Depuis quelques semaines dans l'hypothèse d'une holding rassemblant les audiovisuels publics - Radio France, France Télévisions, France Média Monde et l'Ina - monte une petite musique des défenseurs de la radio. Quelques personnalités et quelques personnes s'inquiètent pour la radio qui dans le cadre d'un regroupement y perdrait a minima son âme a maxima sa visibilité. Mais de quelle radio parlent-t-ils donc quand la radio elle-même fait tout pour se fondre dans l'audio ? Au point que le projet stratégique 2024-2028 de la Présidente de Radio France, Sibyle Veil, s'intitule "Un service public audio pour tous".
Alors de quelle radio parle-t-on ? Car il faudrait que la radio elle-même ait aujourd'hui une identité forte au point de ne pas être l’objet de sa propre destruction en gommant méthodiquement depuis dix ans ce qui est son adn. Il en va bien plus qu'un changement sémantique d'identité en remplaçant le mot radio par celui d'audio. Audio qui participe à faire disparaître dans les programmes des sept chaines publiques le mot émission par celui de podcast. Audio qui vise (à terme) la délinéarisation des antennes pour les intégrer dans une plateforme qui devrait être mise sur les fonds baptismaux au quatrième trimestre de cette année. Ajoutons le mot “stock” (venu tout droit des épiciers) qui, fort de son estimable et colossal patrimoine, participe à le valoriser de rediffusions en rediffusions, diminuant drastiquement d'autant les créations nouvelles.
Pas sûr alors que M. Jeanneney, ex-Président de Radio France (1982-1986) ait pris toute la mesure de ces enjeux dans sa tribune du Monde, dans laquelle écrivait-il “Si l’on concentre enfin l’attention sur Radio France, le projet apparaît spécialement inquiétant. Il est inutile de rappeler la magnifique originalité, sur les ondes, de la voix et de la musique, sans les images. Mais on se doit d’insister sur la belle capacité d’adaptation aux innombrables défis du numérique dont fait preuve cette entreprise, au profit de tous les prestiges de la culture et d’une information sereine : les sondages prouvent abondamment ce succès. Elle n’y parvient que parce que sa liberté n’est pas empêtrée dans des liens extérieurs.” Qu'il défende ardemment la radio publique c'est tout à son honneur, mais il n'aborde pas le projet stratégique de Sibyle Veil qui va beaucoup plus loin pour, lui-même, effacer la radio, au profit d'un audio tendance, qu'un quarteron de geeks (loin d'être en retraite) a méthodiquement imposé à la radio.
Dans Télérama, le 7 mai, Marion Mayer écrit : “Une suppression de 4 000 heures de travail des réalisateurs est prévue pour la grille 2024-2025 de France Culture, soit « 42 semaines », ou « au moins trois émissions », selon les différents syndicats contactés. À la place du traditionnel duo réalisateur-technicien – le premier étant en charge de la conception artistique, le second, responsable de la mise en œuvre –, il ne resterait plus qu’un technicien (devenu technicien chargé de réalisation ou TCR, au terme d’une formation). Il mènerait seul sa barque avec le producteur de l’émission. Une réorganisation qui suit le modèle de celles appliquées en 2022 à France Musique. Les moyens avaient alors été redéployés sur le podcast natif, quitte à proposer davantage de rediffusions ou d’émissions faciles à réaliser, par exemple une alternance entre musique et commentaires.” (2) Ça mange du pain. Alors de quelle radio parle-t-on ? De celle dont les managers coupent systématiquement les vivres aux programmes et jamais celles de l'armée mexicaine de cadres en tout genre qui eux imputent gravement la masse salariale ?
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