mercredi 17 avril 2024

17 avril 1948… Naissance de Kriss

Le 17 avril 1981, jour de son anniversaire, au micro de sa quotidienne À cœur et à Kriss sur France Inter. Kriss part en live. Tricote avec gourmandise et espièglerie son petit délire verbal. Pour ne rien dire de son âge. Déjouer tout ce qui pourrait être un indice. Moment de radio surprenant (1). Un peu inoubliable. “Je peux quand même dabord vous remercier pour les fleurs, les bonbons, la crème de marrons, les cigarettes en chocolat, les allumettes en sucre et même les sapes que jai reçus, cest gentil, cest gentil, cest gentil… ”  Comment être surpris que ses aficionados déclarés lui envoient, ce jour-là, autant de cadeaux ? D’attention et d’amour.

Kriss, (Corinne Gorce)
















Cette mise en avant de soi, intime, joyeuse et volubile passe bien. Auditeurs en totale intimité avec elle. “Auditeurs de mon cœur, auditrices de ma vie”, son slogan. D’elle, on accepte tout. Qu’elle se mette toute en je. On partage folie douce, tendresse et complicité. Contrat, initial et indéfectible, avec ses auditeurs. Union libre radiophonique. Compagnonnage inédit avec une voix de radio. Une femme de radio.


Dès son micro ouvert, Kriss nous parle. Nous, en chair et en os. Immédiatement en prise avec le monde entier. Son mot, ses mots font tilt. Déroulés, enroulés, tourneboulés. Aux quatre vents. Chamboulés si besoin. Elle les caresse. Les cache derrière une chanson. Kriss, raconteuse. Enfileuse de perles rares. Brodeuse au petit point.


En télescopage permanent - on devrait dire radioscopage - avec la vie. “Dans la vie je fais de la radio, je dis dans la vie parce que c’est partout dans ma vie…” C’est ça. Peu importe les contenus de ses émissions. Leurs titres suggestifs. La vie en reflet de la sienne, de la notre. Quotidienne, singulière, humble, magnifique ou simplement banale. “Kriss était la propre matière de ses émissions” affirme son amie Chantal Pelletier (2).




















Voix libre. En roue libre. Par un travail acharné, méticuleux et perfectionniste en amont. Penser. Écrire. Dire. En entrant en studio, Kriss ajoute son supplément d’âme. Précieux. Au prix de ses jours et de nombreuses nuits dévolues à la radio. Julien Delli-Fiori trouve les mots pour la décrire : “Kriss…taline, infantine, espiègle, intelligente”. Dit et bien dit. Il ajoute “Une plume vocale avec laquelle elle écrit”Dans Pentimento, à sa consœur de L’Oreille en coin, Paula Jacques, elle explique son choix de la radio comme moyen d’expression artistique. “Javais envie de dire mes choses à moi”. Elle les dit. Sans filtre et sans tabou. Souvent avec le sourire. Sa spontanéité surprend ses interlocuteurs, jamais ses auditeurs. Un sens aigu de l’autre, son écoute lui font produire quatre saisons de Portraits sensibles. Une belle collection de témoignages vivants. Singuliers et touchants. Sa désannonce de la dernière de la saison, un florilège d’humanités.


Un peu plus que ses consœurs et confrères, Kriss par sa présence au micro sublime ses mots. Crée un effet dentraînement. De communauté. De dialogue ininterrompu. Elle nous agrippe dans sa course folle. Elle va sonner à notre porte. Sasseoir au salon ou dans la cuisine. Commencer à papoter. La porte est ouverte. Elle viendra. Demain ou n’importe quel autre jour. Elle me parle dans le creux de l’oreille. Je lui réponds. Je souris. Je retiens une larme. Souvent j’éclate de rire. Comment mieux décrire cette complicité si rare à la radio ? Sur tant d’années. D’émissions en émissions. De mots doux en mots pointus. De câlins en soupirs, De tendresses en coups de griffes. De pétillances en une lente et irrémédiable extinction de voix.


19 novembre 2009, K.O. debout. En 69, une étoile naît à la radio. Et s’éteint quarante ans plus tard. Voilà c’est fini chante Jean-Louis Aubert.


