Marie-Hélène Fraïssé n'en est pas à son premier "passage". Chaque semaine et depuis des années elle refait le monde. Tout un monde même (1). Et pour ce mois de décembre elle nous mène en bateau. Vers La Grande Terre : l'Alaska ! Son passage intérieur nous conduira aujourd'hui et tout au long du mois de décembre jusqu'à Noël, de Vancouver aux Îles Aléoutiennes. Marie-Hélène Fraïssé aime les voyages au long cours, les histoires, celles qui s'entremêlent et tissent la toile de ses, de nos imaginaires. Savoir qu'on la retrouvera mardi prochain pour la suite de ses aventures extrêmes est déjà un gage d'attention au sujet, aux réalités des distances, aux contextes locaux qui ne pourraient se contenter des fameuses 55' fatidiques.
Ce "Passage intérieur" sera alors comme un "Pays d'Ici". Entre les épisodes nous accepterons que sept jours s'écoulent,- une durée presque insupportable à l'heure de l'immédiateté permanente" - ne serait-ce que pour respecter les distances qu'il a fallu parcourir pour ce documentaire en quatre parties (2). Et nous pourrons guetter et être attentifs, chacun de ces mardis, pour savourer un voyage que peut-être nous ne ferons jamais. C'est un rendez-vous et, en tant que tel, s'il est choisi, s'y tenir sera le moins, pour chaque semaine, avoir le plaisir de la découverte.
J'ai écouté le 3ème épisode (3). Je n'imagine pas un seul instant faire comme les milliers de touristes qui débarquent là pour "voir" les indigènes. Je n'imagine d'ailleurs jamais débarquer pour "voir". Sans doute que les documentaires de Marie-Hélène Fraïssé nous préservent de ces attitudes de voyeurs-consommateurs. Les merveilleuses généalogies racontées dans cet épisode donnent une idée des passages de l'Europe vers l'Alaska, des croisements, des métissages, des allers et retours vers des racines improbables ou réelles. Comme il y aurait à en dire si on remontait les fils de toutes ces généalogies. De quoi dresser les cartes de ces circulations inattendues d'un pays à un autre. De fabuleuses ou tragiques aventures. De drôles de vies. De la réalité d'un monde ouvert et du paradoxe des frontières.
Ces Amérindiens-là ont le sens du business grâce à "une loi du Congrès Américain de 1971 qui leur confère la pleine propriété des terres qui leur sont attribuées à ce moment-là, au prix de l'abandon d'autres terres" (4). On a tout de suite envie d'en savoir plus, de sortir de nos propres frontières "de pensée", de quitter nos schémas établis, d'élargir nos horizons. En quelques mots, de nous ouvrir aux mondes autres et de changer d'échelle. De temps en temps ça peut ne pas faire de mal, et je dirais même plus, ça peut faire du bien.
Quand j'entre dans "Tout un monde" c'est comme quand il y a presque trente ans j'entrais en France Culture. Je me sentais à l'époque un peu étriqué dans mes savoirs et mes "ouvertures" semblaient minuscules. France Culture c'était la découverte assurée et un questionnement permanent. À moi de poursuivre ou non le chemin ouvert et de "remettre sur le métier" tel ou tel sujet approché (5). C'était une université populaire. Le mot n'est pas trop fort. Mais le temps du verbe indique que les émissions, de parlotes et de commentaires perpétuels, qui ont envahi la chaîne ne pourront jamais avoir le caractère patrimonial que Jean-Marie Borzeix défendait.
(1) France Culture, le mardi 15h-16h,
(3) Hasard technique,
(4) Loi sur les autochtones d'Alaska et création des "sociétés par actions" ouvertes aux seuls autochtones,
(5) D'apprendre que les légendaires guitares Gibson ou Martin sont fabriquées avec du bois de l'Alaska explique peut-être la "pureté" des sons, mais savoir que ce business profite aux Amérindiens d'Alaska apparaît comme un très bon "feedback",
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire