mardi 12 décembre 2017

Pierre, Luc et Régis : la sainte trinité pour Saint-Johnny…

Il ne sera pas dit qu'ad vitam aeternam je ne tende pas l'oreille quand j'écoute la radio. Dimanche soir, Martin Penet dans "Tour de chant" sur France Musique rend hommage à Johnny Hallyday. J'écoute attentivement et je souris avec les archives où l'on entend Claude Dufresne, animateur sur France Inter, spécialiste de l'opérette faire le grand écart pour interviewer Johnny. Puis l'émission touchant à sa fin, Penet raconte que pour son premier concert à l'Olympia, Pierre Bouteiller est en direct sur Europe n°1 pour interviewer le jeune artiste et assister à son concert. Bigre ! Bouteiller, jeune journaliste, est entré à Europe en 1958. Il n'a pas encore d'émission (1) mais sa passion pour la musique et le spectacle ont certainement eu raison de cette première où le "Tout-Paris" est présent.
@GettyImages





















Comment retrouver cette archive ? À Europe 1 rien n'est accessible, pas plus qu'à l'Ina. Je tente une recherche sur Magic-Internet avec une description complète des protagonistes de la date et tutti. Bingo l'archive est là. 15'20" de Bouteiller avec Johnny ou l'inverse c'est selon. Ce qui m'intéresse c'est d'entendre la voix du "jeune" Bouteiller. Le son est pourri mais qu'importe. La voix du journaliste est moins grave, le débit plus rapide mais le ton est là. Un peu perfide et taquin. Johnny est calme et joue le jeu de l'interview juste avant d'entrer en scène. Voilà pour Pierre.





Dans Libé hier matin, Luc (Le Vaillant) écrit un papier intitulé "Saint Johnny" (2). C'est Thierry-Paul Benizeau (3) qui me donne l'info, alors qu'on échange sur la littérature qui s'écrit depuis mercredi dernier. "Saint Johnny" commence par cette savoureuse intro : "L’enterrement de Johnny Hallyday à la Madeleine, samedi, raconte les retrouvailles impromptues de l’Etat français et de l’Eglise catholique. Cela témoigne également de la vampirisation salvatrice du show-biz le plus fatigué et du christianisme le plus chatoyant, l’un comme l’autre ayant besoin de cette transfusion d’émotions pour ragaillardir leur squelette décharné par la numérisation des affects." Le ton est donné.

Le Vaillant poursuit "Le plus intéressant dans cette cérémonie est qu’elle témoigne de la difficulté de la République à imaginer des codes et des rituels en matière funéraire. La mort reste la chasse gardée de la religion, même si on applaudit désormais la sortie du cercueil et si chacun joue sa partition éplorée au-delà des cantiques référencés." CQFD.

Et l'on termine avec Régis (Debray) qui dans Le Monde (4), ne se refusant rien ou se faisant plaisir, titre sa tribune "Une journée particulière". Doux euphémisme quand on sait la débauche de moyens qu'a nécessité la parade des Champs-Élysées pour le défunt chanteur. Debray, spécialiste des médias et de médiologie, enfile quelques jolies perles sur la façon moderne de rendre hommage à un chanteur, fusse-t-il estampillé rocker national. Et de nous aider à comprendre "pourquoi cette journée marquera nos annales, tel un point d'inflexion dans la courbe longue d'un changement de civilisation. Elle devrait mériter le manuel d'histoire pour trois raisons majeures." 

Arrêtons-nous sur la troisième. "Troisième titre, décisif, à des lettres d'or : l'institutionnalisation du show-biz, nouveau corps de l'Etat, sinon le premier d'entre eux."  De quoi Monsieur Debray, vous dateriez l'institutionnalisation du show-biz, à ce dernier show où la ferveur populaire a pu se répandre sur les Champs (Élysées) ? Ne pensez-vous pas que le show-bizness s'est institutionnalisé le 22 juin 1961, pour le concert de "Salut les copains", place de la Nation (Paris) ? La Nation (pas très) reconnaissante que ces hordes de jeunes n'aient pas su, sagement assises, écouter leurs idoles.

Le seul fait qu'Edgar Morin, sociologue, baptise dans une tribune au Monde, après le concert de la Nation, la génération des teenagers "génération yé-yé", "yé-yé" promut par le show-bizness naissant, n'est-ce-pas ce jour-là l'institutionnalisation même des adolescents, du rock et du show-bizness ? Dans un lieu hyper symbolique "La place de la nation". Johnny n'a sûrement pas fini de faire couler beaucoup d'encre, de mettre le feu à des analyses savantes diverses et variées. Saint-Johnny étant depuis lurette canonisé on se demande bien qu'elle sera la prochaine étape du show et du bizness. Mais, ya pas d'erreur la meilleur des synthèses est définitivement celle de Libé… "Salut les copains".

(1) Il animera sur Europe n°1 "Je sors pour vous", à la rentrée 68, magazine dans la veine de ce qu'il adore par dessus tout le spectacle, le théâtre, le cinéma, les concerts, la musique,
(2) Libération, 11 décembre 2017, 
(3) Critique musical, ex-chroniqueur dans Easy Tempo de Valero et Jousse sur France Musique et producteur d'émissions de jazz sur la même chaîne,
(4) Daté 12 décembre.

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