lundi 21 octobre 2024

Frace Inter : le cas Adèle Van Reeth…

Dans un long article, publié jeudi 17 octobre sur Télérama, François Rousseaux pose dès son titre la bonne question : “Mais que veut-elle ?” Enquête sur Adèle Van Reeth, la patronne qui inquiète France Inter". Autrefois une séparation plus nette de gestion entre les programmes et la rédaction maintenait un modus vivendi de bon aloi. Las, Van Reeth se sent des ailes et n'hésite pas à mettre le loup dans la bergerie et bouscule, irrite, perturbe la rédaction qui n'avait pas besoin de Patrick Cohen pour exister et faire son travail ! On a beau avoir des compétences en philo en quoi cela peut-il présager à diriger la 1ère radio de France ? Comme souvent Madame Veil, Pédégère de Radio France, a fait le mauvais choix.









Débarquer Yaël Goosz, chef du service politique, de l’édito de 7h44, pour offrir le siège à Cohen est juste une aberration «Une affaire si mal gérée qu’il faudrait l’enseigner dans les écoles de management !» soupire un animateur (1). "Les journalistes, soutenus par les producteurs d’émissions, votent à 80 % une motion de défiance contre elle… Une personnalité s’emporte : «Comment peut-on fragiliser une radio qui est la première de France ? " (1). Faut pas pousser ! Et Van Reeth sûre, trop sûre de son pouvoir, n'a pas su prendre la mesure de l'alchimie qu'il faut savoir faire vivre dans une chaîne ou les ego (quelques-uns surdimensionnés) se confrontent aux ego (quelques-uns sous-dimensionnés). Toute philosophe qu'elle est, elle a manqué beaucoup de philosophie, de pédagogie et de psychologie. Et quand la confiance est mise en jeu, rien ne dit que les mea-culpa permettront de retrouver un fonctionnement serein.

"Pour la première fois, les programmateurs et attachés de production (quarante-huit salariés) se sont réunis, et sont en train de se constituer en collectif pour se faire entendre sur leurs missions et l’avenir de la station. « On est au mieux dans une illisibilité, au pire dans une perte de l’ADN de la chaîne », soutient une journaliste". (1) Le bon état de la station que Laurence Bloch avait su installer pendant dix ans (2014-2023) est détruit. On se demande toujours pourquoi une très bonne animatrice et productrice d'émissions sur France Culture aurait les capacités pour diriger une chaîne telle que France Inter ? C'était a priori mieux que d'aller chercher quelqu'un de la TV (méthode Veil). C'était un pari, mais un pari perdu !

Van Reeth décase la bande à Charline à 17h (rentrée 2023), la remplace par trois (pourquoi pas six ?) personnes qui ont à peu près autant de compétences pour faire de la radio que moi pour diriger un opéra ! À la rentrée 24, "D’autres décisions ont secoué : l’arrêt l’année dernière de l’émission de l’historien Patrick Boucheron, la fusion des services sciences, santé et environnement (décidée par la pdg de Radio France et finalement abandonnée), la suppression d’émissions de reportage à la fibre sociale (la direction les jugeant « vieillissantes ») (1). "Vieillissantes" l'adjectif le plus bidon en vogue à la radio ! "Le jeu des 1000€" lui, ne serait pas vieillissant ? "Le Masque et la plume" ? Quand on veut dégager une émission on se sert d'un fallacieux "vieillissant" pour tenter faire passer la pilule (cf "Là-bas si j'y suis", 1989-2014). Quant à offrir (par défaut) une heure de plus à Matthieu Noël (Zoom zoom zen) c'est un aveu de faiblesse. et un manque absolu d'imagination.

Plutôt que faire leur marché à l'extérieur, les directrices et directeurs de chaîne seraient inspirés à faire sortir du rang celles et ceux à qui il faudrait faire faire des essais (l'été comme c'était le cas autrefois ou dans "Les bleus de la nuit"). Mais la mode n'est plus ni à la découverte ni à l'essai, il faut tout de suit une "figure" et une renommée, l'antithèse de ce qui s'est fait à la radio depuis quatre-vingt ans (jusqu'au début des années 2000). Les jours de Van Reeth sont comptés et ce ne sont pas que les résultats d'audience qui pourront la sauver d'un management inapproprié et… lunaire !