Un jour, Kriss dit à un ami physicien ”Les gens de radio sont comme des éphémères qui ne volent quun jour et disparaissent”. “Cest faux, lui a-t-il répondu. Tout ce qui existe est détruit par le temps. Les monuments les plus beaux, les livres, la planète elle-même disparaîtra. Mais vous, les voix de radio, vous êtes éternelles. Vos paroles emportées par les ondes hertziennes voyageront dans lunivers aussi longtemps quil existera” . (3)


Ce texte est extrait d'un chapitre d'un de mon livre "60 ans au poste" Journal de bord d'un auditeur.” L'Harmattan. 2023.


(1) Jean Garretto et Pierre Codou (L'Oreille en coin) étaient en régie pour fêter ça !

(2) À cœur et à Kriss, France Inter, sept 80-juillet 81. Chantal Pelletier reprendra ce titre pour évoquer leur amitié, Éditions des Busclats, 2011,

(3) La sagesse d'une femme de radio, Kriss, L'œil neuf, 2005.


lundi 8 avril 2024

Un nouveau métier radio : assembleur ou reformateur !

Reformateur sans accent sur le "e". Parce que de réforme il n'y en a pas ! Déforme oui et déformer, encore mieux. Voilà donc que la Directrice de France inter, Adèle van Reeth enfonce le clou (1) et formalise à nouveau l'alpha et l'omega de la mue : son fameux "huitième jour" et toutes les circonvolutions oratoires pour expliquer ce métier de manageur consistant à gérer le stock, rationaliser les contenus et "faire du neuf avec du vieux" ! Revue de détail.



On se croirait dans une grande surface (suédoise)
«Nous multiplions les occasions de points de contact pour créer une proximité avec la marque France Inter. [En tête de gondole, ndlr] Rapprocher les antennes du numérique impose de nouveaux processus de fabrication. On ne peut plus se contenter de réfléchir à la seule production des émissions en direct. Il faut penser la fabrication du contenu radiophonique selon une double chronologie qui entremêle le linéaire et le numérique." (1) Van Reeth parle encore de contenu radiophonique quand la Pédégère, Sibyle Veil parle d'audio.

Et voilà la cuisine interne : trois pour le prix de deux !
Une partie du travail consiste à reformater le contenu existant. Au cours d’une saison, l’émission «Grand bien vous fasse», par exemple, peut consacrer plusieurs numéros à l’alimentation chez les enfants. Nous en faisons alors une série thématique disponible en podcasts. Dans ce cas, nous ne produisons rien de nouveau. Mais nous avons une nouvelle série à mettre en avant. C’est une manière d’éditorialiser différemment nos contenus. La création et le reformatage de contenus numériques ont un coût financier et de main-d’œuvre «équivalent à un huitième jour de direct". Grâce à nos nouvelles stratégies de production et de diffusion, nous pouvons proposer davantage de contenus à budget et moyens humains à peu près constants". (1) Ce tripatouillage digne de la cuisine d'assemblage a-t-il encore quelque chose à voir avec la fabrique de la radio ?

Ces nouvelles pratiques et nouveaux métiers c'est ce qu'ailleurs Madame Veil ,et son armée mexicaine de geeks, appellent des éditeurs numériques ! On va donc pouvoir à terme défaire la radio pour faire de l'audio. Joli tour de passe-passe digne de Gérard Majax ou de Garcimore quand la ficelle est vraiment trop grosse. À terme la création radiophonique va se raréfier comme peau de chagrin. Mais il y aura toujours quelqu'un pour monter sur la table et annoncer la création d'une "nouvelle" série sur New-York. Soit quelques collages et décollages plus ou moins douteux à partir des cinq premières "Nuits magnétiques" (2) : "New-York Moyen-âge" (3), saupoudrées de quelques reportages supplémentaires pour donner le change de l'actualité du moment. Me vient alors l'impérieuse envie de citer John Lennon "The dream is over".

