dimanche 9 décembre 2012

Simonetta…












Simonetta est sur la grève, au couchant, la mer d'huile est étale. Elle se baisse, prend dans sa main une poignée de sable sec et la lance au plus haut qu'elle peut. Les éclats de mica brillent, scintillent et retombent lentement devant elle. Ce sont des mots, des gestes, des lieux, des prénoms qu'elle a lancés sur sa feuille blanche et, que d'un doigt habile, elle va disposer, page après page, pour en faire un roman. Voilà l'univers de Simonetta Greggio qui, pour écrire, superpose des trames, en décale quelques-unes, en rajoute ou, d'un geste sec et définitif, en écarte d'autres…

Depuis le 5 octobre, à l'invitation d'Alain Veinstein, j'ai pris la direction de cette grève et n'ai pu m'empêcher de faire durer le voyage…  Il a remué - des années 70 aux années 2000 - tellement de situations vécues, de sentiments effleurés, de lieux "symboliques" qu'il fut tout "simplement" magique. Simonetta Greggio a si bien tout "installé" qu'à la fois on s'y perd comme on s'y retrouve toujours. Inlassablement avec quelque chose qui palpite (trop) fort au fond de soi. Comme si le cœur (de l'histoire) prenait tant de place qu'il en battait trop la chamade.

Simonetta Greggio sait si bien nous faire circuler dans les plis de son récit qu'on finirait par aimer les labyrinthes. Ses plis les plus indicibles comme les plus criants ou les plus désolants. Derrière quelques-uns par pudeur elle se cache. Dans d'autres, espiègle, joueuse et amoureuse elle s'affiche. Tellement présente, même si ce roman n'est pas autobiographique.

Elle tisse ses histoires parallèles en ayant l'air de nous dire amusée "Pas si simple". Mais de ces histoires-là je ne veux rien révéler. Rien. J'aurais pu lire son roman en un seul dimanche. J'ai préféré finir ce matin en douceur. À pas de loup même… En freinant le plus possible. Et, pieds nus, dans le sable de grève j'ai écrit : "L'homme jouit du bonheur qu'il ressent, et la femme de celui qu'elle procure" (1). Cela s'applique comme un gant à Simonetta Greggio. Refermé le livre il faut un certain temps pour revenir à la vie… Comme quoi la radio et le livre peuvent être bouleversants ! (2)

(1) Cité par Simonetta Greggio in "L'homme qui aimait ma femme" (Stock). Citation extraite des Liaisons dangereuses (Pierre Choderlos de Laclos). 
(2) Écouter ici aussi !

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