(1) Cité par F. Rousseaux dans son article.

lundi 14 octobre 2024

France Inter : Nagui & Luchini, la spirale du mépris…

9 juin 2016, Nagui persifle sur Europe 1 au micro de Morandini en évoquant qu'à France Inter pour son émission "La bande originale" il fait du bénévolat. Sans tarder Charline Vanhoenacker avec quelques complices de France Inter fustigera le "bénévole" qui, huit ans plus tard ,continue à animer l'émission. Preuve s'il en était que le bénévolat… paye. Dans la même veine et avec autant de mépris Fabrice Luchini, mercredi dernier sur Quotidien annonce que pour son émission du dimanche soir sur France Inter (Les admirations littéraires) : "… Paye très modeste. Je n'ai jamais été aussi mal payé de ma vie". Pas de quoi rire !

La vidéo ici


Cracher dans la soupe ces deux paltoquets savent faire. Cracher sur le service public et en percevoir des émoluments ils savent faire aussi. C'est indigne et misérable. Les "belges" ne sont plus là pour moquer le cabotin. Cette preuve flagrante de déloyauté devrait valoir à Luchini quelques remontrances de la part d'Adèle Van Reeth, directrice de la chaîne. Et donner aux auditrices et auditeurs envie d'aller sur Nova écouter "La dernière" de Guillaume Meurice !

lundi 7 octobre 2024

Radio France : tout sauf de la radio !

Avec un cynisme de mauvais aloi, le staff numérique de Radio France déconstruit méthodiquement la radio (ou ce qu'il en reste). Le staff numérique ? Mais que reste-t-il d'autre ? La publicité dans le métro parisien dit tout du projet calamiteux : tout donner à entendre sauf de la radio. Oui sauf de la radio car pour les geeks qui gouvernent cette Maison (de quoi ?) le mot est à ranger aux rayons poussiéreux des antiquités. Le mot radio n'apparaît plus que dans le nom de la société : Radio France. Un faux-nez, une entourloupe de première, un cache-sexe qui ne trompent que ceux qui ne veulent rien y entendre et surtout pas de la radio. Madame Veil, Pédégère de la société qui a su si bien rebaptiser le bâtiment de l'avenue du Président Kennedy pourrait, sans gêne, débaptiser Radio France qu'on y verrait que du feu. Feu la radio !








Madame Veil s'acharne pourtant devant la représentation nationale ; à l'Assemblée ou au Sénat, à pérorer sur la nécessité que la radio puisse conserver son autonomie fasse à une fusion où, la grande louve France Télévisions, l'avalerait en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire. Effets de manche, théâtre épique, galéjades qui ne trompent que ceux qui veulent bien marcher dans la combine ! Défendre la radio oui, encore faudrait-il qu'il soit encore produit de la radio et non des petits morceaux de trucs et de machins qu'on bricole en collections, en série. Le tout délinéarisé et pire encore détemporalisé. Il s'agit bien d'additionner les clics et, surtout, n'être comptable que de chiffres plus mirobolants les uns que les autres. 

Au risque d'avoir détruit l'incarnation, par ses équipes, d'un programme de radio, d'émissions du petit matin, de l'après-midi, du soir et de la nuit. Jetant la nuit par la fenêtre du jour. Au risque d'avoir gommé le moment présent qui ne doit surtout pas être entendu dans les rediffusions des rediffusions. Au risque d'avoir cassé la chaîne de fabrication et d'avoir tout aussi méthodiquement casser les métiers spécialisés de technicien du son, de réalisatrices et réalisateurs et tenter d'inventer des productrices et producteurs, moutons à cinq pattes et à plusieurs bras pour faire seul-e-s ce qui se faisait en équipes de réalisation.