Ajout du 9 avril
"Les diffuseurs traditionnels trouvent une nouvelle jeunesse dans la «plateformisation». C’est l’un des enseignements de l’étude Glance de Médiamétrie, présentée lors du Salon de l’audiovisuel MIPTV, à Cannes." (in "Les chaînes de télévision s'inspirent des plateformes et vice-versa", Marina Alcaraz, Les Echos, 9 avril 2024). Il en va bien sûr de même pour la radio !

(1) Adèle Van Reeth: «France Inter est une radio progressiste et elle l’assume» par Caroline Sallé, Le Figaro, 28 mars 2024,
(2) Émission (1978-1999), inventée et mise à l'antenne de France Culture par Alain Veinstein, en janvier 1978,
(3) Par Pascal Dupont, du 2 au 6 janvier 1978, France Culture.

dimanche 7 avril 2024

Les yeux dans les oreilles… (Paris-Roubaix)

Je crois ne m'être jamais intéressé à cette course cycliste avant d'avoir écouté ""Yvon, Maurice et les autres… Alexandre ou la victoire de Bernard Hinault dans Paris-Roubaix 1981" (1). Ma passion pour le vélo et le Tour de France tient beaucoup plus à des souvenirs de radio où, enfant, grâce à mes petits cyclistes en métal sur nos "Tour de France de sable" nous essayions avec, copains et copines d'imiter les commentateurs sportifs entendus dans le poste ! Nous n'avions d'autres images que celles de notre imaginaire. Paranthoën magnifiera ce dernier au point d'être "dans la course" encore mieux que dans nos rêves…

Yann Paranthoën sous son parapluie de berger
Paris-Roubaix 1981 ©Marc Enguerand 













Chance, sur ina.fr reste ce documentaire qu'il convient sans doute d'écouter dans son transat, casque sur les oreilles. J'ai écrit plusieurs billets sur le sujet. J'ai surtout depuis cette époque (lointaine) écouté les histoires de vélo, Paranthoën/Giovannetti, avec le merveilleux "Le tour de France 1989 de Vincent Lavenu, dossard 157". Désolé de le dire comme ça mais les images - fabuleuses - de la TV ne pourront jamais remplacées ces sons bruts, mêlés, mixés, ces cris, ces déraillements, ces voix qui aux origines faisaient les courses cyclistes et que Paranthoën/Giovannetti ont poussés jusqu'à en développer un art radiophonique ultime. 

(1) Documentaire de Yann Paranthoën et Claude Giovannetti diffusée le 11 juillet 1982, dans l'Atelier de Création Radiophonique, sur France Culture et qui obtiendra la même année le prix Italia, pour sa version courte de 45'.

vendredi 5 avril 2024

Le grand chamboule-tout… audiovisuel (spectacle de foire d'empoigne) !

Le grand soir qu’on attend depuis 1789 est sur le point d’advenir. Qu’est-ce qu’on se marre !  Le Monde et sa journaliste Aude Dassonville révèlent : "Sibyle Veil, [Pédégère de Radio France] a pris la parole devant les salariés de la station pour leur annoncer la nomination de leur directeur, Jean-Philippe Baille, à la fonction de responsable de projet « pour réfléchir à une ligne commune pour Franceinfo ». (1) Parachever la fusion de France Info (radio) et France Info (TV), qui l’eut cru seulement envisageable quand en 2016 la création du canal 27 sur la TNT nous assurait mordicus que les deux chaînes seraient indépendantes ? Quelle farce ? Ces dernières années les observateurs les plus aiguisés chuchotaient dans leurs plus folles perspectives un rapprochement avec la PQR (Presse Quotidienne Régionale) ou à défaut, une association avec une grande chaîne de distribution alimentaire. De là à imaginer la fusion de la Radio et de la TV il n’y a que de très grands esprits, des lumières qui pouvaient établir un tel scénario, digne des plus grandes réalisations de la Métro Goldwyn Mayer. Car depuis 2015 il faut se préparer à la fusion sans jamais l'évoquer !

