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Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.
Gala de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, 16 avril 1967 |
15. Le Livre blanc de la jeunesse (1966-1967)
Plus on s'approche de l'année 68, plus les frémissements contestataires de la société française se font perceptibles. La grogne ouvrière commence à prendre une tournure plus radicale comme nous l'avons vu la semaine dernière avec la grève du textile à Lyon-Vaise. Pourtant le redressement économique de la France est sensible et les réussites industrielles s'affirment. Le 11 décembre 1967 le Concorde, avion du futur, fruit de la collaboration franco-anglaise, est présenté pour la première fois à Toulouse-Blagnac (voir player ci-dessous). Pourtant deux pans entiers de la société n'ont toujours pas bénéficié de politiques dédiées. Le monde ouvrier qui participe aux progrès de ces "années glorieuses" sans en toucher les dividendes. Les jeunes nés du baby-boom qui n'ont pas été la préoccupation essentielle de la politique du Général de Gaulle lors de son premier mandat (1958-1965).
Si je reprends ci dessous plusieurs extraits du travail de recherche de Laurent Besse (1) c'est que son étude détaille les conditions de l'enquête sur "Le Livre blanc de la jeunesse" et comment ce Livre blanc sera le prétexte d'une interpellation du ministre de la Jeunesse et des Sports, François Misoffe, par les étudiants de Nanterre dès janvier 68 (nous y reviendrons dans l'épisode du 8 janvier prochain).
"Nommé dans le cadre du remaniement qui suivit les élections présidentielles de décembre 1965, François Missoffe fut le premier ministre en titre de la Jeunesse et des Sports, secteur qui depuis 1963 bénéficiait d’un secrétariat d’État. La promotion de Jeunesse et Sports en ministère s’accompagna d’une tentative pour fonder ce que François Missoffe appelait une politique de la jeunesse, à partir d’une vaste consultation de la jeunesse, connue sous le nom de "Livre blanc" ou "Rapport Missoffe".
Les modalités et le destin de la consultation Missoffe jettent un éclairage particulier sur la perception gouvernementale de la jeunesse, entre la présidentielle de 1965 et Mai 1968. Ils permettent également de saisir en quoi le ministère Missoffe a bien constitué un tournant dans l’histoire de ce qu’on a appelé "la politique de la jeunesse", même si ce ne fut dans la direction espérée par son promoteur.
Dès son premier "Message à la Jeunesse française" (2), François Missoffe déclara qu’il serait l’homme du dialogue, posture qu’il allait souvent mettre en scène (3). En mai 1966, après quelques mois de préparation, il précisait sa politique : il entendait procéder à une vaste enquête-débat autour de la jeunesse, en particulier avec les premiers intéressés, les jeunes. L’objectif, à l’issue de cette vaste consultation était « la mise au point collective d’une politique de la jeunesse (4), annoncée pour la fin du mois de décembre sous la forme d’un Livre blanc.
Roland Dhordain |
La radio partenaire de l'enquête sur la jeunesse
"Pour le Livre blanc, François Missoffe privilégia la télévision et surtout la radio (5) qui avait une grande audience chez les jeunes. Le coup d’envoi fut donné lors du journal d’Inter Actualité, magazine animé par Étienne Mougeotte et transformé de façon exceptionnelle en forum radiophonique où le ministre "dialogua" avec plus de 50 jeunes. Le ministre livra des considérations très générales sur la jeunesse et sur sa politique qui restait à définir "avec et par les jeunes" mais cultiva avec soin son "parler direct" qui contrastait avec le ton habituel de la radio : "tout ça est mal fichu", "dans votre pat’lin», "faut que les jeunes soient dans le coup", "c’est mon boulot" (6).
Roland Dhordain, patron de France Inter
L'ancien scout, ancien instituteur, créateur d'Inter Service Jeunes ne pouvait pas ne pas s'associer à l'animation de l'opération (écouter l'archive ci-dessous).