Mais l'auditrice ou l'auditeur ne le voit pas, ne l'entend pas. Avec son support habituel il peut encore croire qu'il écoute de la radio. Il n'écoute plus ni la radio ni même des émissions. Il écoute des podcasts. Petits modules sonores qui se faufilent dans la grande toile numérique. The dream is over chantait John Lennon. Oui, le rêve est fini. Le rêve d'être en fusion dans des moments de radio singuliers, surprenants et quelquefois magiques. Le rêve d'une affection solide pour une compagne de route et de vie. Le rêve tout simplement…

Le texte des deux visuels : Plus de 3 milliards de podcasts, 168 heures de direct par jour. Playlists, concerts musiques, direct, podcasts.

lundi 30 septembre 2024

La parole ouvrière… la radio si précieuse pour la recueillir !

9h50, ce dimanche. Je reprends l'écoute du long documentaire de Marion Thiba, "La parole ouvrière" (31 août 1991) rediffusé dans la nuit de vendredi à samedi dans les Nuits de France Culture. Je ne voulais pas passer toute ma nuit à cette réécoute. Je voulais prendre des notes pour ce billet. Et puis surtout dormir. Je reste frappé par la bonne intuition de Jean-Marie Borzeix, directeur de France Culture (1984-1997) d'avoir sollicité Marion Thiba, productrice, pour élaborer ce long documentaire diffusé dans la grille d'été, un samedi de 1991. Un samedi. Quatre heures quarante-cinq sublimes de plongée dans la parole et la culture ouvrière réalisées par Annie Flavell. Pas quatre heures quarante-cinq, assise dans un  studio, quatre heures quarante-cinq de témoignages in-situ, poignants, sensibles, vécus dans des bastions de l'histoire ouvrière. Boussac dans les Vosges. Fourmies dans le Nord. Le bassin houiller lorrain. Lip à Besançon. La mine de Bruay en Artois ou à Oignies. La Sollac à Dunkerque. Les haut-fourneaux de Longwy. Peugeot à Sochaux. Les chantiers navals de La Ciotat. Mais aussi la bonnetière de Troyes, le typographe de Paris, la monteuse-cableuse, l'instituteur… 


 









Marion Thiba : "Michel Verret, vous êtes philosophe, sociologue, vous avez écrit beaucoup de livres sur la condition ouvrière, vous avez l'habitude d'écouter les ouvriers. Je me disais que la radio était très précieuse pour recueillir la subtilité des différentes paroles ouvrières.“ À Troyes, Suzanne Parrigaux, évoque les bonnetières qui devaient supporter en permanence les bruits stridents de l'usine. À Fourmies (Nord), dans les filatures il était presque impossible de parler, c'était le bagne. Le bobineur était le souffre-douleur. Les ouvrières ont inventé cette image "La neige ce sont les fleurs de soumission. Si pendant la grève on ne reprend pas le travail, c'est la fin. C'est la mort". Déjà ces premières paroles montrent que ces mots n'auraient jamais pu être prononcés en studio à Paris.

Michel Verret précise "La parole nue, dans la tragédie la plus noire. La parole claire de la bonnetière. La parole franche d’une vie basse. L’oser dire de l’exploitation." Et il est joli que Verret traduise "le pain d’alouette", cette friandise que le mineur rapporte à ses enfants sans y avoir goûté lui-même pour son casse-croûte préparé par sa femme. Marion Thiba, pousse loin son écoute du sociologue au point de lui demander "D’où vient votre émotion ?". Verret : "Cette classe ouvrière peut retourner sa coopération de travail en coopération de résistance, en coopération de lutte, en coopération de définition d’objectifs de classe. Il faut que la classe ouvrière pour qu’elle soit classe survive comme classe. Et il faut que son expérience puisse se cumuler." Il faudra aussi quelques intermèdes d’accordéon pour tenter de prendre un peu de recul pour mesurer cette culture ouvrière disparue. Bafouée et disparue. Méprisée et disparue. Niée. "Il faudra au moins un siècle pour qu’on ne sache plus ce que c’est la culture ouvrière" annonce un témoin.