Lucien Jeunesse, un temps "Monsieur Loyal"
pour le cirque "Pinder-ORTF
"


Il fallait oser ! En effet on se demande bien pourquoi deux antinomies telles que Radio et TV pourraient s’associer. En 2016, il fallait surtout faire "comme si" les deux chaînes étaient justes complémentaires. Madame Veil pour qui le mot fusion donne de l'urticaire a trouvé les mots "ligne commune". Un happening digne de Feydeau, un spectacle (gratuit) offert à tous ! L’émotion nous étreint et l’on imagine la joie de la Ministre de la culture, Madame Dati, de voir la réactivité de Madame Veil à s’engager dans la voix du progrès. Adieu veaux, vaches, silos voici (re)venu le temps de l’HO.RTF (HOlding de Radio et Télévision Française) ! (2)

La journaliste du Monde, dans son papier nous en révéle une autre bien bonne "Xavier Riboulet, le directeur de la proximité du réseau France 3, est chargé de s’acquitter d’une fonction identique à celle de M. Baille, mais pour France 3 et France Bleu." Bien vu l'aveugle ! Un coup c'est Radio France qui pilote, un coup c'est France TV. Va falloir vite penser au coordinateur des coordinateurs. Vous avez dit "usine à gaz !". Ça y est la fiction a rejoint le réel. Qui aurait cru il y a encore deux quarts d’heure que ces deux institutions audiovisuelles pourraient fusionner ? On a vraiment l’impression de sortir de cinquante années de coma éthylique. Et d’un coup M. Giscard d'Estaing se voit définitivement désacralisé et montré du doigt pour avoir eu l’hérésie de démanteler un pur joyau audiovisuel qu’était feu l’ORTF en 1974 !!!! Que d’aucuns méchants et jaloux appelaient déjà une usine à gaz !


Allez tant qu'on y est, ne boudons pas notre plaisir à imaginer d’autres fusions au sein même des entités prêtes à fusionner. En effet, pourquoi pas imaginer le grand show (et froid) de La bande originale  (Nagui, Inter) avec Le Book club (Richeux, Culture) qui donnerait en quotidienne La bande du book. Osons aussi la fusion du poussif Jeu des 1000 €  (Stouflet, Inter) avec Affaires culturelles (Laporte, Culture) qui proposerait L'affaire du jeu culturel des 1000€. Ou plus simple encore mixant Affaires Culturelles et Affaires Sensibles (Drouelle, Inter) en Affaires culturelles sensibles. Et cerise sur le gâteau, en quotidienne le big-bang de Soft Power (Martel, Culture) avec le Zoom zoom zen (Noël, Inter) en un décapant Zoom Soft Zoom Power Zen (facile à mémoriser). Cette rationalité radicale (et pas socialiste pour deux sous) ne manquerait pas de satisfaire la Cour des Comptes et les tutelles de Bercy et de la rue de Valois.




Ce n’est qu’un qu’un début, continuons le rata ! Le chamboule-tout est en place, Barnum peut plier sa toile, le grand cirque Pinder-ORTF reprendre du service pour la plus grande joie des petits-enfants qui, le mardi soir ou le mercredi après-midi, pourront s'asseoir devant le petit écran, où les Loyal, Salamé (Léa) et Erner (Guillaume), sur La piste aux étoiles, feront virevolter écuyères, clowns sordides, dresseurs de lions médiatiques, vieux chevaux sur le retour et autres marchands de yaourts au bifidusse actif (sic) ! La SUP de Com'A (Service Unique Public de Communication) ne va plus tarder à se mettre en place ! Wait and see !


(1) "A France Télévisions et Radio France, deux nominations pour resserrer les liens", lemonde.fr, 3 mars 2024
(2) Les téléspectateurs qui ont de la mémoire n'auront certainement pas oublié ces grands moments de télévision-radio inventés par Laurent Guimier le directeur de France Info radio (dès la création de la Chaine Publique d'Information (Canal 27), qui consistait, depuis le plateau TV, de façon cadencée à "rejoindre la Maison de la radio" pour des flashs de 2'. On était revenu au temps où Léon Zitrone beuglait "À vous les studios, à vous Cognac-Jay !". Pathétique et grand guignolesque !

mardi 2 avril 2024

Des tubes… pas si creux !

