lundi 19 juin 2017

Radio + TV : New deal… En marche !

Il aura fallu cet article d'Alexandre Piquard dans Le Monde (1) pour enfoncer le clou de ce que j'annonce depuis plusieurs mois. Par "petites touches" l'audiovisuel public se transforme depuis qu'Hollande, un soir de décembre 2013 a commis la "gaffe" d'envisager un rapprochement utile de Radio France et France Télévisions. Le lendemain de cette annonce, qui a surpris l'aréopage audiovisuel venu célébrer les 50 ans de la Maison de la radio, Aurelie Filipetti bafouille qu'il s'agirait plutôt de rapprocher les sites internet des deux sociétés. Trop fun. On se tape sur les cuisses et on s'inquiète d'un tel amateurisme de caciques croyant être capables de maîtriser un "sujet" qu'ils ne connaissent ni l'un ni l'autre. Pourtant dans l'ombre un personnage discret veille. Résumé de l'affaire.














Les étapes
•13 décembre 2013, F. Hollande joue (mal) "Au théâtre ce soir",
19 novembre 2014, M. Gallet (Pdg de Radio France) annonce pour France Info un "service global d'infos en continu qui mélangerait la radio, la vidéo et le numérique" (2),
17 décembre 2014, R. Pflimlin (Pdg de France Télévisions) annonce la création d'une chaîne numérique (3),
• 4 mars 2015, M. Schwartz publie son rapport sur "L'avenir de France Télévisions à l'horizon 2020", (4)
• 24 avril 2015, D. Ernotte (future Pdg de France Télévisions) évoque le développement d'une chaîne d'information numérique continue, (5)
• 1 septembre 2016, franceinfo, "média global", émet sur le canal 27 de la TNT,
• 17 mai 2017, nomination de L. Guimier, directeur aux antennes et aux contenus de Radio France.



La stratégie (de l'État)
Face caméra, les élites dandinent et roucoulent pour faire accroire qu'elles ont un projet pour l'audiovisuel public, Hollande pense sur son scooter, Filipetti a la danse de saint Guy. Dans le même temps les responsables de l'audiovisuel public s'engouffrent dans un projet qui, en plus de donner un très gros coup de projecteur à leur carrière, les excitent au point de croire que leur nom restera attaché à "cette-grande-réforme-que-tout-le-monde-attendait". De deux choses l'une, soit ils sont "innocents", soit ils nous prennent pour des innocents (6). 

Dans l'ombre, de hauts fonctionnaires (Schwartz), la Cour des Comptes affinent leurs analyses et rendent compte au Gouvernement d'un état de l'audiovisuel public dont d'aucuns pensent que le temps de la réforme en profondeur est urgente et vitale pour les finances publiques. L'État tape du poing sur la table, les élus d'opposition se répandent en rapports et autres incantations divinatoires (7) et suggèrent aux Pdg et autres impétrants aux fonctions de gestion de l'audiovisuel public de se mettre en marche pour :

 "Face aux défis à venir, et aux contraintes croissantes pesant sur les finances publiques, il paraît nécessaire que l'État pèse davantage sur le dispositif des médias de service public. Si tel n'était pas le cas, il sera difficile d'écarter la tentation d'un rapprochement organique entre les sociétés ayant appartenu jadis à la même entité" (Rapport Schwartz). L'étau se resserre.



Objectif lune
On est en France. Tout projet étatique suppose la construction de fusées ou d'usines à gaz. Ou de fusées propulsées au gaz. C'est là qu'entrent en scène les babillages de Gallet et Pfimlin, que Delphine Ernotte, à la vitesse d'une météorite, transformera et propulsera avec Radio France, pour rendre opérationnel le premier étage de la fusée appelée franceinfo (8). Ça c'est fait. Pour le deuxième étage Gallet monte au créneau des fois que le nouveau gouvernement voudrait se passer de ses services pour avancer "projet par projet". Il s'insère dans un dispositif que le nouveau Président de la République, Emmanuel Macron, souhaiterait sûrement plus radical.

Pour mener à bien ce nouveau déploiement ou redéploiement, la nomination de Laurent Guimier, comme numéro 2 tombe à pic. Si Frédéric Schlesinger n'avait pas quitté Radio France pour Europe 1, Guimier aurait sûrement, après trois années de "bons et loyaux services" (9), été désigné pour manager les projets de rapprochement RF/FTV. Sur le feu France Culture et Mouv'. 

Un caillou dans la chaussure
Un caillou ? Que dis-je, un rocher ? Derrière ces rapprochements plus ou moins annoncés, plus ou moins suggérés, se cache ce qui va faire beaucoup de bruit. Et bruit est un mot faible ! La fusion de France Bleu et de France 3. Et là on ne joue plus du tout dans la même cour. L'ensemble du territoire métropolitain est concerné. Des centaines d'emploi sont en jeu. Les élus locaux, départementaux, régionaux, la représentation nationale (député-es et sénateurs) sont proches de ces deux réseaux audiovisuels publics. Comme les usagers auditeurs-spectateurs eux-mêmes. Le chantre de ce rapprochement, Franck Riester (député LR, dans la précédente et la nouvelle assemblée) qui par deux fois (au moins), lors d'auditions publiques à l'Assemblée nationale, a interrogé le Président de Radio France sur cette "opportunité/nécessité". Gallet n'a jamais répondu. 

Piquard dans son article du Monde (1), rappelle que la Cour des Comptes en 2016 a incité à la rationalisation. Autant dire que ce troisième étage de la fusée risque fort, en l'absence d'une loi audiovisuelle, d'être "ralenti" pour ne pas dire bloqué par des mouvements multiples et variés. On verra à très court terme comment le Président de la République entend imprimer sa marque à un audiovisuel public pour le moins circonspect. Rappelons que dans la place, M. Schwartz est directeur de cabinet de la Ministre de la Culture, Mme Françoise Nyssen. Pourrait-on dire dans quelques mois que son rapport n'aura pas été vain ? Wait and see !

Merci à H.H. et L.E. pour leurs créations graphiques

Roland Dhordain père de la réforme de la radio…
et de France Inter






















(1) "Audiovisuel public : la feuille de route du gouvernement", Le Monde, 15 juin 2017,
(2) On notera le mot choisi "mélangerait", qu'on peut facilement étendre au "mélange des genres", 
(3) Le lecteur futé notera la concurrence qui s'engage entre les deux principales sociétés de l'audiovisuel public. Cette émulation sera le meilleur préalable pour l'État pour siffler la fin de la "course à l'échalote"…

(4) Et mon billet ici,
(5) À l'instar du rapport Schwartz, Ernotte prend l'"initiative" de piloter la future chaîne d'info numérique et imposer à Radio France de ne pas faire cavalier seul,
(6) Les deux mon capitaine,

(7) La réforme de l'audiovisuel public, son financement, France Médias ("le regroupement, à compter du 1er janvier 2020, de l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public au sein d'une nouvelle entité qui pourrait être dénommée "France Médias"), BBC à la française, Commission Copé (ou l'on parle "déjà" de média global en 2008, époque à laquelle Mathieu Gallet est directeur adjoint de cabinet de M. Frédéric Mitterrand,ministre de la Culture),

(8) "Deux points ouvrez l'info" dit le slogan !
(9) Bons chiffres d'audience radio, sacralisation des 30 ans le 1er juin 2017, co-création de la chaîne franceinfo,

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