Puis ce sera au tour de Maurice Boivin, typographe du Livre, un "ancien du plomb" d'évoquer le cliquetis des linotypes. Louis Oury, ouvrier aux Chantiers de Saint-Nazaire. Bertrand Bartz, mineur de fond en Lorraine, "Loin du soleil, à la mine on ne siffle pas on ne chante pas, il faut bien ouvrir les yeux et surtout les oreilles, ce que vous ne voyez pas avec les yeux, vous pouvez l’entendre." Marcel Donati, ouvrier sidérurgiste de Longwy intervient à plusieurs reprises dans ce documentaire. Et puis il y a tous ces mots du travail. Qui d’autre qu’un mineur peut "Remonter au jour" ? Aucun, aucune, autre travailleur, travailleuse de la nuit peut finissant son travail peut dire qu'il "remonte au jour".



















Oignies (Nord), décembre 1990. Un mineur raconte : "Aujourd’hui on tire un trait sur tout ça (les charbonnages et la métallurgie, des colosses au pied d’argile) c’est comme si le magasin était en faillite." Et à cause du regard noir, charbonneux des mineurs une jeune femme rappelle que son père ne rentrait pas avec les yeux noirs à la maison et ne supportait donc pas que sa fille se maquille les yeux ! Pour tous les mineurs "L’or noir" ce n'est pas un vain mot, une utopie. Les femmes de mineur montrent qu'elles sont solidaires de leurs maris, "aux petits soins" comme l’évoque Marion. Les femmes ne se plaignaient jamais dans cet accompagnement lourd de leur mari et de toutes les charges domestiques et d’éducation qui leur incombaient à plein temps. Et elles évoquent aussi avec peine la silicose de leurs maris qui "crachent leurs poumons".


Un ouvrier de chez Peugeot : "C’est dur quand t’as pas parlé pendant 9 heures et que t’as tellement de choses à dire que t’arrives plus à les dire, que les mots ils arrivent tous ensemble dans la bouche, et puis tu bégayes, tu t’énerves, tout t’énerve…".  “Depuis la fin des années 70 le monde ouvrier vit un grand travail de deuil. Les ruptures [avec le reste de la société et des politiques, ndlr] et les clivages sont forts. En 1991, la blessure de la fermeture des puits n'est pas guérie, il y a maintenant l'habitude de cette mort, de cet abandon, de ce remembrement, de ces friches, c'est devenu une plaie habituelle."


Jean Hurtzel : "Les paroles sont un élément fondamental de la culture ouvrière, des cultures orales qui se méfient de l'écrit. Les bistrots étant les derniers lieux de convivialité." Quand, un autre intervenant précise "Le travail représente le fondement de l'identité pour un homme, c'est la légitimation de soi."


Grève ouvrière, Saint-Nazaire, 1955















Ce documentaire précieux de Marion Thiba est plus qu’une page de mémoire. Les témoignages sont des instants de vie, de vies consacrées à l’ouvrage, à l’œuvre d’ouvrières et d’ouvriers. Cette parole ouvrière devrait être enseignée au collège et au lycée. À la fois pour (ré)apprendre à écouter sans voir, et surtout pour prendre la mesure de l’histoire et de ce qui a forgé "les temps modernes".

Je n'ai jamais été ouvrier, mais j'en ai fréquenté de nombreux au cours de ma vie professionnelle. Et puis aussi des ami-e-s dont j'ai aimé écouter leurs histoires brutes. À "L'Humanité dans la poche", le journal communiste, on peut aussi entendre "L'humanité dans la poche" ! Le temps long de ce documentaire c'est aussi le temps long de l'histoire ouvrière avec une triste réalité, le temps de plus en plus court consacré aux documentaires sur France Culture, comme le temps de plus en plus court qu'il reste à la parole ouvrière. Merci à Albane Penaranda de l'avoir rediffusé dans "Les nuits".

vendredi 27 septembre 2024

Sublimer la musique, les mots à Fip radio…

La musique coule le long de ce merveilleux ruban (programme) musical et l'on tend l'oreille ou pas. Et puis de temps en temps quelques mots viennent ponctuer, sublimer, enrichir la musique. Il faut être un peu entraîné car on s'échappe assez vite à ses occupations. Il faut savoir guetter cette façon unique qu'ont les animatrices de dire l'heure quand, à 13 heures il est 1 heure sur FIP, ou qu'à 16h45, il est cinq heures moins le quart. Une voix peut nous accrocher plus qu'une autre. Un texte peut nous stimuler beaucoup plus que pour un partenariat ou une annonce de concert. Si s'ajoute de la poésie (ou de la prose) d'une autrice ou d'un auteur célèbre on prend ce moment-là, cet instant volé pour quelque chose qui ressemble à une petite madeleine ou à un rayon de soleil.











Hier un peu avant 1 heure, sur la musique d'Astor Piazzolla et de Yo-Yo Ma, "Regreso al amor", Audrey Stupovski laisse s'installer la musique puis se lance dans une courte histoire. 

"Elle nous quitta le 24 sept 2004 et, depuis ce temps là, "Bonjour tristesse" se glisse encore plus en septembre, en écho, comme un appel farouche à la vie qu'elle menait intrépide. Celle qui disait "Il n'y a pas d'heure la nuit c'est agréable"… Puisque la mort c’est l’immobilité, le mouvement c’est la vie. Une devise implicite pour la turbulente Françoise Sagan qui démontra, un peu malgré elle, mais en lançant la mode, que la vitesse c’est la grande vie. La Jaguar XK140 de Sagan, fonçant à plus de 150 km/h est un bolide inaccessible, délivrant des sensations inédites. La piloter, c’est appartenir à la race des seigneurs. Dans ce mouvement chaloupé tendu du tango, bonjour tristesse avec passion, "Regreso al amor" de Piazzolla qui se conduit sans lâcher la bride par Yo-Yo Ma, Sagan danse le tango sur FIP…"

On y était non ? Sans être dans son bolide, regardant ce très court métrage avec Sagan juste à côté de soi, whisky en main, silencieuse et rieuse au plaisir d'être dans la course sans être au volant ! Il fallait bien attraper ces quelques mots qui donnent à notre journée un peu de douceur entre les gouttes de pluie et l'affolement du monde. Merci Audrey et "Bonjour allégresse"… 

mardi 24 septembre 2024

Un bon dimanche avec Sagan… (enfin pas tout le dimanche !)

Sagan serait-elle devenue intemporelle et surtout le marqueur absolu d'un nouveau monde - après guerre et avant 68 - ? À écouter le bon documentaire de Virginie Bloch-Lainé on peut en être convaincu. Sa fraîcheur, son franc (et quelquefois inaudible) parler, ses postures hors système, hors sa classe sociale (bourgeoise), sa liberté tout simplement sont vraiment réjouissantes et incitent à relire "Bonjour tristresse" et quelques autres de ses romans ou essais.

25 sept 87. AFP © Mychele Daniau








Virginie Bloch-Lainé a très bien choisi celles et celui qui au micro sont venus témoigner du parcours fantasque et accéléré de la romancière, jet-setteuse, romantique new-look et totalement libérée. Libérée aussi du patriarcat (financier) et moral. Sans être féministe avec les codes d'aujourd'hui Sagan a pu être indépendante financièrement et ses deux mariages ne l'ont pas détourné de ses convictions et de ses choix de vie.