Il arrive qu'au détour d'un festival de radio, on croise des gens de radio, ceux qui font la radio, au micro et… dans l'ombre. On écoute beaucoup. On cause beaucoup. Si l'un d'entre eux, l'une d'entre elles vous demande "T'as écouté mon dernier doc ?" et, si ce n'est pas le cas, vous pouvez, confus, les assurer que vous ne manquerez pas d'écouter. Promis, juré. Autrefois pour "Sur les docs" (1) ça ne me serait jamais arrivé. La formule "LSD" et ses quatre heures obligées a non seulement fait diminuer le nombre des productrices et producteurs mais n'a surtout pas levé l'équation "pourquoi faire quatre heures quand on a seulement deux heures solides ?" et "pourquoi faire quatre heures quand six seraient nécessaires ?

Véronique Sanson
"De l'autre côté de mon rêve"
50ème anniversaire















Jérôme Sandlarz, documentariste, dont il m'est arrivé d'évoquer ici les réalisations, m'avait donc en février dernier incité à écouter sa série "Les tubes de ma vie". Rien que le titre donnait envie de s'y plonger quand, comme pour moi, les tubes de ma vie ont été les marqueurs indélébiles de mes époques. Voyons comment ce jeune homme va nous inciter à remonter le temps.

Ça commence très bien puisque "pour une fois" Véronique Sanson ne "chante pas" se contentant sur "Chanson sur ma drôle de vie" (2), au piano, de fredonner sur sa musique. Très bonne intro et déjà joli clin d'œil aux années 70 qui posent l'ambiance et une délicate légèreté qui, non seulement donnent envie de chanter mais aussi de sourire. C'est un peu ça le charme d'un documentaire, vous attraper immédiatement par l'oreille et ne plus vous lâcher jusqu'à écouter les quatre épisodes en continu.

Alors, forcément, pour le premier épisode, de "Belles, belles, belles" (Claude François) à "Banana split" (Lio) il y a de quoi faire virevolter la mémoire. Constater qu'on n'a pas oublié les paroles des plus grandes scies (tubes) comme des chansons un peu oubliées mais si présentes quand, dès l'intro, on chante. La bonne affaire qu'ont mis en place Sandlarz et Agnès Cathou, sa réalisatrice, est d'avoir été chercher l'origine des chansons. Le parolier, l'arrangeur, l'interprète. Cette fabrique-là et ses petits secrets font un joli tout, précieux  qu'on rangera bien vite dans une boîte (à musique) pour n'en rien oublier.











Toute la série file ce bon coton-là. Les émotions sont fortes. Comme Sandlarz le dit si bien, on y retrouve ses propres larmes et ses joies furtives. Tant d'instantanés portés en sautoir autour du cou. Prêts à raconter "la première fois que j'ai entendu cette chanson…" et surtout à se laisser bercer par l'époque fut-elle quelquefois tragique ou sombre ? 

Ces "lieux de mémoire" mériteraient une quotidienne, un clin d'œil de 10/12 minutes, s'intercalant dans une grille de programme à laquelle manquent aujourd'hui la légèreté et un pas de côté salutaire et vital. Comme ont pu le faire, en hebdo, sur France Culture François Régis Barbry et "La mémoire en chantant" ou Karine Le Bail et "Les greniers de la mémoire" sur France Musique.

Une pastille pour conjurer le sort d'un monde en perdition. Sandlarz pourrait postuler. Il a sûrement dans sa malle à chansons des trésors et des trouvailles qui, avec celles de Fanny Leroy, collaboratrice d'écriture, donneraient de quoi flâner, fredonner une saison entière et plus… si affinités.

(1) À la rentrée 2006, l'émission documentaire est créée par Pierre Chevalier (venu d'Arte). Elle a lieu du lundi au jeudi d'abord à 16h puis à 17h sur France Culture. Le directeur de la chaîne est David Kessler (2005-2008) qui a succédé à Laure Adler (1999-2005). Longtemps coordonnée par Irène Omélianenko, elle prendra fin en juillet 2016. SLD deviendra LSD (on pleure encore d'une trouvaille aussi bidon). la directrice de l'époque S. Treiner imposera aux productrices et producteurs "quatre heures obligatoires" pour proposer un documentaire. Autant dire que cet impératif - anti créatif - cachait l'idée formelle de diminuer de façon drastique les documentaristes !

