Frédéric Martel |
En 1978, il aura fallu à Pierre Wiehn, directeur de France Inter, un peu de roublardise pour faire passer "Feedback" le titre anglais de l'émission de Bernard Lenoir. Aujourd'hui Fréderic Martel le producteur de Soft Power (1) n'a eu aucune difficulté pour être passé de "Masse critique", le titre de son ancienne émission créée en 2006, à Soft Power (2011) pour lequel chaque semaine, en début d'émission, il fait tout ce qu'il peut pour au moins en prononcer trois fois le titre. C'est d'ailleurs à peu près le seul nom propre qu'il prononce distinctement (2).
Dimanche dernier pour le "Débat d'actu" (sic) Martel recevait Bruno Patino (3) pour évoquer le rapport Schwatrz et les perspectives de la télévision publique française. Comme toujours Patino a été excellent. Pédagogue, clair, précis ce dernier a fait état de la situation et des contraintes d'un cahier des charges (4) qui pèsent sur l'opérateur public de télévision. Sans manquer de tracer des perspectives de développement et de poser les enjeux du numérique.
Si le producteur de l'émission avec son ton habituel, narquois et perfide, n'a pas manqué d'interpeller Patino sur la possible disparition de France 4, Martel s'est bien gardé d'évoquer ce qui interroge aujourd'hui beaucoup de monde à Radio France : la disparition prochaine d'une chaîne de radio publique.
Martel n'aura donc sans doute lu le rapport Schwartz que pour ce qu'il analyse de "France Télévisions" quand ce rapport met le doigt sur l'enjeu d'une concertation-coordination de l'ensemble des acteurs publics de l'audiovisuel. Ou tout au moins Martel s'est bien gardé de réagir et faire réagir Bruno Patino sur ces enjeux dont on aurait vraiment aimé avoir le "point de vue" éclairé.
Pourtant habitué à titiller ses invités sur la face cachée des enjeux de développement des "industries culturelles", que ce soit aux fins personnelles des dirigeants, à celles des États ou des entreprises concernées, Martel n'a pas voulu relever ce qui risque pourtant de provoquer un séisme institutionnel, la reconstitution de l'ORTF (5). Sujet explosif pour lequel Martel à la place qu'il occupe est très mal placé pour être à la fois juge et partie.
Pourtant que n'a t-il invité l'auteur du rapport, Marc Swartz qui, mieux que personne aurait pu présenter les enjeux pour France Télévisions ? Ou Olivier Schrameck, le Président du CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) que personne n'a cru bon d'inviter pour la remise officielle de ce rapport la semaine dernière ? Et mieux encore Mathieu Gallet, Pdg de Radio France, qui aurait pu nous faire part de cette idée "révolutionnaire" de reconstitution de ligue dissoute, quand le pouvoir giscardien en 1974 avait mis toute son ardeur pour "exploser" l'ORTF… ?
À la radio, Martel, semaine après semaine, parle et fait le beau en nous livrant la fulgurance de ses oracles, l'extrême pertinence de son analyse mondiale des enjeux du "soft power" et sa propension récurrente à nous faire découvrir avant tout le monde ce "hit" (6) qui va se répandre comme une traînée de poudre sur tous les dance floor de la planète. Pour autant s'il y avait bien un lieu où on pouvait imaginer qu'un débat puisse s'engager sur les enjeux de l'avenir audiovisuel public c'était bien dans cette émission.
Mais l'audiovisuel public français ça ne doit pas être assez soft-power !
Eh bien non ce débat ne sera ni ici ni maintenant. Trop risqué, trop dedans, trop politique et surtout beaucoup trop impliquant pour un Martel qui aime rayonner au-dessus du monde médiatique en faisant croire qu'il n'y touche pas. Cela, s'il en était besoin montrerait les limites de l'exercice que nous impose Martel depuis tant d'années, il est impossible d'être juge et partie. Ce qui décrédibilise d'autant son émission qui n'est plus alors que le lieu d'un genre de café du commerce médiatique avec sa part d'excès, de ridicule et de pathétique (7).
(1) Le dimanche de 19 à 20h,
(2) Le nom d'Agnès Chauveau, collaboratrice de l'émission, est souvent prononcée sans articuler, "Cheveau",
(3) Ex-directeur de France Culture, Directeur général délégué aux programmes, aux antennes et au numérique de France Télévisions,
(4) De 75 pages,
(5) Office de Radio et Télévision Française, 1964-1974,
(6) Martel n'emploierait jamais un mot aussi has been, fût-il en anglais,
(7) Dommage pour des invités souvent de qualité…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire