lundi 7 janvier 2013

Sans titre…







Je suis dubitatif et pour le titre de ce billet et pour son sujet. Vendredi dernier en fin d'après midi France Culture communiquait. À savoir différentes rédactions (presse et autres) étaient informées qu'une "minuscule" modification interviendrait sur la chaîne à partir du 7 janvier (1). Minuscule, on va voir ? De quoi s'agit t-il ? Le créneau horaire qui va de 17h à 19h et concerne les émissions "Sur les docks", "Le journal" et "Du grain à moudre" (du lundi au jeudi) va dorénavant s'appeler le 5 à 7 (sic), et ce aussi le vendredi.

Au-delà de l'anecdote qui ne manque ni de surprendre, (il y a lurette que les heures d'après-midi ne se disent plus avec les mêmes chiffres que ceux du matin, ce qui, de fait, permet de les différencier), ni d'interroger (l'expression "un cinq à sept" dans les années 60 ne concernait pas un créneau de travail mais plutôt une plage de rencontre "galante" pour ne pas dire autre chose), on se demande bien pourquoi des émissions bien structurées vont tout à coup se retrouver "chapeautées" ?

Elles seront chapeautées par Hervé Gardette, l'animateur et producteur du "Grain à Moudre" (2) qui, au-delà de l'animation de son émission, jouera l'anchorman pour toute la session de 17h à 19h. Session au cours de laquelle la chronique de Vincent Lemerre (17h55) ne bouge pas. Pourquoi donc avoir "inventé" cette session qui "rapproche" artificiellement des émissions qui ne le sont pas. "Sur les docks" concerne le documentaire et sa longue maturation et fabrication, "Du grain à moudre" concerne l'actualité immédiate ou légèrement décalée. L'animation de la tranche est confiée à un journaliste, Hervé Gardette.

Cette idée de rapprocher ou d'établir une certaine cohérence, harmonie, complémentarité entre deux émissions différentes est pour le moins surprenante, quand la direction actuelle n'a pas souhaité pour ce qui concerne les soirées (après 21h) reprendre ou réinventer les célèbres "Nuits magnétiques" et autres "Surpris par la nuit" (3). Il y aurait donc deux poids, deux mesures. Un 17/19 rassemblé et des soirées ponctuées avec le carillon de l'horloge à heure juste ! Bizarre, bizarre.

Je n'ai aucune compétence de voyance et n'aime pas ici faire des pronostics qui ne seraient fondés que sur l'intuition, mais quand même, cette fois-ci, je ne résiste pas à m'interroger de ce qu'il adviendrait le jour où une actualité "chaude brûlante" nécessiterait, du point de vue de la Rédaction, un développement exceptionnel qui l'inciterait à proposer de remplacer un numéro de "Sur les Docks" par une "soirée spéciale" autour de l'événement ? Ce n'est pas bien sûr Hervé Gardette qui est, serait en cause mais une Rédaction, dirigée par Jean-Marc Four, qui pouvant adapter et le journal de 18h et "Du grain à moudre" n'aurait plus qu'à s'immiscer dans le créneau précédent ! 

Pourquoi la direction n'a t-elle pas inventé le "18 à 20" ? Cette question ne risque pas d'être posée par les gazettes (quotidiennes ou hebdomadaires) qui se revendiquent de "référence" tant sur ce coup-là, elles se sont contentées de paraphraser le communiqué de presse. Il y avait pourtant quelque chose à dire sur ce "lifting" de programme. Il y avait à se rappeler le formidable "Staccato" d'Antoine Spire qui de 1997 à 1999 (4) a su faire des fins de journée de la chaîne, de 18h15 à 19h45 (de mémoire), un assemblage judicieux de culture, d'économie, de politique, dans une tranche enlevée et riche d'ouverture et de sens.

"La mémoire courte" semble aussi bien frapper la presse que les directions successives de France Culture, alors même que la chaîne s'apprête dans moins d'un an à fêter son cinquantième anniversaire ? Guettons, hagards, l'intervention du directeur de la chaîne qui, ce soir peut-être à 18h, nous en dira plus que lors de ses vœux au cours desquels il n'avait pas jugé utile de nous parler de cette "adaptation de la grille", qui en apparence pourrait donner l'effet d'un lifting, quand il s'agit peut-être à moyen terme d'en changer l'esprit pour ne pas dire la lettre.