(2) Maquette de 1972

vendredi 29 mars 2024

Pourquoi rallumer la radio quand Veil s’apprête à l’éteindre ?

Dans La Tribune Dimanche, ce 24 mars, Laurent Lafon et Quentin Bataillon (1) annoncent "L'heure est venue de réformer l'audiovisuel public." Hier devant le personnel de Radio France, sa Pédégère a présenté son projet stratégique 2024-2028. Je n'ai choisi pour écrire ce billet que deux "détails" qui n'en sont pas et qui en disent long sur le big-bang à venir. Ce dernier terme est lui-même employé par les signataires de la tribune.










Ces mêmes signataires affirment la nécessité de "regrouper les forces". "Nous préconisons plutôt la mise en place d'une structure commune qui pourrait s'appeler "France médias". Sans exclure la possibilité à terme d'une entreprise unique, cette option préserverait l'identité des différentes filiales : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA". Ça c'est pour le contexte, le détail c'est la conclusion de la tribune. "Rallumons nos radios et nos télévisions". J'y reviendrai.

Madame Veil a développé son projet stratégique, au titre limpide "Un service public audio pour tous". Voilà l'autre détail. De mémoire audiophile ou d'auditeur chevronné c'est la première fois de l'histoire de Radio France (débutée en janvier 1975) que l'audio est sanctuarisé dans un projet d'entreprise et surtout qu'il remplace le mot "radio" qui est l'objet même (et la fonction) de la société "Radio France" (2). De là à ce que la mue aille jusqu'à la création d'"Audio France" il n'y a qu'un pas qu'il est sans doute encore prématuré de franchir (3).

Au titre de cet audio-là il est affirmé : "Ces dernières années, notre stratégie d’élargissement de la radio à l’audio, par l’hybridation de la radio et du numérique à tous les niveaux (de la conception, à la diffusion, en passant par la production), a largement démontré sa pertinence." Madame Veil achève le long parcours qui, depuis 2014, n'a cessé de formaliser la mue jusqu'à la faire aboutir à une révolution sémantique. La radio intégrée (désintégrée ?) dans un grand mouvement audio généré et conditionné par un "tout numérique" tendance dévastateur des procédés (élaboration des émissions), des savoirs faire (des métiers : producteur, réalisateur, technicien du son) et de la chaîne de fabrication (attachés de production, chargés de programme, équipe de réalisation) de la radio elle-même depuis ses origines. Et sûrement de l'art radiophonique fait d’émotion, de sensibilité, et d’humain.

Alors quand, demain, on se croisera à la machine à café la seule question existentielle sera "Toi t'es plutôt hybride ou radio-radio ?".

Dans ce projet stratégique il est écrit : "Nous disons souvent qu’il ne s’agit plus d’une « guerre » de position mais d’une « guerre » de mouvement. Radio France est devenu un média de conquête." Il n'y a plus seulement un Président de la république va-t-en guerre, la doctrine belliciste a infusé jusque dans les couloirs de la Maison de la radio. Au mot "conquête" on peut ajouter "de nouveaux marchés" (des jeunes) et installer le service public de radiodiffusion dans une démarche de branding (image de marque) industrielle. Le privé, les radios privées n'ont qu'à bien se tenir !!!!!

Les podcasts sont le plus formidable faux-nez inventé par les ingénieurs (et quelques geeks acharnés) pour casser la radio et faire entrer dans la tête des auditrices et des auditeurs que toute la production Radio France qu'ils entendent dans un récepteur radio, sur l'appli Radio France et sur les plateformes provient d'un podcast. Le mot "émission" a disparu, demain ce sera au tour du mot "programme" et après-demain du mot "chaîne". Une mue exemplaire qui va s'accompagner d'une méga recomposition d'organisation, de métiers, de compétences et d'une coupe drastique dans la masse salariale ce que les tutelles et la Cour des Comptes attendent depuis vingt-cinq ans.