Comme je l'évoquais hier pour "L'affaire Lucien Léger", pour pouvoir développer son histoire Sagan aurait mérité un "Bon plaisir", cette belle émission inventée par François Maspero en 1984. Je ne crois pas si bien dire puisque le 25 mai 1994, sur France Culture, Monette Berthomier consacrait trois heures à l'écrivaine. L'archive disponible de ce "Bon plaisir" a été charcutée et découpée en 1h58 en août 2020. Cette maladie d'un formatage vers l'heure juste fait suite aux préconisations d'Arnaud Ténéze qui en 1996 publiait un rapport à la demande de Michel Boyon, Pdg de Radio France, dans lequel Ténéze préconisait de ne plus produire d'émissions de plus de une heure et de passer autant que faire se peut au direct. Consigne que Laure Adler appliquera à la lettre dès sa prise de fonction en 1999. En commençant par sortir "Le bon plaisir" de la grille.

Ce "Toute une vie" Sagan est un régal pour un flash-back sur une époque légère pour celles et ceux qui pouvaient en vivre à la manière d'un Scott Fitzgerald et Zelda Sayre dans les années vingt aux Ètats-Unis.

Cette nuit France Culture a diffusé "Les chemins du jour, Françoise Sagan", par Luc Bérimont, une émission de la chaîne parisienne du 26 août 1956 (Sagan avait 21 ans). Avec autant de fraîcheur et de naturel, Sagan se prête sans détours à la longue interview de Bérimont et nous propose une de ses vérités qui colle bien à l'esprit de la radio "Il n'y a pas d'heure la nuit, c'est agréable."

lundi 23 septembre 2024

Une histoire particulière… en morceaux !

Si je vous dis "Je vais te raconter une histoire particulière" et, à moins qu'il ne soit trois heures du matin et qu'au bout d'une demi-heure vous dormiez à poings fermés, vous aimeriez plutôt connaître la suite le jour même. Je raconte rarement des histoires à trois heures du matin, même s'il m'arrive d'en écouter dans les Nuits de France Culture. Si la coutume veut que sur cette chaîne on écoute un feuilleton sur plusieurs jours, voir plusieurs semaines, "À voix nue" sur les cinq premiers jours d'une semaine et "LSD" sur les quatre premiers, il est absolument incongru qu'une histoire d'une heure soit coupée en deux. Cette invention anti-radiophonique on la doit à Sandrine Treiner, ex Directrice de France Culture (2015-2023) qui ne s'est pas contentée de manager brutalement ses équipes, mais qui "au plaisir" du clic a saucissonné une histoire pour répondre aux injonctions de la Direction du numérique qui cherche par tous les moyens à gonfler les audiences délinéarisées. Pour ma part, j'écoute en replay, l'épisode 1, le dimanche à 13h et en direct l'épisode 2 le dimanche à 13h30. J'aime le suspens mais pas du tout "les coupes arbitraires".












On me pardonnera ce long avant-propos pour présenter "L'affaire Lucien Léger" d'Alexandre Heraud et Yvon Croizier, pour les deux épisodes d'une nouvelle "histoire particulière" samedi 21 et dimanche 22 septembre, sur France Culture. Ce (trop) court documentaire est bien produit et bien réalisé (1). L'affaire Léger, l'"étrangleur", est sordide et tragique. Le récit donne envie d'en savoir plus. On pourra toujours se reporter aux livres de Philippe Jaenada, de Stéphane Toplain et Jean-Louis Ivani. Mais le format même de ce documentaire empêche au producteur de creuser le contexte social et culturel d'une époque qui était tétanisée par un crime d'enfant et qui pouvait tenir la une des journaux pendant de longues semaines. Pourtant le sujet se prêtait bien à un plus long récitatif. 

Depuis l'arrivée de Laure Adler à France Culture (1999-2005) le documentaire occupe de moins en moins de place dans la grille. Sandrine Treiner quant à elle, jamais à court de grands mots et d'effets d'annonce, prédisait, avec tambours et trompettes en décembre 2015 dans une interview au journal Le Monde "Nous allons offrir un Netflix des savoirs, avec un portail consacré au documentaire". Le portail n'a jamais été forgé. Quant au Netflix des savoirs c'est juste de la com' et de la poudre aux yeux… ou aux oreilles !

(1) Il est agréable d'y entendre le jingle "vintage" d'Inter-Actualités de France Inter, un repère mémoriel pour plusieurs générations d'auditeurs