(1) "France Culture lance une nouvelle session d’antenne, le 5 à 7 présenté par Hervé Gardette (lundi  au jeudi) et Olivia Gesbert (vendredi). Deux heures pour explorer et débattre des enjeux de l’époque. A partir de 17h, documentaires, magazines d’actualité, reportages, tables rondes, chroniques et des grands journaux."
(2) Du lundi au jeudi, 18h20-19h,
(3) Ces deux émissions produites par Alain Veinstein, sans parler des "Passagers de la nuit" produites par Thomas Baumgartner qui auraient pu jouer la continuité…
(4) Période de direction de Patrice Gélinet,

3 commentaires:

  1. Très utile billet, Fanch. Et vous avez une prescience de ce qui va arriver, quoi que vous en disiez. France Culture est en train d'être minée, laminée par un groupe de personnes sans culture, sans vision, sans rapport avec le monde réel et son vrai besoin, celui d'une culture déconnectée de l'actualité vue 100 fois par jour sur Internet.

    Il y a un besoin d'espace et de non-immédiateté qu'ignorent ces aveugles de technocrates de la culture. Les décideurs médiocres de France Culture sont en effet en retard sur leur époque, n'ont aucune compréhension de ce besoin d'avoir un média qui parle à l'imaginaire et à l'intelligence et non au disque dur cérébral où il faudrait, pour être "dans le coup", empiler des savoirs vains et des opinions vaines d'élites auto-proclamées.

    Du prêt-à-penser et de la parlote de fond sonore pour passer le temps, voilà le France Culture du 21e siècle, bravo ! Le nom "5 à 7" est une insulte à tout bon goût et montre le niveau intellectuel voisin de zéro de ceux qui l'ont choisi, comme de ceux qui l'autorisent.

    Vous citez Antoine Spire, c'est bien vu et courageux. S'il a certes fait de bonnes émissions (notamment "Voix du silence"), il a pourtant aussi impulsé un rythme frénétique, notamment au Panorama des années 1990 où il voulait toujours avoir le dernier mot. Ce rythme de la parole et ce mode de conversation (interruptions permanentes de l'autre) est un poison pour une chaîne culturelle et un signe d'obéissance à une idéologie commerciale du maximum de choses en un minimum d'espace, et de la victoire du bruit sur le silence ou la discrétion, du triomphe de la pousse forcée sur la maturation normale (dire "lente" pour celle-ci serait déjà entrer dans le paradigme de ceux qui érigent leur rythme en normalité).

    Cette idéologie s'est montrée dans toute sa laideur dans les voeux d'Olivier Poivre d'Arvor, introduits par Marc Voinchet que vous avez mis dans un récent billet : Voinchet s'étrangle presque à force de vouloir dire des mots plus vite qu'il ne peut les prononcer (tout le monde n'est pas Jean-Christophe Averty...). C'est typique de plusieurs émissions. Le mental surexcité à vide de ces urbains trop pressés, trop gavés d'informations sur tout et rien accélère leur débit de parole au point que celle-ci se noie dans des borborygmes. Bientôt ces pseudo-journalistes ne parleront plus qu'en apocopes ou en sigles et espéreront être imités.

    C'est bien plus que le sort de France Culture qui est au coeur du débat, c'est le mode de présentation du réel et son choix par des élites qui, par leur puissance médiatique, font l'opinion commune.

    On est de plus en plus dans un lavage de cerveau, non seulement par les injonctions à peine déguisées (notamment à France Culture), mais parce qu'on veut nous donner à croire qu'il n'y a qu'une seule et unique façon de fonctionner mentalement, notamment dans le domaine de l'utilisation du temps.

    Et Fanch, vous êtes l'archétype de la contre-pensée à ce sujet, car vous exprimez un point de vue sciemment ignoré et à total contre-courant, celui de proposer des émissions occupant des créneaux hors durées normalisées et non insérées dans des tranches à heures ou demi-heures complètes.

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  2. Je suis aussi très frappé par le rythme de la parole. Et dire que JP Assouline pendant un temps tenait l'émission du matin sur France Cul'
    Et dire que Jean Lebrun s'est moqué vertement des nouvelles directives de son nouveau chef de l'époque, qui voulait que France Cul' gagne en rythme
    Et dire que maintenant on a l'impression d'être dans une radio de débats permanents. Matin, midi, soir.
    Et dire que c'est messieurs sont certainement fiers de leurs audiences. Mais s'ils regardaient la démographie ils verraient que l'augmentation de leur audience est mécanique
    Et dire qu'il fut un temps les informations sur France Culture étient simpement très bonnes, mais elles n'avaient juste pas tellemnt d'importance. Maintenant nous sommes sous le régime du présent permanent. De la bataille du bruit.

    Et dire que plus personne n'a le temps. Je n'écoute que le soir, la nuit, après minuit, quand la parole recommence enfin à ne plus être un enjeu. Les rediffusions, où des gens ont le temps de parler, où on a le temps de les écouter, de les rencontrer.
    Trop de pouvoir. Trop d'enjeux et d'hystérie.

    Respirez... Et laissez nous respirer...

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