"France Inter s’associa plus largement à la consultation grâce à Inter Services Jeunes, animé par Yves Mourousi. Quelques jours plus tard, le ministre occupait à nouveau l’antenne, cette fois-ci pour un "tour de France Inter" en direct. Entre 3 heures du matin et 22 heures, François Missoffe avait parcouru la France en avion et hélicoptère de Paris à Saint-Germain-en-Laye en passant par Brest, Bompannes (Landes), Talence (Gironde), Aix-en-Provence, Saint-Rémy-de-Provence et Dijon, pour rencontrer des jeunes sous les micros et les caméras. Roland Dhordain, directeur de France Inter, qui l’accompagnait dans "ce marathon radiophonique (sic)", était visiblement sous le charme et parlait "d’un style tout à fait nouveau de voyages ministériels"
Le gouvernement du Premier ministre Pompidou ne prend pas les mesure de l'enjeu
La suite de l’action de François Missoffe peut être lue à la lumière de la conférence qu’il prononça en novembre 1967 intitulée Une politique de la jeunesse pour quoi faire ? Son titre prend un effet de comique bien involontaire lorsqu’on examine le Conseil des ministres du 6 décembre suivant où François Missoffe fut mis en demeure de proposer des actions concrètes. Toutes ses tentatives pour intervenir dans des domaines en rapport avec la jeunesse mais qui relevaient de la compétence de ses collègues ministres se traduisirent par des fins de non-recevoir.
(Les inter-titre sont de la rédaction)
Dans son édition des 10 et 11 décembre 2017, Le Monde republie les deux tribunes que le sociologue Edgar Morin avait écrites en juillet 63 sur le phénomène "yé-yé" expression inventée par lui, suite au concert gratuit organisé par "Salut les copains", Place de la Nation (Paris), le 22 juin 1963.
(1) Un ministre et les jeunes : François Missoffe, 1966-1968 par Laurent Besse, Centre d'histoire de Sciences Po,
(2) Monsieur Misoffe n'était pas Jaurès et son "Discours à la jeunesse",
(3) "Message à la Jeunesse française", 13 janvier 1966,
(4) Présentation de la politique de François Missoffe, Inter actualités 20 h, 12 mai 1966, France Inter,
(5) Malgré mon écoute des archives radiophoniques citées par Besse je n'ai pas retrouvé les sources présentées par l'auteur,
(6) Inter Actualité Magazine, 13 mai 1966,
(7) Inter Actualité 20 h, 31 mai 1966,
(8) Publiée dans "François Missoffe, Une politique de la jeunesse pour quoi faire ?"
Conférence des Ambassadeurs du 19 nov. 1967, Paris, 1967.
Présentation du Concorde 11 décembre 1967
La suite de l’action de François Missoffe peut être lue à la lumière de la conférence qu’il prononça en novembre 1967 intitulée Une politique de la jeunesse pour quoi faire ? Son titre prend un effet de comique bien involontaire lorsqu’on examine le Conseil des ministres du 6 décembre suivant où François Missoffe fut mis en demeure de proposer des actions concrètes. Toutes ses tentatives pour intervenir dans des domaines en rapport avec la jeunesse mais qui relevaient de la compétence de ses collègues ministres se traduisirent par des fins de non-recevoir.
(Les inter-titre sont de la rédaction)
Dans son édition des 10 et 11 décembre 2017, Le Monde republie les deux tribunes que le sociologue Edgar Morin avait écrites en juillet 63 sur le phénomène "yé-yé" expression inventée par lui, suite au concert gratuit organisé par "Salut les copains", Place de la Nation (Paris), le 22 juin 1963.
"Devant le Pentagone", Washington D.C., 21 octobre 1967, @Marc Riboud |
(1) Un ministre et les jeunes : François Missoffe, 1966-1968 par Laurent Besse, Centre d'histoire de Sciences Po,
(2) Monsieur Misoffe n'était pas Jaurès et son "Discours à la jeunesse",
(3) "Message à la Jeunesse française", 13 janvier 1966,
(4) Présentation de la politique de François Missoffe, Inter actualités 20 h, 12 mai 1966, France Inter,
(5) Malgré mon écoute des archives radiophoniques citées par Besse je n'ai pas retrouvé les sources présentées par l'auteur,
(6) Inter Actualité Magazine, 13 mai 1966,
(7) Inter Actualité 20 h, 31 mai 1966,
(8) Publiée dans "François Missoffe, Une politique de la jeunesse pour quoi faire ?"
Conférence des Ambassadeurs du 19 nov. 1967, Paris, 1967.
Présentation du Concorde 11 décembre 1967
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