Inter (2014-2023) elle fait basculer de l'antenne Philippe Collin et lui offre un boulevard de création de podcasts autour de l'histoire. Avec en prime un staff opérationnel de six à huit personnes. Bloch et Collin pouvant se targuer d'écoutes par millions (30 cumulées au mois de janvier). Tant pis pour le temps consacré à l'histoire à l'antenne, tant pis pour Jean Lebrun (disparu de la grille), tant pis pour les quelques minutes de Stéphanie Duncan (1 heure le dimanche à 21h), tant pis même pour l'histoire autre que celle des vedettes (médiatiques et mainstream) choisies par Collin.

Au titre de la souplesse (accès permanent aux sons), de l'individualisation des podcasts les uns par rapport aux autres, de la sur-médiatisation des vedettes du micro, de l'abandon de l'œuvre collective d'une antenne, de sa couleur, de ses animatrices et animateurs, de sa continuité temporelle, "on" a muté définitivement la radio comme identité médiatique et comme mémoire globale en une infinité de "petits bouts", isolés les uns des autres comme autant de produits à promouvoir, comme des paquets de lessive ou des barres de céréales. Tout ça réuni dans un grand-magasin (une plateforme) Radio France où, petit à petit, les chaînes y perdront jusqu'à leur dénomination.

Comment ne pas aimer Dylan électrique quand, dès 1978, Bernard Lenoir nous en faisait quelques "Feedback" bien sentis. Comment ne pas aimer Dylan folksinger quand sur France Inter, Claude Villers, Patrice Blanc-Francard, François Jouffa, Maurice Achard, Pierre Lattès et aujourd'hui Michka Assayas nous donnaient à chanter avec lui (sans forcément le suppléer à l'harmonica). La radio devrait s'attacher à perpétuer ses programmes et à les enrichir sans que cela ne l'empêche d'ouvrir les rediffusions permanentes via le podcast. C'est un choix de société à faire. Gallet et Veil (Pdg et Pdgère depuis 2014) ont fait le choix facile des renoncements. Renvoyant aux marges les vieilles barbes, les scrogneugneu, les pisse-vinaigres et autres déçus de l'évolution d'un progrès "cache-misère". Sacralisant ces nouveaux adeptes numériques en leur permettant sur tous les supports l'accès au Graal et plus si affinités !

"Ils nous prennent pour des audios", nous l'avions déjà écrit avec David Christoffel. Pour des audios alors que, plus que jamais, nous sommes des radios-amateurs. Amateurs de cette radio-là, collective et singulière, créative et chercheuse, partenaire et complice de nos jours et de nos nuits.

Ajout du 3 mars, 11h
"« La TV permet de découvrir des podcasteurs dans un contexte différent. Elle est la nouvelle radio de la maison, commente Steve McLendon [YouTube]. Beaucoup de gens allument la TV pendant qu’ils préparent à manger, et c’est souvent comme ça qu’ils se mettent à écouter des podcasts. » (Le Figaro, 1er mars 2025). Voilà qui donne des perspectives extraordinaires pour le rapprochement (holding ?, fusion ?) Radio France/France TV. Si ce n'était pas assez clair pour annoncer "Radio killed the video star"…

(1) Bob Dylan électrique. Newport 1965. Du folk au rock. Histoire d'un coup d'État. Elijah Wad. Rivage Rouge, 2017,
(2) Le mot "émission" n'existe plus dans la nov langue de Radio France. Tous les programmes "proviennent du podcast"… Un signe assez fort pour faire entrer la mue au chausse-pied et stigmatiser les "croulants" (3) qui bégayent encore le mot "émission",
(3) Dans les années 60, sur Europe n°1 dans l'émission "Salut les copains" animée par Daniel Filipacchi, on distinguait déjà ces vieux (de plus de 20 ans) incapables d'être dans le vent des yé-yé, 
















Ce billet a été rédigé sans avoir recours à l'I.A.