Pas sûr que MM. Lafon et Bataillon lisent cette chronique. Pourtant je leur suggérerai bien de questionner la Pédégère de Radio France lors d'une prochaine audition à l'Assemblée ou au Sénat. "Madame Veil pourquoi rallumer nos radios alors que l'audio sera audible sur tous les supports numériques et même sur votre plateforme ?"

(1) Laurent Lafon, Sénateur (UC), président de la Commission Culture du Sénat. Quentin Bataillon, Député Renaissance, rapporteur de la mission sur l'audiovisuel public. Et quatre co-signataires : Isabelle Rauch, députée (Horizons), présidente de la commission des Affaires Culturelles, Jean-Raymond Hugonet, sénateur (LR), rapporteur de la proposition de loi, Jean-Jacques Gaultier, député, président de la mission sur l'audiovisuel public, auteur de la proposition de loi organique. Cédric Vial, sénateur (LR), rapporteur budgétaire de l'audiovisuel public,

(2) Qui, rappelons-le, n'est pas un groupe mais une société ! Radio France est une société anonyme détenue par l'État français, créée le 6 janvier 1975, qui gère les stations de radio publiques en France métropolitaine et plusieurs formations musicales.
(3) Prochaine campagne de pub au cul des bus ? "Si t'es audio t'es hybride… Si t'es radio t'es bridé ! "

mardi 26 mars 2024

Monsieur Giovannetti…

Ça alors ! C'est un joli titre de billet. C'est l'occasion à travers les chemins escarpés du Cap-Corse de rendre hommage à Claude Giovannetti, chargé de réalisation à Radio France qui toute en discrétion, effacement et pudeur a accompagné Paranthoën dans sa longue quête radiophonique. Pour la radio publique et pour ses créations personnelles. Mais là "pour une fois" sur son terrain - la Corse -, loin des granits de l'Île Grande, Claude va trouver sa juste place à côté du tailleur de son dans le très subtil documentaire de Bastien Lambert "Carte postale de Centuri" (1)

Yann revenant de la pêche
Fonds privé, collection personnelle
de Claude Giovannetti













Lambert tisse, tricote et détricote avec les enregistrements (réalisés en Corse) et les bandes magnétiques personnelles de Paranthoën qu'il a pu écouter en Corse auprès de Claude Giovannetti, première oreille du breton, là, hors de ses terres, hors de "sa" cellule de la Maison de la radio. Nagra chevillé au corps avec lequel de ses doigts agiles il attrapait la vie dans tous les sons du terme ! Gravant sans relâche la mémoire.Toutes les mémoires. Allant même jusqu'à imaginer, vous l'entendrez, que son Nagra - quand il interviewe des personnes âgées - pourrait s'apparenter à l'Ankou (la représentation de la mort en breton). Bigre ! Mais Yann le dit si simplement que ça enlève sa part de tragique à la mort, si présente en Corse comme en Bretagne.

Merci à Claude Giovannetti de nous raconter par le menu l'amour de Yann pour les pommes de terre. "Garder la trace d'anciennes semences" c'est exactement comme garder la trace d'anciennes voix, d'anciennes histoires pour remettre tout au présent. En vie. Jusqu'à la création d'un "Jardin de Yann" (avec ses semences de pommes de terre) dans le laboratoire de recherche de Catherine Château en Bretagne. Et pourquoi pas tenter un feuilleton bucolique "En quête d'Arly Rose ?". Toujours est-il qu'il aurait été intéressant que Van Gogh, Agnes Varda et Paranthoën se rencontrent (2)

Ces moments "arrachés" à la vie ordinaire donnent une autre façon de rencontrer Yann et Claude. Et comme celle-ci le dit si joliment "Yann et la Corse c'est vraiment pich'nette dans sa vie". En corse, ce Yann-là était M.Giovannetti. Juste reconnaissance pour Claude sa compagne… 

(1) L'expérience, Bastien Lambert et Gilles Mardirossian, 23 mars 2024,
(2) Van Gogh "Les mangeurs de pomme de terre", Agnès Varda "Les glaneurs et la glaneuse".